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jeudi 23 juin 2011

Pitte-oyable

Ces temps-ci, je passe mon temps à tomber de ma chaise, ce qui est assurément mauvais signe. Mais comment échapper à ce triste sort, quand on entend qu’à la demande du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, Jean -Robert Pitte, ancien président de Paris IV et…(« Je vous le donne en dix, en cent, en mille…comme disait à sa chère fille la Marquise de Sévigné) Jean-Pierre Coffe ont rédigé un rapport sur la restauration universitaire. « Improblable mission » dirait notre cher et actuel ministre de la culture et rapporteurs « plus improbables » encore !

Même si depuis Edgar Faure et sa loi de 68, il n’y a plus de Sorbonne, le nom ne demeure prestigieux qu'aux yeux du vulgum pecus et des émirs. La « monnaie universitaire », qui l’a remplacée (treize universités parisiennes ont succédé à l’antique Sorbonne), se sont disputé son nom sur son cadavre. L’université Paris IV a su, avant les autres, se baptiser elle-même Paris-Sorbonne, Paris III, arrivée trop tard, a dû se contenter de se dire « Sorbonne-Nouvelle ». Seul un ministre peu au fait des réalités universitaires peut avoir l’idée saugrenue d’associer un ancien président de Paris-Sorbonne avec un histrion de l’acabit de Jean-Pierre Coffe, réduit par son insatiable cupidité à se faire le bateleur stipendié d’une chaîne de supermarché low-cost, lui qui a bâti sa gloire audiovisuelle de fer-blanc sur des invectives permanentes et de scatologiques vociférations (notez le chiasme) contre la malbouffe dont, dans son inculture, il n’a même jamais réussi à comprendre combien elle serait plus et mieux décriée, si l’on écrivait son nom « male bouffe » comme « male peste » !

Je connais certes le bougre pour l’avoir quelquefois égratigné dans mes blogs et je sais qu’il ne recule devant rien quand il y a de l’argent en jeu. Plus étonnant est, en revanche, le choix du duettiste auquel l’a, si j’ose dire, accolé Valérie Pécresse. Un détail intéressant toutefois qui me maintient dans mon sujet et qui est sans doute un élément d’explication de cet étrange attelage. Jean-Robert Pitte, en effet, de façon tout à fait inattendue, figurait, à Paris, sur la liste UMP des régionales, en 44è position il est vrai, ce qui ne lui donnait, bien évidemment, que peu de chances d’être élu, mais constituait assurément une petite récompense pour quelques prises de positions dans les conflits universitaires qu’expliquaient d'ailleurs moins alors son amour de la ministre que l’esprit de revanche contre Georges Molinié, son vainqueur et successeur à la présidence de Paris IV.

Il faut ici dire quelques mots à la fois de Paris IV et de J.R Pitte (dont, observez-le, les initiales du prénom JR sont aussi celles du héros de Dallas qui présente quelques rapports avec lui !).

Paris IV a toujours été, parmi les universités parisiennes, avec Paris II, le bastion de la droite universitaire. Je ne reviens pas sur ce qu’ont eu de comique, à cet égard, les prises de position de cette université et de Molinié, son président, au début de 2009, car je serais bien empêché de dire, de Pitte et de Molinié, qui est le plus à droite, même si j’incline à penser que c’est plutôt le second ! Lui aussi, m’a fait alors tomber de ma chaise, en prenant la tête des manifestants. Ce comportement n’était dû en fait qu’à l’insigne maladresse de la ministre et de ses conseillers.

Mais le plus curieux de tout est J.R. Pitte lui-même, qui, il faut bien que je l’avoue, m’était totalement inconnu sur le plan universitaire. En lisant, pour rédiger ce post, son curriculum vitae, je dois dire que je serais, une fois de plus, tombé de ma chaise, si je n’avais pas été encore par terre, suite à ma précédente chute. Alors que les six ou sept présidents, qui se sont succédé à la tête de Paris IV, relevaient tous de disciplines nobles et prestigieuses (l’histoire des religions pour le premier d’entre eux, le grand Alphonse Dupront, ou plus tard, Michel Meslin, la philosophie pour Raymond Polin, les études grecques pour Jacques Bompaire, l’histoire pour Jean-Pierre Poussou, ou la littérature pour Georges Molinié), Jean-Robert Pitte est un gé-o-graphe !

Le mystère s’éclaircit soudain et tout s’explique. Je n’avais même pas imaginé qu’il pût y avoir de la géographie à Paris IV, ce sanctuaire des humanités classiques ! Imaginait-on une épreuve de géographie au concours de la rue d’Ulm, à la grande époque, aux côtés de la philosophie, de la littérature, de l’histoire et des études anciennes. Fi donc, c’était tout juste bon pour Saint-Cloud ! Vade retro Satanas !

Un géographe est capable de tout et pire encore, quand il est, comme Jean-Robert Pitte, spécialiste des paysages viticoles et, cerise sur le gâteau, auteur d’une thèse sur l'histoire des rapports entre l'homme et (je puis encore vous le donner en mille) le châtaignier. Je vous jure que c’est vrai ! Le portrait de l’homme ne sera toutefois complet que si j’ajoute que naturellement, il est le président de la Société de géographie et le co-directeur scientifique du Festival international de géographie ! Pour compléter ce tableau, j’ajouterai qu’il a naturellement déjà grenouillé du côté du ministère dans les fonctions éminentissimes de « chef de la mission de la carte universitaire et des affaires régionales »

Je vous laisse le soin de prendre connaissance du rapport de ces deux olibrius en vous rappelant toutefois, au cas où vous ne le sauriez pas ou l’auriez oublié, que, quoique le prix du repas complet soit aux environs de 3 euros (entrée + plat du jour + dessert), les restau U ne font pas recette et sont relativement peu fréquentés, tandis que les bistrots des alentours qui vendent au même prix un médiocre sandwich, font salles combles. Mais c’est là un autre problème, dont je reparlerai peut-être.

Quelques éléments de propositions de nos duettistes
« Eduquer les étudiants au bien manger », par exemple par voie d'affichage relayant des messages "positifs" et "incitatifs" [que pourrait rédiger Coffe qui a déjà enseigné, avec d’aussi médiocres compétences et un égal insuccès, la cuisine et le jardinage]. "Poursuivre l'amélioration de la qualité culinaire". Les produits frais, salades composées, poissons, soupes froides ou chaudes, fromages à la coupe, sont recommandés [se servir de préférence chez Leader Price, employeur de Coffe]
Le point qui a le plus retenu l’attention est que ces auteurs regrettent vivement que "l'offre de boissons alcoolisées ait presque totalement disparu des Crous" et plaident pour "une initiation à une consommation modérée de vin" lors de dégustations.[Pitte est spécialiste de la viticulture !].

On se souvient peut-être que Pitte s’était déjà illustré, en 2007, dans l’affaire de la création à Abu Dhabi d’une université « Paris Sorbonne University Abu Dhabi ». Un accord secret aurait même été négocié par Pitte pour écarter des émirats ses concurrents parisiens qui avaient, eux-aussi, gardé un bout de Sorbonne dans leurs dénominations officieuses (Paris I Panthéon Sorbonne et Paris III Sorbonne nouvelle). Ce qu’on sait moins, c’est que JR a négocié un accord plus secret encore, au terme duquel non seulement on servirait du vin et des alcools dans les restau U de sa fac (ce que la jeunesse dorée des émirats apprécie au plus haut point), mais que, dans le campus, seraient plantés des châtaigniers, à l’ombre desquels les étudiants du cru (si je puis dire !) viendraient à la fois cuver leur pinard et lutiner les donzelles, également importées pour « modeler » le paysage, ce qui est l’une des multiples spécialités de notre JR universitaire.

Jean-Robert Pitte ou Jean-Robert Pitre ?

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