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samedi 27 juillet 2013

La loi Fioraso et l'anglais à l'université : "Much ado about nothing"

J'étais fermement décidé à ne pas revenir sur la loi Fioraso, dans l'attente de ses premiers effets et résultats qui, dans la torpeur universitaire estivale, ne semblent pas des plus encourageants, mais voici qu'en ce samedi matin 20 juillet 2013, Monsieur Alain Finkielkraut, avec son émission "Répliques" sur France Culture, a réveillé la bête. Il avait, en effet, choisi comme thème du dialogue qu'il dirige à ce moment-là (mais peut-être était ce une "redif." vu la saison) "l'anglais à l'université". Il faut dire que la discussion a été ce qu'elle devait être, c'est-à-dire sans grand intérêt. Elle opposait un journaliste, rédacteur en chef au service France des Echos, paraît-il spécialiste de la question, et un étudiant (polytechnicien me semble-t-il) qui devait être un des anciens élèves de Finkielkraut qui officie dans cet établissement.

La discussion elle-même a été ce qu'elle devait être, Finkielkraut y jouant le rôle de pseudo arbitre et déployant, dans cet office, le nationalisme linguistique qu'on peut attendre de sa part ; le journaliste lui était chargé de la défense de l'enseignement en anglais et invoquait, sur ce point, l'exemple des grandes écoles de commerce, tout en mettant les échecs et la mauvaise santé de notre commerce extérieur sur notre ignorance généralisée de l'anglais. Son adversaire, l'ancien brillant étudiant, alléguait, en revanche, la nécessité de garder au français sa place et de résister de toutes nos forces à la perfide Albion.

Bref, rien que de très banal dans ces argumentaires.

Le seul point d'accord, un peu involontaire d'ailleurs, entre les deux parties était la reconnaissance de la mauvaise connaissance que nous-autres Français avons de l'anglais, puisqu'en Europe, nous sommes, de toute évidence, juste après les Anglais eux-mêmes qui sont totalement monolingues, les plus mauvais en matière de pratique des langues étrangères. Les statistiques du ministère de l'éducation nationale nous indiquent, semble-t-il, que le niveau d'anglais des élèves du secondaire ne cesse de baisser. Quant aux enseignements donnés en anglais par des professeurs français dans les universités, (en économie et en management surtout), ou dans les écoles d'ingénieurs, ils sont d'une si mauvaise qualité linguistique que même les élèves de ces établissements ou les étudiants s'en rendent compte et trouvent quelque peu ridicules les maîtres qui s'essayent à leur donner des enseignements dans une langue qu'ils ne maîtrisent pas eux-mêmes. A un tout autre niveau, les cours d'anglais donnés dans le primaire par des professeurs des écoles incompétents, ne conduisent qu'à donner aux enfants de mauvaises habitudes articulatoires dont, dans la suite, les vrais professeurs d'anglais ont le plus grand mal à les débarrasser.

C'est tout à fait ce que je pensais et que j'avais moi-même dit dans un blog précédent, en soutenant qu'on avait pas lieu de craindre de voir les professeurs de nos universités se mettre à enseigner en anglais pour la simple et bonne raison que, pour la plupart, ils en sont totalement incapables, ce qui n'a rien ni d'étonnant ni de scandaleux.

Toutefois, dans ce débat, sur la question des étudiants étrangers, dont on se demandait s'ils continueraient à venir en France pour y recevoir des enseignements universitaires en anglais, j'ai été stupéfait d'entendre les deux intervenants tenir des propos qui témoignaient d'une totale ignorance des réalités universitaires internationales qu'ils évoquaient. À cet égard, ils ont en effet esquissé une comparaison entre les universités françaises et américaines, en n'évoquant d'ailleurs que les plus grandes qui sont peut-être les seules dont ils connaissent les noms et en se demandant si, suite à la loi Fioraso, les étudiants étrangers ne choisiraient pas plutôt les établissements américains, quitte à y recevoir un enseignement en anglais.

L'aspect qu'ils ont totalement occulté, pourtant essentiel et premier mais dont ils n'ont pas dit un seul mot, est tout simplement le prix comparé des études universitaires d'un côté et de l'autre de l'Atlantique. Alors que les études universitaires françaises sont à peu près gratuites (y compris, dans la plupart des cas, pour les étudiants étrangers), on ne saurait s'inscrire dans une université américaine digne de ce nom (même d'Etat, si l'on est étranger à l'Etat en cause) à moins de 40.000 ou 50.000 $ par an pour les seuls droits d'inscription.

Il est donc évident que ce facteur est essentiel et totalement prohibitif, même pour bien des Américains qui souvent s'endettent pour des décennies afin d'acquitter ces droits. Il faut inévitablement en passer par là, sauf si vous lancez le poids à 22 m, sautez 2,40 m en hauteur ou nagez le 100 mètres en moins de 48 secondes.

Si l'on ajoute qu'en France, bon nombre d'étudiants (en particulier venant du Sud ou du Moyen-Orient), sont de faux étudiants qui ne s'inscrivent à l'université française que pour obtenir le titre de séjour, le risque de l'incidence de quelques enseignements en anglais (de l'ordre de 2 % environ) sur le fonctionnement universitaire français n'a pas de raison sérieuse d'être pris en considération ; si la loi Fioraso pose des problèmes dans l'avenir, ils se situeront très certainement ailleurs.

Sur ce point précis du bilan de cette loi, le Sénat a proposé l'amendement suivant sous la forme d'un article 2 bis :
"Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un rapport évaluant l’impact, dans les établissements publics et privés d’enseignement supérieur, de l’article 2 de la présente loi sur l’emploi du français, l’évolution de l’offre de formations en langues étrangères, la mise en place d’enseignements de la langue française à destination des étudiants étrangers et l’évolution de l’offre d’enseignements en langue française dans des établissements étrangers.". Wait and see !

Much ado about nothing, c'est-à-dire, pour faire plaisir à Finkielkraut, "Beaucoup de bruit pour rien!". N'était-ce pas là un leurre pour détourner l'attention de questions plus importantes ?

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