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lundi 10 mars 2014

De Kiev à Courchevel


Si nulles que soient nos télévisions françaises (loin de tomber néanmoins au (ca)niveau de nos radios), à quelques rares exceptions près, comme Arte, la Chaîne parlementaire et parfois la Cinq, elles peuvent parfois, contre toute attente, nous réserver des surprises en présentant un intérêt imprévu.

Ayant comme beaucoup d'hommes, paraît-il, la manie du zapping, j’ai fait hier soir, dimanche 9 mars 2014, vers 22 heures 15, une brève escale sur la Six où l’un des « sujets » de « Capital » était consacré aux affaires hôtelières et immobilières de Courchevel.

Tout cela était assez curieux et intéressant non par le sujet lui-même, mais par des à-côtés sans doute insoupçonnés des auteurs du film.

On s’y employait, d’abord et surtout, à faire rêver le petit peuple de France devant des aménagements hôteliers souvent aussi hideux qu’inutiles ou même dangereux, comme cette télévision derrière le miroir sans doute sans tain de la salle de bains. Ce doit être là le plus sûr moyen de vous taillader la gueule en vous rasant, à moins qu’un barbier, debout derrière vous,  ne se charge de la chose, mais il pourrait le faire plus commodément, si vous étiez assis dans votre salon, mais enfin…

Tout cela répétait, ad nauseam, ce qu’on a déjà vu cent fois dans ce genre de productions, la seule différence tenant au soleil ou à la neige, selon les temps et les lieux.

Un aspect un peu inattendu était d’ordre immobilier. On a voulu, en effet, mettre du sucre sur le miel, en encourageant la construction de chalets-hôtels, de plus en plus vastes, de 1000 à 6000 mètres carrés habitables, pour de richissimes clients individuels. La municipalité de Courchevel, dans ce but, a donc supprimé la limitation de surface des habitations nouvelles, ce qui a engendré une conséquence inattendue. En effet la surface au sol de la commune de Courchevel n'étant pas elle-même extensible à l'infini, on a commencé à étendre la surface de ces chalets dans des sous-sols. Ainsi, le plus grand d'entre eux est actuellement un chalet de sept étages, dont une bonne partie est inévitablement souterraine, la pente naturelle de l'endroit donnant, toutefois, sur l'arrière du chalet, un accès libre. Les milliardaires qui louent, à prix d’or, ces chalets ne doivent pas être prévenus que, pour une bonne partie de leur séjour, ils seront réduits à la condition de troglodytes ! Je dois dire que, sur ce point l’infortune à venir de ces nouveaux hommes des cavernes ne m’a que faiblement ému et c'est un autre aspect de cette question que je souhaiterais aborder ici.

En effet, et en cela l’affaire de Courchevel illustre admirablement la gestion sociale et économique « à la française », dont le premier trait est de ne pas voir plus loin que le bout de son nez. En effet, la recherche d’une clientèle, peu nombreuse et peu présente, quoique richissime, a naturellement plombé l’économie globale de la station dans son ensemble, comme nos niches et nos fraudes fiscales, si favorables aux puissants amis du pouvoir, ont creusé vertigineusement notre dette et ruiné notre économie nationale ! A Courchevel, l’encouragement systématique de l’enrichissement de quelques-uns, via la spéculation immobilière et quelques commerces de luxe, a plombé la fréquentation des piste (10% par an de moins à la louche) et, de ce fait, l’économie globale de la commune. Pour pousser plus loin la comparaison avec le gouvernement de la France, on a même fait voter tout ça par le conseil municipal, sans doute quelque peu myope comme notre bon peuple de France !

Le point intéressant à mes yeux dans le contexte actuel est que la clientèle de ces immenses chalets et de ces restaurants de super-luxe est majoritairement … ukrainienne (au moins trois groupes ou familles parmi les rares clients qu’il nous a été donné de voir) ou grecque ! 

Cela montre toutefois que l'Europe est non seulement bonne fille (on le savait déjà), mais qu’elle entoure de beaucoup de discrétion ses œuvres sociales ; les 16 milliards d’euros que nous finirons bien donner à l'Ukraine à la place de Poutine seront donc bien utilisés ; après tout, Courchevel n'est pas si loin de la Suisse et en apportant leurs valises de billets à Genève, Ukrainien et Grecs pourront faire une petite halte à Courchevel. Il faudra naturellement qu'ils n’y déposent pas tout car les tarifs proposés à nos hôtes assistés sont tout sauf modestes. La semaine de location dans l'un des plus petits chalets disponibles coûte entre 150 000 et 300 000 € ; dans les restaurants, que sont invités à fréquenter nos amis ukrainiens, si j'ai bien retenu les chiffres, le menu touristique qu'on leur propose est à 320 € par personne (les tickets restaurant n’y sont pas utilisables ! Bref, à la louche pour une petite famille, une petite semaine et un petit chalet, comptez un million d’euros (le forfait de remontées mécaniques est gratuit mais on peut toutefois aussi amener son Russe avec soi pour se faire remonter à dos d’homme).

Je me suis souvent exprimé dans des billets sur les subventions des « paquets Delors » de la Grèce (faute de connaître assez l’ukrainien, je ne sais quel sera le néologisme local), mais ces milliards doivent être avoir été dépensés ou planqués depuis longtemps, et, en Grèce, on ne peut plus guère compter que sur les armateurs et les popes ! Il nous reste toutefois l'Ukraine et apparemment la connexion est déjà bien établie.

Nous devons toutefois nous consoler car, grâce à Courchevel,  après tout, une partie des milliards d'euros retombera dans l'escarcelle française, du moins peut-on supposer mais pas nécessairement dans celle de la nation. En revanche, toutes ces négociations sur l'Ukraine,  qui ne vont pas manquer se dérouler, dans les mois et les années qui viennent, doivent impérativement se tenir à Courchevel. Pourquoi dépayser ces pauvres Ukrainiens (mais aussi les Russes, tout aussi familiers du lieu) en les faisant se déplacer à Bruxelles (dans le « plat pays » !) , alors qu'ils semblent tant apprécier Courchevel et ses cimes et qu'ils l’apprécieraient encore davantage si le séjour leur y était offert ?

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