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mercredi 17 juillet 2013

Politique et économie françaises : eau dans le gaz et gaz dans l'eau

Les politiciens nous prennent vraiment pour des imbéciles.

Vous aurez observé que j'ai employé ici volontairement le mot "politicien", dans le vrai sens qu'il a en français et qui est, le plus souvent, péjoratif ce qu'ignorent la plupart des gens qui usent de ce terme ; si l'on vise une dénotation pure et simple, il vaut mieux dire les hommes politiques, les femmes politiques ou, plus brièvement, les politiques.

Mais là n'est pas le sujet dont je veux traiter!

La commedia dell'arte politique à laquelle nous assistons en ce moment et qui a commencé bien avant l'éviction inopinée (surtout pour elle !) de cette pauvre Delphine Batho et qui se prolonge avec l'affaire du Tricastin tient essentiellement à ce qu'en réalité, le parti socialiste et les Verts d'EELV sont des ennemis naturels, puisque leurs électorats sont partiellement communs. L'alliance, que Martine Aubry a conclue naguère avec les Verts et qui leur accordait un nombre d'élus sans le moindre rapport avec leur poids électoral réel, avait fortement déplu à François Hollande (comme sans doute à Martine Aubry elle même), mais il avait été secrètement ravi sans doute d'avoir eu la chance de ne pas être obligé de la conclure lui-même, ce qu'il aurait bien été forcé de faire s'il s'était trouvé dans la même situation à la tête du PS.

Comme dit le bon peuple, il y a donc, clairement et depuis le début, de "l'eau dans le gaz" entre les socialistes et les Verts ; on ne comprend d'ailleurs pas qu'Hollande n'ait pas fait de Placé, la grande gueule de service, un sous-secrétaire d'Etat adjoint aux anciens combattants ce qui lui aurait aussitôt fermé la dite gueule.

En tout état de cause, le PS et EELV se tiennent, les uns et les autres, par la barbichette. S'il y a trop d'eau dans le gaz ou pire encore du gaz dans l'eau et que ça pète, ils n'arriveront pas à faire listes communes pour les municipales ; les socialistes risquent alors une lourde défaite et il en est de même pour les Verts, sans compter les postes de députés, de sénateurs ou de ministres auxquels celles et ceux qui les occupent n'ont aucune envie de renoncer, tandis que les autres Verts, qui rêvent simplement d'être califes à la place des califes devront s'asseoir sur leurs ambitions. On s'en tiendra donc inévitablement à des escarmouches dont cette pauvre Delphine Batho a fait les frais et cela d'autant que si elle était elle-même, en principe, socialiste, elle s'était elle aussi brouillée avec sa bienfaitrice d'antan, l'infortunée Ségolène qui n'est pas le meilleur appui au sein du PS.

Que voulez-vous ? La politique c'est comme ça ! Comme disait l'autre : "Ces choses-là sont rudes, il faut, pour les comprendre, avoir fait des études ». Et de préférence dans la promotion Voltaire de l'ENA.

Il y a donc de "l'eau dans le gaz" entre les alliés de la coalition au pouvoir et une partie de leurs différends vient curieusement de ce qu'on craint qu'il n'y ait un jour du "gaz dans l'eau !".

Ce titre m'est venu suite à la double considération de la chose politique française et de la résurgence de plus en plus fréquente de l'affaire du gaz de schiste. Un documentaire sur le sujet, "Gazland" a même été diffusé à la télé il y a quelques jours, à une heure de grande écoute. Je pense que ce n'était pas tout à fait par hasard. Très critique, il concernait essentiellement l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis. On y voyait, à de nombreuses reprises, des gens mettre le feu à l'eau qui sortait de leur robinet (car il y avait dans cette eau du gaz inflammable) et tout autant de responsables politiques ou industriels qui, tout en affirmant que ladite eau était parfaitement consommable, refusaient tous obstinément d'en boire la moindre goutte (ce gag a été répété à plusieurs reprises au cours du film).

On avait appris, de sa bouche même, quoiqu'à mots couverts, mais par ailleurs fort clairement, que Delphine Batho, ministre de l'écologie, avait été virée sur intervention de lobbys industriels favorables au gaz de schiste. Détail pittoresque mais fâcheux, on a appris, en cette même circonstance, que l'épouse de Monsieur Crouzet, patron de Vallourec, grande société productrice de tuyaux dans les domaines pétrolier, gazier et nucléaire, est, en fait, contre toute attente, le mari de Madame Sylvie Hubac, directrice de cabinet de François Hollande. Cette-ci, fort opportunément, ne porte pas le nom de son mari, quoiqu'ils soient mariés depuis trente ans et que la chose ne soit guère dans les habitudes françaises, surtout dans le milieu en cause et quand on n'est ni artiste ni auteur !

Au même moment ou à peu près, Arnaud Montebourg, le rebelle de service, a remis sur le tapis médiatique l'affaire du gaz de schiste, en demandant, non sans une solide dose de bon sens, qu'on "explore" (c'est le terme dont il use) la question au lieu d'interdire purement et simplement l'exploitation du gaz de schiste, sans même savoir de quoi on parle, comme le fait la loi Jacob de 2011 que conteste actuellement, en justice, une société américaine Schuepbach qui s'était vu accorder, auparavant, un permis d'exploitation qu'on lui a ensuite retiré (l'affaire va aller devant le Conseil constitutionnel). Des esprits chagrins pourraient noter et faire valoir que Monsieur Jacob, qui s'est surtout illustré dans le débat parlementaire sur les déclarations de patrimoine des parlementaires, en défendant un amendement qui visait à supprimer la pénalisation des déclarations « sciemment » erronées, texte qu'il dut finalement retirer, semble quelque peu lui, le représentant de lobbys agro-machin, puisqu'il a fait à peu près toute sa carrière pré politique au Centre national des jeunes agriculteurs.

Le problème est que, comme toujours en France, nous ne disposons d'aucune information sérieuse sur cette affaire ; la seule émission un peu intelligente et informée que j'ai pu voir sur la question était le "C plus clair" du 12 juillet, qui ,fort heureusement, s'est tenu en l'absence d'Yves Calvi (déjà en vacances chez son pépé), ce qui nous a dispensé de l'inévitable présence à l'écran de Christophe Barbier et des diverses plumes du Figaro. On a pu enfin avoir des informations de gens qui savaient de quoi ils parlaient au lieu de se borner à écouter les platitudes éculées des journalistes ignorants qui peuplent notre PAF.

Arnaud Montebourg prend donc des positions, dont certains s'étonnent, non sans candeur, qu'elles n'entraînent pas son éviction du gouvernement ; cette crainte est évidemment totalement infondée puisqu'il est clair qu'Arnaud Montebourg, Monsieur 17% aux primaires du PS, dit des choses que n'osent et ne peuvent nous dire ni François Hollande ni Jean-Marc Ayrault! En la circonstance, elles sont d'ailleurs l'expression du simple bon sens et j'ai personnellement tenu dans mon blog des propos quasi identiques depuis longtemps, en pensant qu'avant de se prendre aux cheveux sur la question de la fracturation des schistes bitumineux, on ferait mieux d'abord de faire un inventaire géologique sérieux des richesses dont nous disposons réellement, des bénéfices que nous pourrions éventuellement en tirer, des modes d'exploitation possibles (méthane ?) comme des risques qui pourraient s'attacher à cette fracturation et qui ne sont pas seulement celui de la pollution de l'eau, mais également celui de la dispersion dans l'atmosphère de gaz qui ne serait pas retenu dans le sous-sol comme dans l'exportation pétrolière et gazière traditionnelle.

Bien entendu pour informer l'Etat et orienter ses choix stratégiques, il faut avoir des informations et des données incontestables sur ces questions. Tout cela ne peut résulter que de programmes de recherche, sérieux et porteurs (on en cherche!); c'est là ce qui doit compter dans les décisions et les choix à venir et non pas l'avis ni des représentants des lobbies céréaliers ni d'hurluberlus, si verts qu'ils soient.

Eau dans le gaz ou gaz dans l'eau ? Les deux questions sont finalement plus liées qu'on pourrait le croire.

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