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dimanche 30 janvier 2011

Démocratie et conflits d'intérêts. D'Haïti à l’Egypte

Au moment où, dans le débat public national, « démocratie » (pour le Sud) et « conflits d'intérêts » (en France) sont les maîtres-mots de l'information comme toutes les discussions, personne ne semble se poser la question des rapports qui peuvent s'établir entre ces termes et les notions qu’ils portent.

Commençons donc par Haïti puisqu'en ce dimanche 30 janvier 2011, Hillary Clinton, dans quelques heures (il est 9 heures en France et le décalage horaire est de moins 6 heures) va débarquer de son jet privé sur l'aéroport de Port-au-Prince, où l'on aura assurément fait de la place pour elle au parking.

Elle estime, sans le moindre doute, apporter en Haïti les valeurs de l'humanisme et de la démocratie ; elle vient en effet, plus précisément, faire pression sur le président René Préval comme sur les candidats au second tour de la présidentielle pour permettre un déroulement rapide d'un scrutin, en panne depuis le 28 novembre 2010, jour du premier tour dont les résultats n'ont toujours pas été officiellement proclamés, comme on a pu le lire dans mes précédents posts sur Haïti.

La date de cette proclamation a été sans cesse remise et elle est actuellement annoncée pour le 2 février 2011. Le second tour aurait lieu le 20 mars avec des résultats donnés le 16 avril 2011. René Préval, dont le mandat se termine le 7 février et avait été prolongé (mais avec contestation sur ce point), resterait donc en place jusqu’au 14 mai au moins, comme il le souhaitait lui-même, bien entendu, mais comme la pression internationale le lui refusait.

Naturellement comme on cachait à notre pauvre Président ce qui se passait en Tunisie, on ne dit pas tout sur la situation et l’opinion haïtiennes à Madame Clinton !

La pauvre Hillary ne sait sans doute pas (on se garde bien de le lui dire) que le bruit court là-bas que le couple Clinton tirerait des profits (cachés mais considérables) de l'assistance internationale et humaine au désastre haïtien. Dans la « Clinton Global Initiative » qui « coordonne » tout cela, Bill ne tirerait pas que le dollar, symbolique et annuel, qui lui est attribué comme unique rémunération.

Le couple Clinton lui-même fait aussi un peu problème et il est « improbable », comme dirait notre « Fredo », dans la mesure où on sait pas, au juste, où en sont leurs relations personnelles (hors des images pieuses destinées à la presse people).

On ne sait pas davantage si Hillary s'est enfin convertie au système d'humidification de ses cigares qu'affectionne tant ce cher Bill.

Bien des gens, sans doute mal intentionnés, se demandent donc si l'intérêt d'Hillary Clinton dans cette affaire ne tient qu'au seul bonheur du peuple haïtien. Le plus grave est que les actions qu’elle conduit dans ce cadre, quels qu’en soient les vrais motifs, sont pour partie contre-productifs et constituent, dans les faits, autant de « boomerangs » ou de « pavés de l'ours » (à vous de choisir la métaphore qui vous conviendra le mieux).

De l’autre côté de l’Atlantique, « nan Ginen » comme on dit en créole haïtien, l'intérêt américano-français porté au processus électoral ivoirien fait l'objet d'analyses du même genre et la propagande très intense de Laurent Gbagbo ne se prive naturellement pas d’exploiter, à tort ou à raison, cet argumentaire comme je l’ai montré dans un précédent post. Naturellement les photos du mariage de Alassane (Dramane, ce second prénom étant amovible en fonction des circonstances et des visées) Ouattara avec la blonde Dominique Novion , célébré à Neuily par Nicolas Sarkozy, sont partout ; on ne manque pas de rappeler aussi que cette femme d’affaires fut la gestionnaire des biens d’Houphouët-Boigny et d’Omar Bongo (une sorte de Patrick de Maistre en tailleur Channel en somme). Comme on ne la voit guère voilée, on ne sait pas si elle s’est convertie à l’islam pour épouser Alassane Dramane (ce qui est une obligation pour tout bon musulman), mais il est clair que tout cela fait parfaitement les affaires de Laurent Gbagbo, sans pour autant militer vraiment en faveur de la démocratie.

Mais revenons à Haïti et à Hillary Clinton, nul doute que le président Préval sera tout sourire pour l’accueillir à sa descente d'avion ; il écoutera assurément avec la même courtoise aménité et sans doute en hochant du chef, ses fermes et pressants conseils en faveur de la reprise du processus électoral et donc de l’éviction définitive de son propre candidat, Jude Célestin. Ce dernier, quoique son retrait ait été annoncé par son parti INITE, ne l’a pas confirmé, jusqu'à présent et, dit-on, à l’instigation de Préval (qui veut faire durer les choses) alors que cette démarche personnnelle, selon la loi haïtienne, est absolument indispensable pour que ce retrait soit effectif.

À n'en pas douter, Hillary reprendra donc, dans quelques heures, son avion avec la conviction qu'elle a une fois de plus rempli sa mission et triomphé de ces maudits blacks qui, non contents de l'avoir odieusement écartée de la présidence des États-Unis, lui mettent maintenant des bâtons dans les roues dans le cadre de ses actuelles activités.

Nul doute non plus qu'aussitôt Hillary envolée, René Préval dénoncera, plus ou moins discrètement et/ou par séides interposés, les insupportables manoeuvres américaines et internationales, qui visent, une fois de plus, à imposer au peuple haïtien des choix qui ne sont pas les siens. Ce genre de numéro marche toujours en Haïti où le nationalisme reste très présent, puisque, ne l'oublions pas et chacun se fait fort de nous le rappeler à tout moment, Haïti, première république noire, a été aussi la première colonie a secouer victorieusement le joug du colonialiste.

Et la Tunisie me direz-vous ? Et l'Égypte, poursuivrez-vous, non sans raison ?

Au moment où la France découvre, après deux siècles de cette situation, que la démocratie et les conflits d'intérêts font tout à fait bon ménage, tant dans la politique que dans l'économie, ne devrait-elle pas s'interroger aussi sur ces mêmes rapports dans les pays du Sud ou le Nord se livre à tant de déclarations enflammées en faveur de cette même démocratie, sans jamais faire mention de ses intérêts?

Certes, à l'aune de nos moeurs et de nos habitudes de pensée, la liberté d'expression est une valeur que nous ne cessons de mettre en avant pour contester les régimes policiers instaurés dans nombre de pays du Sud, avec lesquels nous avons par ailleurs les meilleurs rapports et où nous aimons tant à passer nos vacances.

Sommes-nous cependant tout à fait sûrs que le fait de pouvoir acheter en Tunisie « Le monde » ou « Libération » (à un prix quotidien, que, comme l’accès internet, ne peuvent guère se permettre les marchands de légumes tunisiens, fussent-ils titulaires d'une maîtrise de sociologie) va changer de façon définitive leur mode de vie et leurs conditions d'existence ?

Ne devrait en pas se demander, plus sérieusement et pour un instant, ce que signifie d'ailleurs la liberté d'expression dans un Etat comme l'Italie où la plupart des médias sont aux mains ou aux ordres d'un Silvio Berlusconi, sans parler de la France de Hersant et désormais de Lagardère ? Moi-même victime naguère, dans mes blogs, de la censure du Nouvel Obs puis de TF1, ne suis-je pas bien placé pour en parler et en juger ?

En France même personne ne semble faire le lien entre le cumul des mandats électoraux et/ou des fonctions ministérielles et les fameux conflits d'intérêts dont on vient soudain de découvrir, avec stupeur, l'existence. Personne n'avait donc jamais remarqué que les fonctions électorales (maires de grandes villes ou présidents de conseil régional ou général) permettent, d'abord et surtout, de détourner au profit de ces mêmes zones et de leurs électeurs (villes, départements ou régions) une bonne partie des crédits de l'État (quand il s'agit d'installer de nouveaux services ou équipements) ou, au contraire, de protéger ces mêmes zones quand elles sont menacées de restrictions dans ces mêmes matières !

Les hommes politiques du Sud ne sont pas forcément tous des imbéciles. Préval ou Gbagbo actuellement et peut-être bientôt Moubarak (moins exposé car regardé comme très utile à nos intérêts stratégiques au Moyen Orient) sauront, de toute évidence, faire apparaître ou donner à soupçonner, sous les revendications du Nord en faveur de la démocratie, le jeu des intérêts de ces mêmes Etats, grands donneurs de leçons de démocratie.

En fait, Hillary Clinton ou Nicolas Sarkozy font le jeu, sur le plan interne, de ceux dont ils pensent cnaïvement contester la position. On le voit depuis deux mois en Côte d'Ivoire ; on risque de le voir en Haïti mais, dans ces deux cas, les choses sont, somme toute et comme en Tunisie, moins graves qu'en Égypte où la chute de Moubarak risque d'avoir des conséquences catastrophiques, dont ne semblent réellement conscients pour le moment, à en juger par leurs réactions, qu’Israël, la Cisjordanie et la Jordanie qui sont naturellement en première ligne.

Quant à savoir quel profit réel tireront les fellahs égyptiens de la présence, dans les kiosques cairotes, du « Monde » et de « Libération » (dans l'hypothèse où ces journaux auraient été interdits comme en Tunisie) j'avoue ne pas trop savoir à quoi m'en tenir sur ce point.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Sur le couple «improbable», voici une blague qui circulait sur Internet il y a quelques années :
When did Bill meet Hilary for the first time?
When they dated the same girl !

Anonyme a dit…

J'ai oublié de signer le commentaire précédent :

Succus aceris (qui écrit d'un pays où il fait aussi froid que chez
Expat)

Anonyme a dit…

Cher Jacobus aceris
La blague est excellente mais tu es démasqué, même tapi au fond de tes neiges.

Anne Hecdoth a dit…

C'est vain.