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samedi 8 mai 2010

Un tabou linguistique : la rigueur

Un beau morceau de rhétorique, ce jeudi 6 mai 2010 ,au "Grand Journal" de Canal Plus (je n’ai pas vu l’émission elle-même mais le bref extrait qui en a été rediffusé, le lendemain, dans le cadre de l’émission « politique » du vendredi).

Madame Lagarde, compensant la sinistrose de son propos par le rose de son tailleur, nous a explique comment, pour faire des économies, rendues indispensables par la situation, elle allait se lancer dans la chasse au gaspi, ses premières cibles étant les « niches fiscales », où elle entend « raboter » à hauteur de cinq milliards. Cette métaphore menuisière prenait tout son sel, vu l’allure et la vêture de Madame Lagarde qui aurait plutôt dû, pour de tels propos, se parer d’un bourgeron prolétaire !

Le comique de l’affaire n’est pas, dans cette affaire, qu’on va entrer dans la rigueur sans oser le dire et même en frappant ce terme d’un véritable tabou linguistique ; ce sera, pour nos ministres, une forme nouvelle du petit jeu du ni oui ni non. Tout le monde le voit bien et la chose n’a rien de drôle. En revanche, entendre Madame Lagarde, ministre des finances depuis trois ans, découvrir soudain l’existence de « niches ficscales », dont la suppression va non seulement dans le sens de l’égalité des citoyens devant la loi, mais aussi dans celui de l’économie globale, est des plus drôlatiques, pour user d’un adjectif qui reste dans la couleur optimiste que nous imposent les circonstanceset notre gouvernement.

Mais la situation était encore plus comique le lendemain, quand Michel Denisot, pour sa session politique de la semaine, a repassé cet épisode à l’intention de ses trois journalistes invités (Raphaële Baquée du Monde n’opère pas tout à fait dans ce registre, mais elle n’était là que pour la promotion de son dernier livre, dont ses deux collègues ont fait un éloge échevelé, à charge de revanche ultérieure bien entendu). Il y avait donc là cinq « journalistes » (les trois invités plus Patati et naturellement Denisot, qui a dû garder sa carte de presse sportive !), sans compter Ali Baddou et Ariane Massenet, qui sont sans doute catalogués comme tels, ne serait-ce que pour le fisc.

Le statut fiscal privilégié des journalistes avait déjà été mis en cause par Alain Juppé, alors Premier Ministre, qui avait sans doute, par là, précipité lui-même sa chute, en dressant contre lui toute la profession, la presse de droite ne lui étant pas la moins hostile. Le résultat avait été le remplacement final de la réduction exceptionnelle pour frais professionnels, de 30% je crois, (acquise sans justification particulière) par une « allocation pour frais d’emploi » qui, pour les revenus 2009, permet de déduire, indépendammant des 10% de tous les salariés, 7.650 euros ! Les 10% forfaitaires ouverts à tous peuvent en outre être remplacés par des déductions de frais réels, au sein desquels on ne distingue sans doute pas facilement les frais effectivement supportés par le journaliste contribuable de ceux qui font l’objet de notes de frais prises en charge, a posteriori, par l’employeur.

Naturellement aucun des sept « journalistes » ou réputés tels n’a songé, un instant, à évoquer, à propos des niches fiscales, le cas des professions de presse. On est vite passé à autre chose, en fonction du principe majeur de la réforme en France : « Toute réforme est excellente dans la mesure où elle ne s’applique pas à soi » !

Le « journaliste » Ali Baddou, spécialiste de la littérature et des choses de l’esprit au Grand Journal, avait du pain sur la planche ce vendredi 7 mai 2010; on recevait en effet, deux grands auteurs, Prouteau, ex-patron du GIGN et garde du corps patenté de Mazarine Pingeot durant sa jeunesse, et Christophe Rocancourt, arnaqueur de profession, désormais reconverti dans la littérature et qui publie, s’il vous plaît, chez Flammarion, ce qui suffit à donner une idée de ce qu’est devenue l’édition française ! Du grain à moudre pour Ali Baddou qui s’est toutefois montré très discret sur ces deux loustics.

En revanche, il a été disert à propos d'un petit livre sur les « gestes » les plus fameux du football, des « mains » de Maradona ou d’Henry au « coup de boule » de Zidane. Dans son exaltation sportive et voulant mettre un grain de sel personnel dans un domaine qui lui est peu familier, Ali a ajouté, en commentant ces trois « gestes » fameux que leur seul point commun était que tout le monde les avait vus… sauf l’arbitre. C’est doublement faux ! Les deux « mains » n’ont guère été rendues visibles et en tout cas évidentes qu’après coup, par la télévision et la répétition quasi infinie de ces images. En revanche, dire que le geste de Zidane n’a pas été vu par l’arbitre, dans son altercation avec Materrazi, est proprement inouï, dans la mesure où le joueur français a reçu un carton rouge et a été immédiatemetn exclu. Denisot, grand spécialiste du football, a sans doute un peu fait la gueule, sans oser pourtant corriger les ignorances d'Ali Baddou, l’intello de service !

1 commentaire:

Expat a dit…

Mais mon cher Usbek, si on commence par appeler rigueur la maitrise des dépenses publiques, comment appellera-t-on ce qui devra nécessairement suivre ?