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dimanche 16 mai 2010

Encore Haïti et son école!

Je me suis rendu compte, un peu tard sans doute, que le raccourcissement final de mon post du 15 mai 2010 (je m’interdis d’être trop long), rendait peu compréhensible ce texte et sa finalité.

En fait, on ne sait pas réellement, je crois, quelles sont les intentions de Paul Vallas et quel sera le contenu de son « plan ». On peut même espérer qu’il ne le sait pas lui-même, ce qui serait, de sa part, une belle preuve de bon sens, qualité dont cet homme ne semble pas dépourvu.

Comment, en effet, concevoir un plan de « construction » de l’école pour un pays dont on ignore tout. Je ne suis même pas sûr que Paul Vallas ait jamais mis les pieds en Haïti. Concevoir un nouveau système éducatif pour Haïti (car c’est, selon les rumeurs du moins, le seul point positif dans le recours à ce « spécialiste ») semble être qu’il ne veut pas « rebâtir à l’identique » l’école haïtienne. Toutefois, un tel choix, si essentiel qu’il soit, ne procède sans doute que du hasard pur et simple et non d’une vraie réflexion prospective. C’est, en fait, je pense, la reprise, un peu machinale, d’un slogan qu’il avait déjà utilisé dans sa mission à la Nouvelle Orléans, dans des conditions et pour une situarion en fait radicalement différentes.

Si l’on regarde de loin et de haut, les actions de Paul Vallas, réformatrices d’abord, à Chicago et à Philadelphie ou rénovatrices, à la Nouvelle-Orléans ensuite, on constate que ces politiques, élaborées dans le contexte de l’école des Etats-Unis, n’ont pas grand chose de pertinent dans la situation haïtienne.
Qu’il y a ait une crise de l'école aux Etats-Unis, les présidents successifs (Clinton, Bush et Obama) l’ont reconnu et les premières actions de P. Vallas s’incrivaient, sans problème, dans le « Plan Bush ». Les choix actuels du Secrétaire d’Etat à l’éducation de B. Obama, Arne Duncan (ancien collaborateur de P. Vallas à Chicago) ne semblent pas marquer de "rupture" : introduire dans la gestion de la carrière des enseignants la notion de mérite, évaluée par la réussite de leurs élèves (d’où les tests et évaluations multiples des résultats et niveaux scolaires, extension de ce principe aux établissements eux-mêmes par le biais des « écoles àc charte », fonctionnant, pour partie, sur des fonds privés, mises en place à côté des écoles traditionnelles. Si ces « écoles à charte » sont gratuites, elles doivent toutefois être gérées de façon à assurer leur autonomie financière, comme une entreprise.

Sans entrer dans le détail, on voit que le principe général est celui d’une privatisation, au moins partielle, des écoles et d’une forme d’autonomisation. En quoi cela peut-il être pertinent en Haïti où l’immense majorité des écoles est déjà privée et où les problèmes majeurs ne sont nullement de cette nature ?

A l’appui de mon propos et pour avoir recours à la source la plus officielle, je citerai le discours de Madame Elisabeth Préval (10 février 2010)

« Il m’a été dit que 77 % des établissements d’enseignement existants (publics et privés confondus) n’étaient pas reliés au réseau électrique. Dans les régions rurales, cette proportion atteint 91 %. 65 % de nos écoles n’ont pas l’eau (et je ne parle pas ici d’eau potable). 74 % d’entre elles n’ont pas de bibliothèque ; 31 % sont situées dans une église, 16 % dans une maison privée et 19 % dans des locaux précaires.

Seuls 29 % des enfants inscrits en première année atteindront la 7ème année. Quel gâchis ! Telles sont les raisons de notre souci de la qualité. Lorsqu’un enfant doit passer 6, 7 ou 8 années à l’école sans être en mesure de lire d’écrire, de calculer, de résoudre des problèmes et de commencer à apprendre par lui-même, c'est un gâchis pour l'enfant lui-même, sa famille et la société dans son ensemble. Nous devons veiller à ce que l’éducation qu’il reçoit soit de qualité.

Je crois savoir que moins de 30 % des enseignants possèdent les qualifications requises pour enseigner. La disponibilité d’enseignants qualifiés est un préalable à une éducation de qualité. Tout en œuvrant pour la reconstruction, nous devons lancer un programme massif de formation des enseignants.3

On peut admettre que Paul Vallas, qui était présent, comme je l’ai rappelé hier, lors de l’intervention de la First Lady haîtienne, a commencé à recevoir, par là même, une forme de première information sur la tâche qui sera la sienne, s’il entreprend de « construire », et non de « reconstruire », le système éducatif haïtien !

Cette remarque me rappelle ce que j’ai dit en conclusion de mon rapport, au terme d’une mission faite pour le Ministère français des affaires étrangères. C’était au moment de la réforme Bernard (introduction du créole pendant les trois première années avec passage progressif au français »). J’ai conclu mon propos en disant qu’à mon sens, la première condition pour réformer un système éducatif était qu’il existât réellement et que cette condition ne me paraissait pas remplie en Haïti.

4 commentaires:

Marc a dit…

Si je comprends bien, le principal problème est le remplacement du français par l'anglais et le second du remplacement du système éducatif actuel par une semi-privatisation axée sur la performance.

Je ne connais pas le contexte haïtien et seulement celui de la Dominique et encore sommairement mais ne pensez-vous pas que l'anglicisation d'Haïti serait une chance pour elle du fait de sa proximité américaine, avec ce que cela implique de transformation du pays en sous-traitant peu cher ? A part un héritage lointain déjà et sanglant avec la France, qu'est que le français peut-il leur apporter concrètement et dans leur vie quotidienne ?

Ce que dit Madame Préval sur le système scolaire haïtien démontre suffisamment une infrastructure où tout reste à inventer et à créer (eau, routes, moyens pédagogiques ...). J'ignorais complètement l'existence et l'oeuvre de l'homme de Chicago mais si sa théorie de la privatisation à base de capitaux privés devant être financièrement équilibrée apportait un plus, en quoi cela serait-il choquant ? Ok, cela implique certainement une école à deux vitesse, celle de ceux qui peuvent payer et poussés vers le supérieur et celle des autres incapables de payer et n'ayant qu'un cursus court de 7 ans.

Vu le délabrement du pays et la faillite préalable de tous les systèmes précédents, quelles ont à votre avis d'expert connaisseur du contexte les véritables et possibles solutions ?

Un système à la cubaine ou un système à la française qui a montrés ses limites ?

J'avoue personnellement être effaré de ce que j'écris, je n'aurais jamais cru pouvoir défendre le système des Privates Schools .......

usbek a dit…

Cher Marc
Votre commentaire est plein de bon sens et je ne puis y répondre longuement, comme il le faudrait ; peut-être le ferai-je dans un prochain post car il le mérite.
J'ai écrit ces texte en fait surtout à l'intention de décideurs français et francophones qui ont en charge la "défense" du français ( e qui n'est en rien mon cas) et qui ne se rendent pas compte, me semble-t-il, de ce qui se trame sous leur nez. Par ailleurs, dans ces domaines, comme dans d'autres, je ne vois pas bien ce qui distingue la politique d'Obama de celle de Bush!

Marc a dit…

Ne me dites pas que vous faites partie de ceux qui croyaient en un méga-effet Obama !?!?!

Lorsque l'on a le Stars and Stripes on the Heart, on a beau mettre plus de ceci et changer le cela mais les fondamentaux restent et Show must go on ......

La possession d'un langue étrangère est fondamentale pour son/ses possesseurs(s) car elle permet le business futur. Pourquoi croyez-vous que nos grandes écoles regorgent d'étrangers ? Pour la diffusion de la french culture ou pour semer les bonnes graines ?
Un système d'arme vendu c'est des manuels à se farcir pour l'utilisation et la maintenance. Ok, tout est traduit en perfect english mais les formations se passent en France qui regorge de bons vins, de steacks frites et de very nice girls.
La langue est la clé du business et nos gentils protecteurs de notre doulce langue sont à la ramasse ........

usbek a dit…

Cher Marc
Je ne croyais pas plus que vous à un changement radical de la politique des E-U avec Obama et cela d'autant moins que je savais d'où était venu l'essentiel du financement de sa campagne qui ne s'est pas fait par l'envoi émouvant de billets de 5$ par l'ensemble du peuple des E-U, selon l'image ieuse qu'on a fournie, mais, pour l'essentiel (70% je crois)) via les grands lobbys banquiers et militaro-industriels qui attendente le retour d'ascenseur, ce qui explique assez bien la suite sur bien des plans.