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jeudi 4 juillet 2013

Cha cha cha diplomatique

L'épisode, à certains égards ridicule, de l'avion présidentiel bolivien bloqué en Autriche sur intervention française, est à la fois grotesque et significatif ; il sera sans doute riche (si l'on peut dire comme on verra!) de conséquences que notre diplomatie n'a pas prévues.

On a appris que le président Evo Morales (le seul président amérindien d'Amérique) qui revenait de Moscou, a été bloqué 13 heures durant à Vienne, car on le soupçonnait de transporter à bord de son avion présidentiel, Edward Snowden,sur lequel s'acharne actuellement le gouvernement des États-Unis ; alors qu'il espionna pour leur compte, les USA veulent le juger..."pour espionnage".

Sans doute ne saura-t-on jamais ce qui s'est vraiment passé du côté français, car il semble y avoir eu une différence de point de vue, à les en croire l'un et l'autre, entre François Hollande et son ministre des affaires étrangères Laurent Fabius de qui est venu, semble-t-il, l'interdiction faite par la France à l'avion d' Evo Morales de survoler le territoire français. Va-t-il être viré pour ça ? J'en doute!

En effet, cette autorisation avait été d'abord accordée (au moment où l'avion est parti de Moscou) puis elle lui a été retirée, très vraisemblablement, sur intervention (pour ne pas dire sur ordre) des États-Unis auprès de l'ambassade de France et/ou du Quai d'Orsay.

Les Français ont entraîné dans cette sotte décision l'Europe du Sud (Espagne, Portugal et Italie) alors que rien n'oblige à survoler ces trois Etats pour gagner l'Amérique latine.

L'avion est reparti de Vienne au bout de 13 heures, sur injonction spécifique, semble-t-il, de François Hollande qui aurait appris à ce moment-là seulement (c'est dire combien l'information circule bien du côté français) que le président bolivien était à bord de cet aréonef ! Bref, grosse pagaille du côté français ; la seule chose qu'on peut en retenir est que la France est aux ordres des États-Unis, conclusion que n'ont pas manqué de tirer la plupart des populations des Etats d'Amérique latine avec, à la clé, des manifestations violentes devant l'ambassade de France de La Paz aux cris prévisibles de « France colonialiste » et de « L'indien est le sauveur du monde » !

Mais peut-être après tout, au Quai d'Orsay, ne savait-on pas qu'Evo Morales est indien et que l'interdiction qui lui était faite de rentrer dans son pays allait inévitablement prendre cette couleur politique.

Le cha-cha-cha, dans lequel on avance avant de reculer, n'est pas d'origine bolivienne mais cubaine ! Comment ne pas s'étonner de voir François Hollande, qui s'indignait récemment encore de l'espionnage américain à l'égard de l'Europe, a cédé si facilement à une demande américaine, alors que, somme toute, si Edward Snowden avait gagné La Paz, fût-ce, dans l'avion présidentiel, cette solution aurait bien arrangé tout le monde ...y compris les Américains eux-mêmes.

Si le Quai d'Orsay ne savait peut-être pas qu'Evo Morales est indien (et fier de l'être, du moins à en juger par les multiples rappels qu'il fait de cette ascendance autochtone), on n'y savait sans doute pas non plus, ni le but de la visite d'Evo Morales à Moscou (qui ne tenait pas simplement au plaisir d'y rencontrer Monsieur Poutine et avait des raisons purement économiques), ni la situation de la Bolivie.

La principale caractéristique de la Bolivie est qu'il est le futur Qatar de l'Amérique. En effet, ce petit pays, qui est le plus pauvre de la région, possède aussi une richesse extraordinaire qui est le lithium, élément indispensable pour la fabrication des batteries électriques, qui semblent devoir être un des outils majeurs de la révolution énergétique.
La Bolivie possède, en effet, 40 % des richesses du monde en lithium. Elles se trouvent dans le fameux désert salé, le Salar d'Uyuni, qui, pour le moment, n'est qu'une curiosité touristique mais qui va devenir une richesse quasi inépuisable, puisque son étendue est à peu près celle de l'Île-de-France et que la couche de sel qui le constitue y atteint 10 mètres d'épaisseur.

La Bolivie, avec laquelle nous nous sommes un peu brouillés dans cette affaire stupide (expulsion des ambassadeurs !), même si François Hollande a présenté de plates excuses comme notre ministre des affaires étrangères. C'est un peu tard bien sûr et nous voilà en froid avec un pays stratégiquement capital que tout le monde courtise dont les États-Unis eux-mêmes bien sûr, car une société américaine exploite actuellement le Salar que se disputent, par ailleurs, les Russes (d'où la visite à Poutine), les Japonais et les Brésiliens (qui s'intéressent bien sûr au lithium mais également aux résidus de sa fabrication qui pourraient être utiles dans la fabrication des engrais agricoles). Même les Français sont sur les rangs, en la personne de Bolloré (qui a beaucoup investi dans la voiture électrique et qui, de ce fait, a de grands besoins de lithium) et qui moins sourcilleux dans ses alliances que la France elle-même, cherche à s'allier avec les Japonais pour contrer les projets américains. Mais Big Brother sait naturellemnt tout ça en espionnant ses alliés!

Ici comme ailleurs, notre diplomatie ne voit pas plus loin que le bout de son nez ; nous avons donc toute chance d'arriver bons derniers dans cette course au lithium où l'incident de l'avion présidentiel bolivien ne favorisera pas sûrement nos affaires.

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