Si vous voulez envisager, avec sérénité voire avec allégresse, la situation du Mali préélectoral, lisez donc l'analyse ou plutôt la peinture qu'en a faite, dans le JDD, le fringant général Grégoire de Saint Quentin (avec un nom pareil, comment ne pas voir le monde sous les couleurs les plus riantes ?), tout récemment nommé responsable des Forces Spéciales Françaises (ne ménageons pas les majuscules!) au Mali.
Quelques extraits choisis : " L’armée malienne a été défaite et ses matériels ont été détruits. Il faut du temps pour reconstruire tout cela dans un pays aussi vaste. [...] Nous ne pouvons pas parler de victoire militaire au sens où vous évoqueriez celle de 1945 sur l’Allemagne. Mais nous sommes dans une dynamique de succès militaires répétés que beaucoup auraient estimés inespérés il y a six mois.
Le calendrier de retrait est fixé par le président de la République: 3.200 hommes durant la période électorale [Il ne semble pas s'agir là du "retrait" mais bien plutôt du maintien, toutefois le deuxième classe que j'ai été ne va pas chicaner pour si peu le général de Saint Quentin], puis une réduction progressive et coordonnée à partir de la rentrée [de quoi ?] pour finalement atteindre environ 1.000 hommes en fin d’année. Un arrangement technique vient d’être signé avec l’ONU. Notre liberté d’action reste entière puisque nos troupes resteront sous mandat français".
C'est SAS revu par la bibliothèque rose ! Tout va pour le mieux dans les montagnes du Hoggar, même si la belle Antinea ne s'y baigne plus et si l'on n'y bivouaque plus guère sous la lune, comme au bon temps de Frison Roche.
Les Tamasheq, les "peaux rouges" du coin comme les Maliens mélanoderrmes du Sud, sont facétieux ; les enlèvements ne sont que des blagues qui se résolvent très vite dans la bonne humeur ; quant aux disparitions, elles ne sont qu'une forme locale du jeu du loup caché, bien ancré dans la tradition nationale.
Avec Grégoire de Saint Quentin, on renoue presque avec la grande tradition du roman militaire colonial dont le valeureux spahi et l'Homme bleu sont des figures majeure ; c'est aussi, ne l'oublions pas, dans le sable chaud du désert que le légionnaire prend cette bonne odeur qu'apprécient tant les dames, au moins dans les chansons.
Je n'en dirai pas davantage sur le sujet de peur de tomber sous le coup de la diffamation qui dans la législation française, fort sourcilleuse à cet égard, est punie avec la plus extrême sévérité. Je ne me hasarderai certes pas à publier pareils propos dans Le képi blanc qui est, on le sait, l'organe de notre valeureuse Légion Etrangère (je me couvre encore par un usage immodéré des majuscules), mais le mauvais esprit des blogueurs étant bien connu, je prends néanmoins le risque de cette introduction insolente.
Délaissant les vues lénifiantes de Monsieur de Saint Quentin, je trouve, en revanche, dans la presse malienne, des propos un peu différents.
Au départ, on a beaucoup critiqué le choix, apparemment irréfléchi, de la date de la campagne électorale de l'élection présidentielle qui coïncide avec le ramadan. On peut toutefois s'interroger pour savoir si c'était là une simple ignorance de la réalité locale ou, bien au contraire, un savant calcul pour essayer d'apaiser les esprits et de limiter au maximum les troubles qui pourraient résulter de cette campagne. Le jeûne, la chaleur, la fatigue, tout cela pouvait au contraire contribuer à empêcher la campagne électorale de prendre ici ou là un cours fâcheux. Il est en effet clair que le Mali comporte beaucoup plus de Musulmans (90 % au moins) qui observent le jeûne que d'électeurs qui sans doute ne seront guère plus de 20 %, quelques soient les conditions de déroulement de ce scrutin. Beaucoup d'observateurs s'accordent à penser qu'il est, en fait, difficile de concilier campagne électorale et jeûne du ramadan et que les manifestations de rue bruyantes avec de la musique, des cortèges, etc. sont, comme on pouvait le prévoir, totalement absentes. À part les meetings d'ouverture, on n'a même guère observé de signes de campagne électorale dans les rues de Bamako. De toute façon, en ce qui concerne le Nord et la région de Kidal, très rares sont les candidats qui s'y sont risqués (trois ou quatre au maximum) ; ils se sont bornés à des voyages-éclairs, destinés surtout à rendre hommage et à faire allégeance, non sans quelque calcul, aux potentats tamasheq locaux dont ils espèrent vaguement le soutien.
Un autre aspect de la campagne, dont la presse française ne parle évidemment pas, est le rôle des marabouts et sorciers de tous poils dans ce genre d'affaire. Il en est, en effet, des campagnes électorales comme des matchs de football et les politiques africains sont souvent tout aussi soucieux de appuis surnaturels que les dirigeants des clubs de football. On a donc toujours largement recours aux secrets et aux moyens occultes pour accéder au pouvoir comme, dans la suite, pour s'y maintenir. Djenné ( La cité des marabouts selon le titre de l'ouvrage de G. Mommersteeg) est le centre et le temple de ces pratiques. On y a vu converger, depuis des semaines, dit-on, beaucoup de candidats à la présidentielle, arrivés dans de grosses voitures aux vitres teintées ; ils ne venaient assurément pas là pour la célèbre grande mosquée ni pour le patrimoine architectural que l'UNESCO a inscrit au patrimoine de l'humanité.
À en croire certaines rumeurs, il n'est même pas sûr que ne perdurent pas des pratiques rituelles dont certaines comporteraient même, dit-on, des sacrifices humains pour se procurer certaines parties des victimes indispensables dans des pratiques magiques. Comme dans nombre de pays africains, de l'Est comme de l'Ouest, les albinos sont des proies que recherchent tout particulièrement les sorciers pour leurs pratiques rituelles ; ils ont donc tout intérêt à se planquer et surtout à numéroter leurs abattis, si j'ose dire, vu le prix du moindre morceau d'albinos ! Des disparitions inexpliquées pourraient avoir de telles origines. On comprendra que tout cela reste très discret, même si la permanence et le nombre des rumeurs à ce propos encouragent à leur accorder quelque attention. De toute façon, dans le Mali actuel, une disparition de plus ou de moins n'est pas pour inquiéter qui que ce soit. Quant à la place du maraboutisme plus classique et moins secret, une simple visite au "marché des sorciers" de Cotonou, au Bénin, haut lieu de ces pratiques, suffit à convaincre de leur pérennité et de leur succès.
En tout état de cause, une chose est sûre : les conditions de déroulement du scrutin du dimanche 28 juillet 2013 (absence de listes comme de cartes électorales, etc.), tant dans l'ensemble du Nord-Mali (et en France même...) que plus particulièrement dans la région de Kidal, sont telles qu'il est fort peu probable que ses résultats puissent être entérinés ; il est plus sûr encore qu'ils seront évidemment riches de motifs de contestations par tous ceux qui sortiront de cette élection dans des positions moins bonnes que celles qu'ils avaient espérées.
vendredi 26 juillet 2013
Mali pré-électoral
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