Le sinistre feuilleton ivoirien entamé il y a quatre mois a enfin pris fin ; à cet égard, on ne peut que se réjouir que l'intervention militaire des forces française ait pu accélérer le processus, conduire à l’issue finale à moindres frais et surtout épargner des vies humaines.
Naturellement on essaye maintenant de nous faire prendre les vessies pour des lanternes mais l’éloquence et la conviction conjuguées des ministres français concernés n’y font rien. Leur stratégie consiste à invoquer le « mandat » de l’ONU, mais il excluait totalement la capture de Gbagbo et il y avait peu de « populations innocentes » à sauver dans son bunker assiégé – sauf, au mieux, lui-même et les siens. Il n’est pas plus convaincant de faire état, dans l’investissement du bunker, du rôle des forces de l'ONU. On sait qu'elles n'ont aucun moyen logistique sérieux en dehors de ceux de Licorne, mis au couleurs internationales provisoires grâce à quelques seaux de peintures blanche et bleue. Nul n’ignore en outre qu’il s’agit là de troupes hétéroclites de divers Etats, sans formation ni expérience, bien incapables d’actions militaires sérieuses. Ne parlons même pas ici des forces « républicaines » de Ouattara, armée d’opérette, qu’un expert militaire français que j’entendais Dieu sait où, disait même « incapables de tenir une position » !
Une maladresse de communication majeure a été, au matin même de l'attaque contre le refuge de Gbagbo, d’exhiber fièrement, sur tous nos écrans de télévisions, les martiales colonnes de blindés français qui se mettaient fièrement en route, fleur au fusil, pour attaquer la résidence de l'usurpateur. Ces images deviennent fâcheuses, a posteriori, quand on veut nous faire croire ensuite que ces forces françaises n’ont joué aucun rôle dans l'affaire, alors qu'on sait très bien que, sans elles, les troupes « républicaines » d’ADO, avec leurs pétoires, leurs bonnets disparates et leurs accoutrements hétéroclites, auraient été bien incapables de forcer le blocus du bunker, ce qu'on ne cessait de nous répéter depuis huit jours.
De ce point de vue, l'intervention française, en épargnant des vies ivoiriennes, a été bénéfique et elle était assurément indispensable. Reste toutefois maintenant à en payer le prix sur le plan politique et diplomatique, car il est clair que le meilleur moyen de réconcilier les partisans des deux camps est d'opérer cette réconciliation sur le dos des Français, ce qui est à la fois traditionnel et bien commode, compte tenu du passé colonial, du passif de la Françafrique et plus récemment, de ce qui s’est passé en Côte d'Ivoire au début des années 2000 !
En ce qui concerne les images de l’arrestation proprement dite de Laurent en « marcel » blanc et de Simone effondrée dans son fauteuil, aucun doute que le service photographique des armées françaises avait été convoqué pour opérer en la circonstance . Comme l'annonçait M. Longuet ce matin, nous aurons bientôt des images (pas du tout exclusives, comme d’habitude, mais diffusées aux quatre vents des médias) de l'arrestation de Laurent et Simone avec de bons Ivoiriens pur sucre leur mettant la main au collet devant les objectifs des caméras de l'armée française, nos bidasses restant prudemment hors du champ et dans l'ombre. Ne comptez pas sur des papararazzi pour voler des photos de la scène dans son ensemble !
Il est clair, et il a tout à fait raison en cela, que le modèle que s'est donné Ouattara est Nelson Mandela. Il est même allé jusqu'à lui reprendre, sans le citer, la formule de la commission « vérité et réconciliation » que ce dernier avait mise en place au moment de son arrivée au pouvoir en RSA. Reste à savoir si ADO est l'homme politique exceptionnel (sans doute l'homme du siècle !) qu'a été Nelson Mandela qui, après des dizaines d'années en prison, a été capable de concevoir et de conduire une politique réelle et effective de réconciliation nationale.
Il est permis d'en douter car, si ses vingt-sept années de prison avaient forgé l'esprit, la volonté et les convictions de Nelson Mandela au point de lui permettre de gouverner son pays sans haine, en passant de la cellule à l'exercice du pouvoir, il risque d'en être tout autrement en ce qui concerne ADO. Les luxueux bureaux du FMI, les salons VIP et la contemplation des flots du Potomac n'ont peut-être pas eu les mêmes effets sur son caractère que les carrières de chaux de Robben Island et la solitude d'une cellule au milieu des eaux sinistres du Cap des tempêtes sur Nelson Mandela. La boxe et la lutte sociale et politique d'abord, la terrible captivité ensuite, ont assurément forgé le coeur et l'esprit de Mandela, homme en tous points exceptionnel et qui, en outre et c’est le plus admirable de tout, a même su résister, pour finir, à la folie de l’exercice du pouvoir.
Il est à craindre qu'il en soit tout autrement dans le cas d'ADO et ce n’est même pas de ma part une critique. Il est aussi à craindre que l'éphémère unité, qui a régné, depuis quatre mois, dans son camp (avec comme Premier Ministre l’inattendu Guillaume Soro, qu’on voyait plutôt, au départ, dans le camp Gbagbo), ne résiste pas à la victoire. Le pouvoir suscite déjà les convoitises et, de ce fait, les rivalités. On voit réapparaître des ambitions masquées un moment par l'épisode Gbagbo, mais aussi des exigences, plus légitimes ou, en tout cas, plus fondées, comme celle d'un Henri Konan Bédié, leader politique des Baoulés et inventeur contre Ouattara de "l'ivoirité". Classé troisième lors du premier tour de la présidentielle et contestant le vote, il a pourtant été clairement l'instrument majeur, final et inattendu, de la victoire électorale de ce même Ouattara au second tour, en faisant voter pour lui des zones qui, a priori, ne lui étaient en rien acquises.
Nul doute que la plupart des Ivoiriens sont soulagés de la fin de cette guerre civile ! Il serait imprudent d'en conclure que tout est réglé et que le cours normal des choses va reprendre sans nuages.
mardi 12 avril 2011
Côte d'Ivoire : Ouattara ou Mandela ?
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3 commentaires:
« la contemplation des flots du Potomac »
une expérience à sens unique. Est-ce celle dont les Ivoiriens ont besoin ? Comme les Français d’ailleurs :-)
On ne nous dit pas tout certes... mais vous ne dites pas tout non plus; retour du Potomac, où notre DSK ira-t-il, le cas échéant, trouver son Laurent? Usbek
Et pourquoi pas d'article lundi 11, cher Usbek? Il doit sûrement y avoir une très bonne raison. Censure'?
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