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vendredi 14 mai 2010

Bruxelles : le Père Ubu une fois !

Terrifiante nouvelle : la Commission européenne, délaissant l’espace d’un moment, les dramatiques problèmes que posent à l’Europe, agitée de gravissimes convulsions monétaires et économiques, l’épaissseur des tranches de mortadelle et le pourcentage de substances autres que le cacao dans notre chocolat, souhaiterait désormais examiner, avant leur vote final, les budgets nationaux des Etats membres pour voir si y sont bien respectées, les inflexibles règles fixées par les accords de Masse-trique.

J’use de cette orthographe un peu dérogatoire ( mais bien moins toutefois que les pratiques budgétaires des Etats en cause !) en mémoire de la prononciation de ce toponyme par le premier de nos duettistes politiques d’un moment, Villiers et Pasqua, tandem comique trop tôt arraché à notre scène électorale. Le second a toutefois récemment fait un retour remarqué au théâtre judiciaire dans un grand classique du théâtre hispanique , la Verdad sospechosa (« La vérité suspecte ») dont Corneille s’était déjà inspiré dans son Menteur.

Les réactions dans les milieux parlementaires ont été aussitôt des plus vives, chacun s’accordant à considérer qu’il y avait là d’insupportables atteintes aux souverainetés nationales, oubliant sans doute au passage que ce contrôle, s’il n’était pas prévu a priori, l’était, en tout cas, a posteriori, ce qui au fond revient exactement au même, du moins dans le cas d’Etats-membres honnêtes, qui respecteraient leur signature, ce qui ne paraît pas être la norme.

On ne saurait, en effet, admettre, en pareil cas, que deux hypothèses hautement aventurées, pour ne pas dire totalement improbables.

La première est que des Etats s’assurent, à grands frais (des centaines de millions de dollars, ce qui après tout est peu de chose, si cela conduit, dans la suite, à encaisser, frauduleusement, des milliards de subventions européennes), les services d’un grand établissement bancaire étranger, expert dans le savant maquillage des documents budgétaires nationaux (ce fut le cas de la Grèce dès son entrée dans l’UE).

La seconde hypothèse est que des Etats, plus considérables que la Grèce sur le plan politique, promettent, chaque année, avec la même sincérité touchante, de ramener au dessous ou, au pire, au niveau des fameux 3% du PIB, leur déficit budgétaire… de l’année suivante, selon le principe, bien connu et quasi universel, des « serments d’ivrogne » et du « Demain on rasera gratis ». Non seulement le premier n’exclut en aucune façon le second, mais il se combine le plus souvent admirablement avec lui, comme le démontre toute l’histoire budgétaire récente de l’Europe, ces déficits censés se limiter à 3% s’échelonnant, en réalité, de l’aveu même des Etats, entre 5 et 10%. De tels pourcentages ne concernent que les déficits avoués, tout le monde sachant bien, à Bruxelles comme à Rome ou à Lisbonne, que ces comptes présentés par les Etats sont aussi tous plus ou moins truqués, sur ces points précis en tout cas. Dans le palmarès des fraudes à l’Europe, il n’y pas que les embrouilles transalpines (les Italiens sont en tête pour la fraude à l’Europe) et les vaches corses !

Si je ne l’avais pas faite déjà (et si j’ai des lecteurs anciens et fidèles, ça va se voir !) , je dirais volontiers que la Commission de Bruxelles est née de l’union burlesque du Père Soupe (mais peut-être avais-je finalement préféré Frantz Kafka pour la noblesse du propos) et de la Mère Ubu, sans que la paternité du Père Ubu puisse être écartée de façon sûre.

Tout cela est à mourir de rire (MDR ou LOL comme vous voudrez) ou à tomber de sa chaise (mais comme je suis déjà beaucoup tombé ces derniers mois, je m’arrime), au moins pour deux raisons évidentes que je formule sous la forme de deux questions.

Première questiion
En quoi un contrôle a priori de Bruxelles est plus scandaleusement attentatoire aux souverainetés nationales qu’un contrôle a posteriori, si cette procédure a été admise par l’adhésion au traité et si les règles de ce traité sont appliquées, comme cela devrait être le cas, avec rigueur et si sont prises réellement, en cas de manquement, les sanctions sévères qui s’imposent ? La Masse-trique de Monsieur de Villers ne serait-elle, au mieux, qu’un léger plumeau ?

Deuxième question
Si les censeurs de Bruxelles se sont laissés si facilement berner depuis huit ans (accord de Maastricht) par les documents comptables et budgétaires que les Etats leur fournissaient, pourquoi ne pourrait-on pas continuer à le faire, la falsification étant, de toute évidence, encore plus facile, à réaliser avant qu’après le vote des budgets nationaux et les décisions budgétaires modificatives donnant encore un peu plus de latitude aux Etats ?

3 commentaires:

usbek a dit…

Chèr(e)s lecteur(e)s
Bizarrerie de ce blog déjà constatée mais pas toujours, le texte que j'ai enregistré ce matin vendredi 14 mai à huit heures est daté de la veille, neuf heures plus tôt. J'en deduis que tout cela doit passer par la Silicon Valley car, pour l'heure, ça correspond à peu près!

delugio a dit…

Cher Usbek,
Pour sortir de la Silicon Valley, allez voir dans "paramètres", "mise en forme", "fuseau horaire"...

Expat a dit…

Cher Usbek,
moi je trouve la proposition de la commission européenne pleine de bon sens. On y sent déjà l'influence germanique, car faute de dire qu'il faudra envoyer ses projets de budget à Berlin, c'est tout de même ce qui est sous-entendu. Un peu normal puisque c'est ce pays à qui on demande de payer l'essentiel des frasques des pays peu vertueux, voire fraudeurs.

D'autre part, et on comprend l'inquiétude des parlementaires, c'est un pas en avant pour la suppression de ces couteuses chambres au nom si évocateur.
Les socialistes vont d'ailleurs dans le même sens actuellement en déclarant vouloir se mettre en phase avec le conseil d'Etat pour une loi sur la burqa.

Laissons ce qui reste des affaires internes, la commission ayant déjà préempté la mortadelle, au conseil d'Etat, la politique étrangère aux Etats-Unis par le biais de l'OTAN et la politique budgétaire et économique à L'Allemagne. Tout cela finalement ne serait que bon sens.