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samedi 15 mai 2010

La « reconstruction » de l’école en Haïti : de Chicago à Port-au-Prince

Comment passer de Chicago (Illinois, USA) à Port-au-Prince (Haïti)?
Vous ne savez pas ?
Facile pourtant ! Il suffit de suivre Paul Vallas.
Vous ne connaissez pas (enfin pas encore) Paul Vallas)? Laissez-moi vous expliquer !

Paul Vallas est un politicien américain qui, jusqu’à une date récente, a fait carrière à Chicago (où il est né en 1953) dans la mouvance démocrate, même si, en 2009, il est passé de façon un peu inattendue au parti républicain. Sans doute a-t-il fait ce choix faute d’avoir vu ses mérites reconnus au sein du parti démocrate, après ses échecs et ses désillusions dans la conquête des investitures pour la candidature au poste de gouverneur de l’Illinois.

La spécialité de Paul Vallas est l’éducation. Non pas comme enseignant ou comme formateur de formateurs ou toute autre activité du même acabit, mais comme organisateur ou réformateur des systèmes éducatifs. A ce titre, il a dirigé de 1995 à 2001, le service municipal de l’enseignement public de Chicago. En 2001, ses conflits avec le maire (qui l’avait mis en place et placé un moment à ses côtés) le conduisent à s’orienter plus nettement vers la politique avec comme cible finale le poste de gouverneur de l’Etat, mais sans succès, comme on l’a vu.
Il s’exile, de ce fait, à Philadelphie, où, fort de la réputation qu’il s’est acquise à Chicago (son action, qui repose sur des formes diverses de contractualisations, a même été louée par Bill Clinton !), il dirige, entre 2002 et 2005, dans quarante écoles, une grande expérience de privatisation du management du système scolaire. En 2005, la minceur de ses chances d’être retenu chez les Démocrates comme candidat au poste de gouverneur le conduisent à accepter, pour deux ans, le poste de « superintendant » du programme « Recovery School District of Louisiana” créé à la suite de Katrina.
En 2008, Vallas est déçu, une fois encore, dans ses visées politiques à Chicago et, du coup, il quitte le Parti démocrate pour les Républicains et décide de poursuivre son action en Louisiane.

Paul Vallas, déjà passé de Chicago à la Nouvelle-Orléans, via Philadelphie, prolongera-t-il son périple de réformes éducatives jusqu’à Port-au-Prince ? Tout le donne à penser !

En effet, mi-février, M. Sneed, correspondantdu Sun Times, a annoncé que Paul Vallas avait été sollicité par l’International American Bank [en fait, l’Inter-American Development Bank] pour planifier la « construction » (« build ») d’un système scolaire en Haïti. Le journaliste ajoute « Il think it’s pretty fair to cringe at the thought of banker paying Paul Vallas to « build a school system ».

Le 10 mars 2010, Paul Vallas était parmi le public de l’intervention faite par Madame Elisabeth Préval, la toute récente « First lady » haïtienne, lors de la conférence sur l’éducation tenue à l’Université George Washington dont elle est une « alumna ». Le thème de son discours était: « Les défis pour l’éducation en Haïti après le tremblement de terre ». Elle a d’ailleurs rendu hommage à Paul Valas et terminé ainsi son propos « C’est la raison pour laquelle l’aide de spécialistes expérimentés, tels que Paul Vallas, qui a joué un rôle essentiel dans la reconstruction de la Nouvelle Orléans, après l'ouragan Katrina, peut nous être utile »

Il y a là matière à des réflexions de natures diverses d’ailleurs.

La position de Vallas, qu’on aurait pu croire affaiblie auprès du pouvoir démocrate en place et de Barrack Obama (n’oublions pas qu’ils sont tous deux de Chicago !) n’en a sans doute pas souffert, car Obama a, on le sait, besoin des Républicains ; on a en a même une preuve puisque les idées de réforme d’Arne Duncan, actuel secrétaire à l’Education, sont proches de celles de Paul Vallas dont il était l’adjoint à Chicago.s

Un point intéressant dans les positions de Vallas est qu’il ne semble pas parler de « reconstruction » (ce qui implique une réfection à l’identique, mais de « construction », selon des principes qui peuvent et même doivent être différents ! Le problème est toutefois de savoir quels sont ces principes et où sont les différences.

Ni l’Illinois, ni la Pennsylvanie, ni la Louisiane ne sont Haïti et il est à craindre que la première des options du Plan Vallas pour cet Etat soit le choix de l’anglais comme médium éducatif !

Par ailleurs, devant l’embauche de Vallas par l’Inter-American Bank of Development, avec la claire bénédiction du gouvernement américain, on peut dire ce qu’on dit des banquiers zurichois, mais aussi de ceux du monde entier : « Si vous voyez un banquier sauter par la fenêtre, sautez derrière, c'est qu'il y a de l’argent à gagner ! ».

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