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samedi 2 juin 2012

Charity business (fin)

Si je me limite ici au secteur de l'éducation qui est celui que je connais le mieux, les rapports qui sont soit produits au terme de ces visites, soit rédigés, sur commande expresse, par des "experts", auxquels on a confié, à prix d'or, la rédaction de tels textes, témoignent d'une ignorance à peu près totale et parfois confondante des réalités qu'ils visent pourtant à décrire et à analyser.

Je ne rappellerai pas ici mon blog d'il y a quelques jours ; j'y parlais de Madame Lagarde du FMI qui avait évoqué, non sans émotion, sa visite dans une école d"un "petit village du Niger" où les élèves étaient assis à trois sur une même chaise, ce qui est un exploit, même pour de menus enfants nigériens. Comme souvent le mensonge est révélé par un souci excessif du détail car, pour ce qui me concerne, je n'ai jamais vu dans un "petit village africain" des élèves assis sur des chaises ; si le détail est vrai, on avait dû, en prévision de la visite de la grande dame blanche rassembler toutes les chaises du coin, à vingt kilomètres à la ronde!

Pour être plus sérieux, prenons, car il est exemplaire, le cas du grand rapport sur l'éducation en Afrique subsaharienne produit par la Banque Mondiale en 1988 et qui est, à ma connaissance, le dernier grand livre "officiel" sur ces questions.

Il a précédé et engendré la série des Forums mondiaux de l'éducation, réunis par l'UNESCO, à grands frais, en 1990 (Jomtien) et de Dakar (2000), (simple détail : un seul de ces forums représente le coût de la construction de 100.000 écoles au Mali!). L'action, comme souvent, a depuis tourné court après le fiasco de Dakar et l'on a attendu en vain le Forum mondial de 2010 ! Or ce texte de 192 pages consacre une page et demie à la question du médium éducatif dans l'école africaine qui est pourtant, de toute évidence, la question majeure et centrale.
En revanche, les agents ou les experts des organismes du style de la Banque Mondiale s'attachent avec passion aux rapports qu'on pourrait établir entre les résultats des élèves et le matériau de construction des écoles (béton, briques, bois, banco, etc.).

Une question qui préoccupe beaucoup aussi est celle du rapport entre les résultats des élèves et le "genre" des enseignant(e)s. La question est amusante surtout dans sa formulation. Ces experts, pudibonds (nous sommes aux Etats Unis!), n'osent pas user du mot "sexe" (le terme leur semble choquant). La question, ainsi formulée, est naturellement absurde, puisque les deux mots ne sont absolument pas synonymes, sauf pour des experts internationaux de la Banque Mondiale et des organismes internationaux, trop ignorants pour le savoir et qui naturellement, entre deux juteuses expertises, n'ont jamais eu le temps de lire le grand livre qu'Ivan Illitch a consacré au genre vernaculaire car il n'y a pas de "sexe" vernaculaire" !
Il est clair que c'est surtout dans ces organisations qu'on trouve les vrais nababs de la pauvreté plus que dans les O.N.G., où il y a incontestablement, en dehors de quelques nababs, nombre d'agents, souvent bénévoles, qui pensent sincèrement pouvoir oeuvrer au développement des pays dans lesquels ils sont envoyés.
Je ne veux pas tomber toutefois dans un angélisme excessif ; je citerai toutefois une petite expérience que j'ai vécue à Ouagadougou en 2004 au moment du Sommet de la francophonie (je précise que ma condition est beaucoup trop modeste pour que j'aie été invité dans ce cadre) car elle me conduit à modérer mes appréciations positives sur les O.N.G.
En cette circonstance, comme la réunion à laquelle je participais se tenait en un lieu assez éloigné du centre de Ouagadougou où je logeais et que je commençais à m'ennuyer un peu, j'ai décidé avec un collègue de prendre un taxi pour rentrer en ville. Il y en avait évidemment aucun ; nous avons donc essayé de trouver un autre moyen de transport. À cette fin, nous avons longé de longues files de véhicules qui étaient garés là, de toute évidence par des participants qui avaient, eux, la patience de rester en séance. Nous avons pu constater alors que l'immense majorité de ces véhicules étaient des 4x4 de luxe, tous flambant neufs, climatisés, aux vitre teintés (prix moyen 100.000 euros) et portant, à peu près tous, le sigle de l'O.N.G. qui en était propriétaire. À force de patience nous avons fini par trouver un taxi, sans avoir pu faire l'expérience d'un transport dans l'un de ces somptueux véhicules.

Il y a donc sans doute aussi dans les O.N.G. quelques nababs de la pauvreté, certains sont même devenus ministres !

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