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mercredi 8 juin 2011

DSK : « Agression sexuelle au troisième degré » ?

La séance du tribunal de New York, le 6 mai 2011 à 9 heures 30 (en heure locale), a eu toutes les apparences d’une blague et a, de ce fait, porté un coup sérieux à l’image idéalisée de la justice américaine que nous-autres Français commencions, un peu hâtivement, à porter aux nues.

Certes, les médias français, qui y avaient dépêché leurs envoyés spéciaux et avaient organisé, dans leurs programmes, des émissions, tout aussi spéciales pour l’occasion, y étaient pour quelque chose et en ont été pour leurs frais puisque, selon les modes d’estimation, la séance du tribunal a duré de quatre à sept minutes ! En somme, une fois installés les divers protagonistes, l’avocat de DSK a sollicité six semaines de délai pour la préparation de la défense, le juge a donc, à partir de là, proposé fin juillet une date que l’accusation a approuvée et l’accusé aurait déclaré qu’il plaidait « non coupable » (on ne l’a pas entendu) avant de répondre au juge d’un mot qu’il comprenait ce qui s’était dit. On en est donc resté là ; DSK a repris la main de son épouse et le chemin de sa grosse voiture aux vitres fumées, sous les huées de la foule des employées des hôtels du coin qui avaient attendu sa sortie et qui ont pu ainsi reprendre le travail sans avoir perdu trop de temps.

La presse new-yorkaise était à peu près absente, le pauvre DSK étant victime de la concurrence inattendue d’Anthony Weiner, démocrate new-yorkais qu’on désignait déjà comme le possible vainqueur de l’élection municipale de 2013. Il vient en effet de se faire prendre, sinon la main dans le sac, du moins l’entrejambe au vent, avec une photo de lui en caleçon dans Twitter. Après avoir, lui aussi, plaidé non coupable et crié au complot, il a fini par venir pleurnicher devant les caméras pour confesser son erreur et demander pardon.

Cet épisode m’a fait penser, aux propos aussi étranges qu’inconsistants, de Jean-Michel Aphatie, chez Denisot lundi 6 juin 2011 au soir, quand il prétendait ne pas arriver à comprendre comment et pourquoi DSK, dans sa position tant au FMI qu’au PS, s’était ainsi comporté, reprenant, sans oser le dire, la thèse du piège et/ou de la machination. Les choses sont pourtant bien simples et nous avons, chaque jour, des illustrations multiples de telles attitudes chez les puissants, du Sofitel de New-York à Damas, en passant par Abidjan, Tripoli et le Caire.

Les explications tiennent en deux formules : l’une, en latin (mais facile) « Homo homini lupus » (= l’homme est un loup pour l’homme), reprise cent fois, de Plaute à Hobbes ; l’autre en français et sans auteur connu « Le pouvoir rend fou ; le pouvoir absolu rend absolument fou ». Pourquoi DSK a fait ça ? Pourquoi Ben Ali a voulu voler dix milliards alors qu’il en avait déjà volé huit ? Pourquoi Bachar El Hassad ne contente pas des dizaines de milliers de Syriens que son père et lui ont déjà tués ? Etc. ? Etc. ?

Le coup de « culbuter la soubrette », pour parler comme JFK, DSK l’avait sans doute fait déjà soixante-neuf fois, sans trop de conséquences ! Comment imaginer que, quittant la suite royale du Sofitel où on l’avait accueilli au champagne et prenant l’avion trois heures après pour Paris (avec l’idée peut-être de quitter à la fois les Etats-Unis et le FMI), il allait se retrouver les menottes au poignet en route pour la prison de New-York !

Pour en revenir à la séance éclair du tribunal, on disait qu’il allait au moins s’entendre énoncer les chefs d’accusation retenus contre lui. Or il n’en a même pas été question. Comment plaider « non coupable » quand on ne sait pas exactement et avec précision de quoi on est accusé, et cela d’autant que, semble-t-il, on peut plaider « non coupable » pour les uns et « coupable » pour les autres !

Certes, des chefs d’inculpation multiples ont été évoqués ; selon ABC News, lors de première audience, la déposition de Madame Diallo accusait DSK d’avoir fermé la porte de la suite et de l’avoir empêchée de quitter la pièce, de lui avoir touché les seins sans son consentement, d’avoir tenté de lui retirer de force son collant et de lui avoir touché la zone du vagin de force, de l’avoir forcée à deux reprises à toucher son pénis de la bouche et cela à deux reprises, d’avoir commis tous ces actes en utilisant sa force.

Une comptabilité pénale théorique, conduit, dans le principe à un total 74 années et 3 mois de prison (on songe à la fameuse formule rabelaisienne « sans compter les femmes et les petits enfants »). « Forcer à toucher le pénis de la bouche » vaut 25 ans de prison ; DSK aurait donc été assez malheureux pour le faire deux fois ou assez heureux pour ne pas se livrer à trois essais ! Quant aux trois mois finaux, ils sont la peine infligée pour une « agression sexuelle au troisième degré ». Cette qualification est celle d’un « contact sexuel » sans emploi de la force. Le délit est passible de trois mois d'emprisonnement. C’est au fond ce que vous risquez si vous embrassez votre compagne sur le front un soir où elle a la migraine ou, pire, si vous donnez, au passage, une tape amicale sur la fesse de votre voisine de bureau contrainte de vous bousculer pour prendre un dossier !

A la place de DSK, c’est le seul chef d’inculpation pour lequel je plaiderais coupable et tout indique que c’est là le chemin que va prendre la défense. Pour le reste, on invoquera le malentendu, mais je conseillerais volontiers à Madame Diallo de recompter deux fois les zéros du chèque, sans oublier toutefois que ses deux nouveaux avocats, qui ont déjà évincé le premier, vont sans doute, selon l’usage, couper la poire en trois.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suggère la lecture de ce texte d'un journaliste américain très critique du système judiciaire de son pays:
http://www.vigile.net/Des-Francais-desenchantes

succus a.