Hier, mardi 23 juillet 2013 à 17h30, au Palais Bourbon, représentation, spéciale et unique, de la comédie Il ne faut jurer de rien, avec dans le rôle principal, Jérôme Cahuzac, égal à lui-même dans la capillarité, la morgue et l'arrogance, mais qui, dans sa composition, a désormais remplacé le refus pur et simple de toute réponse, devenu dangereux, par l'amnésie.
Certes il n'a pas réussi à faire sortir de ses gonds l'impavide président Charles de Courson dont l'infinie patience, le calme et la sérénité sont impressionnants, mais tout de même, en revanche, il est parvenu à mettre en colère deux parlementaires (de l'opposition il est vrai) Messieurs Fenech et Houillon qui lui ont carrément dit son fait, le second refusant même de lui poser des questions pour ne pas lui permettre de poursuivre le jeu d'obstruction qu'il mène depuis le début.
Il faut bien que je l'avoue désormais, je ne suis qu'un modeste avatar de Jérôme Cahuzac ; j'avais donc prévu sans peine, de façon précise, dans un précédent blog sur le sujet, la défense qui serait la sienne lors de cette seconde audition (cette "seconde" séance devenant désormais "deuxième" puisqu'on semble en prévoir une troisième !). Je me borne donc ici à rappeler ce que j'avais prévu, sans grand mérite je vous l'accorde :
"La question actuelle est de savoir si Cahuzac a été mis au courant de la procédure d'enquête lancée à son endroit début janvier 2013. Or, la déclaration de Moscovici a été sur ce point sans ambiguïté ; Cahuzac était, avec Moscovici lui-même, le Président de la République et le Premier Ministre le 16 janvier 2013 à la sortie du conseil des ministres et il a été informé, à ce moment-là, de la procédure engagée auprès de la Suisse, alors qu'il a prétendu, devant la commission, ne jamais avoir été mis au courant.
Comme cette information lui a été donnée à la sortie du conseil des ministres, on peut aisément deviner qu'il plaidera l'omission par malentendu et prétendra qu'il ne s'agissait pas d'une réunion mais simplement d'une conversation entre deux portes, après le conseil des ministres. Je veux bien confirmer par écrit cette hypothèse ; il est donc un peu inutile de réentendre à nouveau Jérôme Cahuzac sur ce point puisque je fournis ici l'explication qu'il avancera.
Si, au contraire on poursuit la procédure, ne faudra-t-il pas alors convoquer à nouveau devant la commission le ministre Moscovici, pour qu'il précise exactement le lieu et les conditions dans lesquelles cette information a été communiquée à Jérôme Cahuzac et ainsi de suite.
Tout cela coûte, Monsieur de Courson, contentez-vous de ma lettre et de mon hypothèse."
Tout était déjà dit dans ce billet ! L'amnésie prévisible de Jérôme Cahuzac a fait tourner l'audition à la séance de dictionnaire de l'Académie française. On y a beaucoup discuté sur la définition des termes.
Le sens exact et précis du verbe "organiser" par exemple, à propos de la rencontre entre avec le journaliste de Mediapart. Était-elle "organisée" par Stéphane Fouks comme ce dernier le prétend dans l'un de ses écrits ou par Cahuzac puisque c'est lui qui a fixé l'heure et le lieu, à défaut du programme et des intervenants?
Qu'est-ce exactement qu'une "réunion" ? Est-ce le rassemblement de quatre ou cinq personnes, seules dans une pièce et en toute discrétion, pour informer l'une d'entre elles de l'évolution d'une situation grave? Sans que la chose ait été clairement dite par Jérôme Cahuzac, une "réunion", à ses yeux, doit toujours comporter une convocation en bonne et due forme, avec le jour, l'heure et le lieu ainsi qu'un ordre du jour. Faute de quoi il oublie tout, même si l'information, de la plus haute importance, lui est donnée par le Président de la République en personne! Lui qui faisait sans notes des discours si arides de technicité ! Drôle de chose que la mémoire !
Je pense que cette intéressante discussion terminologico-dictionnairique aura lieu, à nouveau, lors de l'audition où seront confrontés Jérôme Cahuzac et Pierre Moscovici. J'espère qu'on leur laissera le temps de fourbir leurs arguments linguistiques sur la question.
Il ne faut jurer de rien. Le titre de cette pièce est aussi, si je me souviens bien, la dernière réplique qu'elle comporte et on pourra sans problème la rejouer lors de la dernière audition de la Commission Cahuzac car c'est évidemment la leçon qu'il faudra en tirer, même si les faux serments qui ont fleuri ne sont pas suivis des sanctions pénales qui s'y attachent.
De façon amusante, le cours des choses a fait que Jérôme Cahuzac a dû renoncer à la stratégie qu'il avait arrêtée et dont il a finalement utilisé que le début et la fin, sans plus de succès d'ailleurs dans un cas que dans l'autre.
Il est clair que la question centrale était celle de la "réunion / rencontre" du 16 janvier 2013 entre les principaux protagonistes de l'affaire, le Président de la République, le Premier Ministre, le ministre des finances Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac; Dans son audition du 23 juillet, ce dernier a cru habile de jouer sur la différence entre deux versions de la rencontre de ces quatre personnages, celle du livre de Ch. Chaffanjon, journaliste du Point et celle présentée par Pierre Moscovici.
En effet, le Point a jugé habile de jouer sur cette affaire pour faire la pub du livre, Jerôme Cahuzac, les yeux dans les yeux, en publiant l'extrait de l'ouvrage qui fait allusion à cette prétendue "réunion", alors que Cahuzac, fin juin, prétendait n'avoir jamais été informé de la démarche française. En fait, la seule différence entre les versions de C. Chaffanjon et P. Moscovici tient au lieu. Elle écrit en effet : "Alors, le mercredi 16 janvier 2013, en marge du Conseil des ministres, François Hollande et Jean-Marc Ayrault convoquent Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac dans le bureau présidentiel [souligné par moi] . Les deux têtes de l'exécutif réclament au ministre de l'Économie et des Finances de lancer une demande d'entraide à la Suisse. "Ils ont un sentiment d'inquiétude", assure un observateur très privilégié." P. Moscovici n'a pas indiqué de lieu précis, ne mentionnant que "la sortie du Conseil des ministres". Quant à "l'observateur privilégié", ce ne peut guère être que le successeur de Mr. Zabulon.
La stratégie de Cahuzac, d'emblée, était de tenter de déconsidérer l'ensemble des faits en prétendant fausse la version Chaffanjon comme nombre de d'événements relatés par ce livre, en ne contestant en fait que le lieu même des faits, pour laisser de côté la seconde version (celle de Moscovici) et jeter le doute sur elle, tout en se gardant bien entendu de mettre en cause son auteur ; la tactique était de feindre l'amnésie de ce qui n'est pas, à ses yeux, une vraie "réunion". Tout cela sent la ruse de "communiquant" non-conseiller à plein nez !
Je trouve que le président de Courson, au lieu de pinailler à l'infini sur ce prétendu oubli, aurait dû simplement souligner la totale invraisemblance psychologique de l'oubli d'un événement capital, puisque c'était la première et la seule fois que Cahuzac se trouvait en présence des trois personnages les plus importants de son affaire et que ceux-ci en profitaient pour lui donner une information tout à fait essentielle. À force de vouloir ménager Cahuzac, Charles de Courson oublie les aspects essentiels comme la visite, si brève qu'elle soit, qui est faite auprès du fonctionnaire du ministère des finances chargé de contacter UBS, alors que Cahuzac avait lui-même posé en principe la "muraille de Chine" entre l'administration et le ministre qu'il était encore! Ce point est tout aussi invraisemblable que le précédent et il est à peu près était totalement négligé comme le premier.
Il n'y avait évidemment aucune raison sérieuse de mentionner le livre sur la question, sinon parce qu'il présentait une version légèrement différente sur un détail de lieu de celle qu'avait donnée le ministre et qui est évidemment la seule qui peut faire foi.
Conscient de ne pas avoir était très bon sur cette affaire, Cahuzac a voulu finir en beauté (comme prévu et conseillé) et tirer sur l'auteur de ce livre la flèche du Parthe. Il a pitoyablement échoué dans cette entreprise puisque ce qu'il présentait comme EXEMPLAIRE, selon ses propres termes, des erreurs factuelles de cet ouvrage s'est révélée finalement VRAI ( la date de sa rencontre, pour le moins insolite et inattendue avec le ministre Eric Woerth). Il a finalement dû reconnaître publiquement sa propre erreur, alors qu'il prétendait faire de cette rencontre un exemple des fautes historiques de l'ouvrage qu'il avait dénoncées à plusieurs reprises. Le fait lui a même arraché le seul vrai sourire de cette séance !
"Il ne faut jurer de rien" certes, mais en plus, mieux vaudrait ne rien dire du tout ; c'est moins l'amnésie que la mutité que Jérôme Cahuzac aurait dû feindre lors de cette audition et on ne peut que la lui conseiller pour la troisième (une totale extinction de voix peut-être ?).
mercredi 24 juillet 2013
Bourbon Comedy Club : "Il ne faut jurer de rien"
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