Monsieur Le Déaut n'étant pas forcément connu de
tous les lecteurs, je vous livre donc un extrait de sa biogra
phie qui figure en fin
de ce rapport : "Député depuis 25 ans d’une
circonscription de Meurthe-et-Moselle, Jean-Yves Le Déaut est actuellement
Premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques (OPECST), dont il a assuré trois fois la
présidence depuis 1989. Depuis 2004, il est aussi Premier vice-président du
Conseil régional de Lorraine, délégué au Développement et à la Mobilisation
économique (Innovation, Recherche, Enseignement supérieur). Il appartient par
sa formation initiale à la communauté de l’enseignement supérieur et de la
recherche, puisqu’il est docteur es sciences en biochimie, et professeur des
universités. Il a dirigé le laboratoire de biosciences de l’aliment, et l’unité
de sciences biologiques de l'université de Nancy.
Dans le cadre de l’OPECST, il a réalisé quelque 11
études, concernant lesbiotechnologies, mais aussi les énergies renouvelables,
la société de l’information et la gouvernance de l’Internet, ou encore des
questions au cœur des controverses entre la science et la société comme les
déchets nucléaires, l’amiante, les OGM, le chlordécone. Son dernier rapport,
publié en janvier 2012, a concerné l’innovation face aux peurs et aux risques,
thème sur lequel il assure depuis plusieurs années un enseignement à Sciences
Po Paris."
Parmi les multiples
activités de J.Y. Le Déaut, cette dernière référence n'est sans doute pas la
meilleure dans le climat que connaît l'institution citée! Toutefois, on doit
aussi admettre que toutes ces tâches, aussi diverses que multiples, ont dû
quelque peu éloigner le rapporteur des réalités de l'université française, même
s'il est clair qu'il n'oublie jamais ni la Lorraine ni les biotechnologies. On
le sait dès l'épigraphe un peu insolite de son texte « Des mines de fer ... aux
mines de matière grise »... en passant, mine de rien, par les mines de sel ?
Je ne signalerai toutefois ici
que quelques points de ce long rapport qui ont attiré mon attention au cours de
la lecture cursive que j'en ai faite dans un premier temps. Je ne les classe
nullement ici par ordre d'importance mais en fonction de la place que les
points évoqués occupent dans ce texte de près de 170 pages.
La question des étudiants
étrangers.
L'auteur du rapport remarque avec
fierté que "notre pays demeure bien placé en termes d'attractivité : nous
accueillons aujourd'hui 284 000 étudiants étrangers. Ces derniers représentent
12 % de nos effectifs et ce pourcentage s'élève à plus de 40 % au niveau du
doctorat. Cette performance nous place au troisième ou quatrième rang mondial
selon les années. Nous devons veiller à conserver cet atout".
Je serais moins enthousiaste et j'ajouterais
une ou deux remarques à ce constat qui marque une si vive satisfaction sur ce
point. Par expérience, j'ai observé que bon nombre d'étudiants étrangers, en
particulier originaires du Sud, de l'Est ou du Moyen-Orient, sont en fait de
faux étudiants ; ils trouvent, dans l'inscription dans nos universités, un
moyen commode et peu coûteux à la fois de bénéficier de la sécurité sociale et surtout
d'obtenir une carte de séjour.
C'est tout particulièrement vrai
au niveau du doctorat, ce qui explique d'ailleurs aisément que le pourcentage
d'étrangers s'élève alors à 40 %. Bien entendu, bon nombre de ses étudiants
étrangers ont, par ailleurs, un travail illicite qui leur permet de subsister,
car leurs pays d'origine n'entretiennent guère les boursiers sur un grand pied ...quand
ils ont des bourses. Bien entendu aussi, beaucoup d'entre eux ne parviennent
pas jusqu'au terme de leurs études et ils ne s'en soucient guère. Les récentes
dispositions pour contrôler et limiter le nombre des inscriptions auront sans
doute des effets heureux en la matière.
Il y aurait beaucoup à dire sur
le passage du rapport qui concerne les doctorats et plus globalement
l'enseignement des sciences "dures" (SSM). Ce point mériterait à lui
seul un long développement particulier, car on se trouve en présence de
conséquences; parfois fâcheuses, de la prétendue recherche de l'harmonisation
enropéenne et, au delà, du fameux processus de Bologne qui visait, en
particulier, à harmoniser par le haut les études doctorales en Europe, alors
que, dans les faits, rien n'a changé, comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer
précédemment, avec, par exemple, particulier le cas des co-tutelles franco-allemandes
; se posent, vu les différences de procédures, des problèmes complexes qui vont
bien au-delà du port de la toge ou des formules latines des thèses
hollandaises!
Le problème a commencé dès 1984 ; auparavant, l'accès aux fonctions de professeur des universités était, en France, strictement conditionné par la thèse de doctorat d'État que de nombreux pays d'Europe nous enviaient. La loi Savary a remplacé le doctorat d'État, dans les faits, par l'imposture du "diplôme d'habilitation à diriger des recherches", l'HDR. Le mot "habilitation" lui-même n'était qu'un calque abusif de ce que les Allemands appellent ainsi mais qui fait suite au doctorat et surtout exige du candidat la rédaction d'une seconde étude, plus importante que la thèse et sur un sujet tout différent, qui doit être soutenue devant un jury similaire à celui du doctorat. Seul ce très gros travail supplémentaire (Privatdozent en Allemagne) ouvre au professorat d'université. Rien de tel avec notre HDR ! L'accès au professorat d'université est bien plus difficile en Allemagne qu'en France, ce qui explique d'ailleurs le nombre des candidatures d'Outre-Rhin à des postes français vacants! Sur ces questions, le rapport contient diverses erreurs sur lesquels je ne reviens pas car j'ai eu l'occasion de les signaler.
En fait, le rapport traite à mon avis fort mal par manque de hauteur de vue ce que souligne le nombre extravagant au "code de l'éducation" dans un texte qui se veut de réflexion et de prospective.
La question des sciences dures à l'université illustre cet aspect. Pour les sciences de la structure et de la matière qui en sont le coeur, la concurrence initiale entre les classes préparatoires (les "prépas") qui, d'emblée, attirent désormais TOUS les très bons et bons étudiants, fait que les filières universitaires ne recueillent que les celles et ceux qui n'ont pas réussi à se faire admettre dans l'une des multiples classes préparatoires qui existent maintenant avec la prolifération des écoles d'ingénieurs. Comment s'étonner de la médiocrité des docteurs issus directement d'un tel système universitaire où les meilleurs éléments, qui sont tous issus des grandes écoles comme tous nos Prix Nobel et Médailles Fields, ne viennent à l'université que pour y inscrire leurs thèses ?
La solution proposée par J-Y Le Déaut me paraît très insatisfaisante, car, en fait, rien n'empêche actuellement les élèves des classes préparatoires de s'inscrire à l'université, ce que faisaient autrefois tous les élèves qui, dans les classes préparatoires littéraires à la rue d'Ulm (hypokhâgnes et khâgnes), s'inscrivaient systématiquement à l'université sans jamais y mettre les pieds et y passaient la propédeutique (ou, dans la suite, le DUEL ou le DEUG selon les époques), puis des certificats de licence, car chacun savait qu'ils n'intégreraient pas tous "l'école" ! Certains "khâgneux" qui faisaient trois années de khâgne (« les cubes ») et étaient parfois, de ce fait, titulaires d'une bonne demi-douzaine de certificat de diverses licences (car on ne pouvait entrer à "l'école" avec une licence complète!), pour lesquels il n'avait jamais suivi le moindre cours à l'université, se contentant des enseignements qu'ils recevaient dans les classes préparatoires. De ce fait, ils n'avaient ensuite aucune difficulté à regagner le système universitaire lui-même, où ils étaient même souvent, vu l'excellence de leur préparation, quatre années durant, les meilleurs éléments.
On espère que la solution proposée par Monsieur Le Déaut n'est pas simplement inspirée, comme on peut le croire à certains propos, par l'idée de tirer 180 € par an aux élèves des classes préparatoires pour alimenter les budgets d'universités où ils ne se rendent jamais !
Je reviendrai sur ce texte mais
je vous allèche dès maintenant par quelques perles ou curiosités de ce texte.
Le rapporteur croit aux vertus du
verbe comme le montre son goût pour les changements de noms dont on pense
qu'ils changeront aussi les choses. Un exemple : "Je propose de donner à la
structure de coopération l'appellation de "communauté d'universités"
et non celle de "grande université".". Le gras est d'origine et marque l'importance attachée à la formule !
Pour conclure ce blog une
dernière formule du rapport, parmi les meilleures :
« Quand on a un socle qui est
gravé dans le marbre [sic], il faut
donner de la souplesse et le droit d'expérimenter ».
On regrette le
nombre excessif de fautes dans ce texte, à commencer par la première ligne de
la première page du rapport où, dans les remerciements (page VII), la ministre
compétente, Madame Fioraso, est prénommée "Geneviive"!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire