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mardi 25 janvier 2011

Vers une solution de la crise haïtienne ?

Alors qu'en Côte d'Ivoire, où le second tour des élections présidentielles a eu lieu, comme le premier tour en Haïti, le 28 novembre 2010, la crise semble se diriger vers une solution finale radicale, peut-être militaire, alors qu’au contraire, en Haïti, la voix de la raison semble se faire entendre.

On avait pu penser que les choses allaient se régler, il y a quelques semaines, lorsque le président Préval a sollicité de l’Organisation des Etats Américains (OEA) la mise en place d'une commission internationale d’experts, chargée de vérifier les résultats du premier tour de l'élection présidentielle. Celle-ci avait, à titre provisoire, placé en tête Myrlande Manigat, précédant, avec environ 10% d’avance, Jude Célestin (deuxième), candidat d’INITE, suivi lui-même, de très près, par le populaire chanteur Michel Martelly.

Ces résultats avaient donné lieu à de très vives protestations des partisans du chanteur qui considéraient que la fraude avait fait passer devant leur favori Jude Célestin, regardé comme le candidat du président Préval. Les choses sont assez compliquées dans le cas de Jude Célestin, dont certains prétendent qu'il est le père de l'enfant qu’a eu la fille du président Préval, alors que l'intéressée nie qu'il en soit ainsi. Peu importent ces aspects familiaux ! Toujours est-il que Jude Célestin passait pour la créature de René Préval.

Il faut reconnaître que le président Préval a eu des comportements dont la logique est un peu difficile à suivre. Après avoir lui-même réclamé de l’OEA la mise en place de cette commission électorale de contrôle, pensant sans doute qu'elle allait entériner des résultats du premier tour qui semblaient convenir au gouvernement haïtien. Toutefois, avant même la publication du rapport final (dont le contenu avait toutefois circulé), René Préval en a contesté le résultat car il conduisait à faire passer Martelly en deuxième place devant Jude Célestin. La commission des experts de l’OEA avait, disait-on, constaté des fraudes et recommandé d'intervertir le classement des deuxième et troisième candidats. Michel Martelly se serait retrouvé alors en deuxième position avec 22,2%, après invalidation de 7.150 votes en sa faveur. Jude Célestin passerait donc alors de la deuxième à la troisième place, avec 21,9%, après avoir perdu 17 220 votes. Myrlande Manigat resterait toujours en tête, avec 31,6% des voix, quoique 13 830 voix lui aient été supprimées pour irrégularités.

On en était là avant le dernier week-end où les choses se sont soudain précipitées, probablement sous le double effet d'une réunion tenue en République Dominicaine et à laquelle a assisté le président Préval et surtout des pressions américaines, qui ont été si vives qu’on est allé jusqu'à prétendre que les États-Unis voulaient refuser désormais le visa d’entrée aux Etats Unis à neuf des membres de la plate-forme INITE.. Tout cela a dû assurément aider le président à changer de position !

À partir de là, les événements se sont succédé, en se précipitant.

Divers représentants de la communauté internationale se sont rendus lundi 24 janvier au siège du Conseil électoral provisoire haïtien (CEP) pour inciter cette instance à réviser les résultats contestés de l'élection présidentielle, ce qui, comme on l’a vu, conduirait à écarter du second tour le candidat du pouvoir.

Edmond Mulet, représentant du Secrétaire Général de l'ONU, a déclaré qu’un accord avait été acquis et, avec une prudence toute diplomatique, il a fait une déclaration concernant la publication des résultats revus par les experts de l’OEA et désormais acceptés par la CEP (qui, comme René Préval, les contestait jusqu'à présent sans qu'ils aient été officiellement publiés) et annoncé la publication imminente à la fois des résultats définitifs et du calendrier de la suite des opérations. Naturellement ce diplomate guatémaltèque, parfait francophone au demeurant (allez donc voir dans le Nouvelliste, sur internet, la video de sa déclaration), s'est gardé de répondre à toutes les questions qu'on a pu lui poser, tant sur les résultats eux-mêmes (mais il est clair qu'ils conduiront au déclassement de Jude Célestin) que sur la date du deuxième tour ou sur les intentions du président Préval quant à la date à laquelle il pourrait quitter ses fonctions.

On avait, en effet, l'impression nette, à tort peut-être, que René Préval cherchait à gagner du temps et à prolonger son mandat jusqu'au 7 février 2011, date à laquelle le nouveau président devait prendre ses fonctions (si le calendrier électoral initial avait été respecté), voire à effectuer un intérim jusqu'à mi-mai 2011 dans l'hypothèse où le deuxième tour des élections aurait été encore différé.

Il est très probable, dès lors, que l'effet conjoint des pressions de l’OEA et surtout des Etats-Unis, qui se sent accentuées de façon nette pendant le week-end et du caractère désormais inéluctable de la rétrogradation de Jude Célestin à la troisième place ont conduit ce dernier a choisir de retirer, de lui-même, sa candidature. Ce geste lui évite naturellement l'infamie de la reconnaissance et de l'officialisation des fraudes électorales dont il avait bénéficié.

Tout donne donc à penser que, désormais, les principaux obstacles sont levés ; le deuxième tour pourrait avoir lieu assez rapidement (sans doute, selon le calendrier secret annoncé par E. Mulet,) et le nouveau président de la république d'Haïti être élu selon ce même calendrier.

Tout donne à penser que ce président sera une présidente, en la circonstance, la juriste constitutionnaliste Myrlande Manigat, qui aura la particularité singulière d'avoir déjà été l’épouse d’un président de la République d'Haïti, Leslie Manigat, et donc la « Première Dame » de l'Etat, avant d'en occuper elle-même la fonction présidentielle. Cette circonstance fait penser à l'Argentine et au couple Kirchner, mais les choses se sont déroulées d'une façon bien différente et on espère pour Leslie Manigat que cela continuera !

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