Chère lectrice, cher lecteur,
« Mise en place des diplômes nationaux de master ouverts aux étudiants se destinant aux métiers de l'enseignement - rentrée universitaire 2010 »
Je vois d’ici votre œil concupiscent s’allumer de convoitise à la simple lecture du titre si prometteur de la circulaire n° 2009-1037 de la DGESIP A3 en date du 23-12-2009.
Ne comptez toutefois pas sur moi pour vous en livrer l’intégralité ni même le résumé (des textes de cette densité ne se peuvent résumer), bien que, dans mon louable désir de comprendre enfin quelque chose à la « mastérisation » ambiante et aux mystérieuses intentions de la Rue de Grenelle, j’aie fait l’immense et vain effort d’en parcourir les indigestes pages. Je ne me livrerai donc ici qu’à une approche par quelques remarques de simple bon sens et que m’ont inspiré d’ailleurs plutôt la forme que le fond de ce document.
Ma première remarque touche à la date même de ce texte qui a dû entrer en application à la rentrée de septembre 2010 (au moment même où prenait fin le détachement de Luc Ferry, cette remarque n’impliquant pas de rapport précis entre ces deux événements également considérables) et qui pourtant n’a été publié que le 23 décembre 2009. Autant dire qu’il est arrivé dans la hotte du Père Noël ! Cette date m’avait paru bien tardive, puisque désormais nos universités, dans un louable souci d’efficacité et dans la recherche désespérée de semestres de plus de trois mois, rouvrent désormais leurs portes début septembre. Comme une rentrée ne s’improvise pas totalement, il faut que les services des enseignants et les emplois du temps soient prêts, au plus tard, fin juin, on voit qu’il n’est resté guère que moins de six mois pour bâtir ces nouvelles formations qui visaient à révolutionner un système vieux de plus d’un siècle !
Un autre point majeur qui frappe, dès le titre de cette circulaire, est l’usage qui y est fait du terme « métiers de l’enseignement ».
La formule est doublement remarquable ; d’une part, en raison du pluriel du mot « métiers ». Il y aurait donc, dans l’enseignement, d’autres métiers que celui de « professeur » ? La chose est d’autant plus étonnante que la plus grande réforme de l’éducation nationale, au cours du dernier demi-siècle, a été de changer le vieux et noble nom d’« instituteur » en celui de « professeur des écoles » ! Je sais bien qu’il y a des « documentalistes» et des « conseillers principaux d'éducation « (les anciens surveillants généraux, les « surgé » de mon enfance) qui, comme les « chefs d’établissements », qu’on s’étonne d’ailleurs, de ne pas voir mentionnés dans ce texte (n’auraient-ils pas de « métier » les pauvres ?), sont, à peu près tous, d’anciens professeurs, pour la plupart las d’enseigner et pour certains, aspirant à bénéficier d’un logement de fonction et/ou de quelques primes spécifiques liées à ces « métiers » particuliers.
Plus important toutefois, dans ce texte fondateur, me paraît l’usage du mot « métier » lui-même qui, naguère encore, aurait pu être jugé inconvenant dans un tel contexte. Vaste et importante question, qui, souvent, dans le passé, a été réglée par la négative, ce terme lui-même étant jugé, le plus souvent, incongru voire sacrilège. Fi donc ! Enseigner ne saurait être un « vulgaire » métier ; c’est une vocation, un sacerdoce, voire désormais dans nos classes un apostolat et même parfois, dans certaines conditions et pour quelques-uns, un martyre !
« L’université doit-elle préparer à l’exercice d’un métier ? ». Plusieurs formules ont été imaginées pour contourner cette douloureuse interrogation, à défaut d’y répondre vraiment, tant par la création d’universités plus ou moins dérogatoires (comme Dauphine ou Compiègne) ou de filières courtes comme les IUT, ou longues mais « professionnalisantes » voire même « professionnelles ».
L’enseignement, qui demeure pourtant le débouché professionnel majeur des étudiants des filières universitaires de lettres et de sciences dures, est toujours resté hors des perspectives d’emploi, même si la préparation des concours de recrutement restait l’apanage des universités, les agrégés demeurant, naturellement, libres de devenir, à défaut d’enseignants, président de la République (au singulier), Premiers ministres (au pluriel), PDG de Paribas ou, gloire suprême, président-fondateur du MoDem !
Je n’ai guère traité que des deux lignes du titre ! Faute de mieux et par manque d’espace, je saute directement à la signature de la circulaire. « Le directeur général pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle. Patrick Hetzel ». In cauda venenum car là se trouvent l’innovation majeure et la clé du mystère. Patrick Hetzel est en effet un professeur de GESTION de l’université de Paris 2 (Panthéon-Assas), établissement bien connu pour ne pas abriter de révolutionnaires et dont les activités majeures sont assurément fort éloignées des « métiers de l'enseignement ».
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