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vendredi 1 juin 2012

Charity business (2)

J'ai lu, je ne sais plus quand, déjà dans le quotidien haïtien, le Nouvelliste, que je visite régulièrement, un article de Carl-Henry Cadet qui faisait un rapprochement, inattendu mais fort pertinent, entre Haïti et le Cambodge . Cet article faisait suite à la projection publique à la FOKAL du film « Inside job » de la journaliste-cinéaste américaine d'origine cambodgienne Kalyanee Mam, Oscar 2011 du meilleur documentaire. qui avait été invitée à Port-au-Prince par l'ICFJ (International Center for Journalists).

En voici un extrait significatif :

"Haïti et Cambodge : un triste tableau

Haïti et Cambodge sont très distants sur le plan géographique, mais ils sont très proches sur le plan socio-politico-économique. Les deux pays, sous protectorat voilé ou ouvert de la communauté internationale, deviennent des terres fertiles pour le développement des ONG.
[...]
Le débarquement de l'ONU a ouvert la porte aux ONG qui sont aujourd'hui les vrais maîtres du Cambodge. Elles sont, selon la journaliste, plus de 3 000 au pays dont la population est aujourd'hui évaluée à 14 millions d'habitants. « Fuite de la main-d'oeuvre qualifiée, effondrement de l'industrie, dégradation du système éducatif, généralisation de la corruption... » sont parmi les maux ayant frappé le pays après 1991.

Avant l'arrivée de l'ONU, la pandémie du sida était presque méconnue au Cambodge. « Pas plus de 6 000 personnes malades du sida ont été recensées à travers tout le pays avant 1991, a indiqué Kalyanee. Ce chiffre est passé à 20 000 en 1992 pour atteindre entre 50 000 à 90 000 en 1995. » « L'ONU a apporté le sida au Cambodge et le choléra en Haïti », a souligné un participant à l'atelier [il est désormais avéré et sans conteste que sont en cause, pour Haïti et le choléra, non pas les ONG, mais des troupes asiatiques de la MINUSTAH dont le contenu des latrines a été déversé dans l'Artibonite par une société haïtienne chargée de leur traitement].

Dans les années 50 et 60, le Cambodge était considéré pour son attractivité touristique et son industrie florissante comme « La Perle de l'Orient ». Aujourd'hui, avec un revenu per capita inférieur à 800 dollars américains, les Cambodgiens vivent de l'assistanat.

Les meilleurs emplois du pays, offerts par les ONG, sont octroyés aux ressortissants des pays étrangers. Comme c'est le cas en Haïti, les Cambodgiens se contentent des postes de subalternes ou de seconde zone. Menant un train de vie supérieur à celui de la majorité des Cambodgiens, les expatriés font grimper le prix des loyers et des produits alimentaires. Et l'anglais tend à s'imposer comme la langue officielle du pays au détriment de la langue maternelle, le cambodgien, qu'on enseigne de moins en moins à l'école".

Pour en revenir à Haïti et à l'article d'Alphonse Roberson, un point bref mais essentiel :

Il tient à la remarquable localisation des plus gros contractants privés qui ont émargé aux sommes investies dans la "reconstruction" ; ils se trouvent, par un heureux hasard, dans trois Etats américains (Washington DC, Maryland et Virginie) et leur "identité" est tout aussi significative (Chemonic International Inc, Lakeshore Engineering Services Inc, Development Alternativ Inc. PAE Governement services Inc. Management Services, Contingency Response Service LLC, Perini Management Services SRI, CEEPCO Contracting LLC, American Institute).

Cela doit classer l'opération Haïti dans le "top ten" de la récupération des crédits investis dans des opérations humanitaires par les pays bailleurs de fonds ; selon un texte de Ziegler déjà ancien, la Suisse était en tête d'un tel classement en "récupérant", d'une façon ou d'une autre, plus de 95% de ces sommes ! A. Roberson évoque discrètement le mécanisme de cette récupération : "La loi d'urgence de 18 mois votée à la fin du quinquennat de René Préval a été bénéfique aux firmes internationales ayant les moyens de se payer des lobbyistes bien « souchés », proches des donateurs et des faiseurs de décisions d'allocation de fonds dans la reconstruction d'Haïti".

Le court-circuitage des appels d'offres, quelques contrats personnels juteux à des personnalités locales et, semble-t-il, quelques valises de billets bien placées ont sans doute fait le reste !

Suite et fin demain.

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