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jeudi 27 janvier 2011

Axel Kahn, la loi LRU et la recherche

Dans ce même blog, je disais hier que je pourrais éventuellement revenir sur la question de la loi LRU que j'envisageais alors sous un angle très particulier, celui de la façon dont Valérie Pécresse avait su, avec adresse, mettre dans son jeu les présidents d'université pour faire passer sa loi.

Le hasard est toujours malicieux et, en la circonstance, il l'a même été triplement. Hier, je disais pouvoir revenir sur cette question de la loi LRU, mais je n'avais alors aucune intention de le faire, n’ayant pas grand-chose de nouveau à en dire depuis 2007. En effet, ce hasard farceur s'est employé à me fournir l'occasion de ne pas m’en tenir à ce choix. En effet cette nuit, vers 3:00 du matin, victime comme souvent d'une insomnie, j'ai utilisé le remède que j'emploie habituellement en pareil cas. Il consiste à écouter, un peu au hasard, la radio pour me détourner de mes préoccupations. Je suis tombé en zappant sur BFM qui, quoique aux mains « du grand capital » est, tout de même, une des chaînes radiophoniques les moins débiles de notre paysage audiovisuel.

Premier hasard donc. Le journaliste de service (rassurez-vous, l'émission originale était diurne et, la nuit, on ne fait que repasser les émissions de la journée) interrogeait Axel Kahn président de l'université Paris V qu'on a baptisée, dès la loi Edgar Faure, « René Descartes », ce qui est tout de même mieux même si l’on ne voit guère les raisons d’un tel choix pour une université essentiellement médicale.

Deuxième hasard, la présence d’un président d’université vantant les charmes de la loi LRU alors que je venais de montrer par quelles voies Valérie Pécresse s'était acquis les faveurs des présidents d'université en leur donnant tous les pouvoirs et les privilèges dont ils rêvaient.

Le troisième hasard était Axel Kahn lui-même parlant précisément de la loi LRU, dont il se faisait naturellement le chantre, sans être en mesure d'expliquer en quoi elle pouvait réellement justifier un tel enthousiasme.

Un mot sur Axel Kahn, frère cadet de Jean-François, aussi bavard que ce dernier et quelquefois pas plus convaincant que lui. C'était le cas cette nuit et son argumentaire, dont je ne reprendrai ici qu'un ou deux éléments, étaient des plus faibles.

Je n'ai d’ailleurs jamais bien compris pourquoi Axel Kahn après avoir fait une carrière, sans éclat particulier mais très honorable, à l'INSERM et à l'Institut Cochin, s'est laissé entraîner à accepter de venir à Paris V, essentiellement, pour présider cette université. Certes le bureau présidentiel y est fort agréable et la vue qu'il a sur la place de l’Odéon est très charmante. C'est toutefois un peu court et pour un homme, qui s’est voulu et se veut encore un scientifique (encore que ses principales publications soient plus de l'ordre de la vulgarisation, voire du journalisme, que la recherche elle-même) une faculté de médecine (même la plus importante de France) ne peut guère être regardée comme un temple de la recherche qui, en matière médicale, ne se fait guère dans les universités !

Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas la réalité de l'enseignement de la médecine, il faut ajouter ici qu'il n'a pas grand-chose à voir avec la science. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir la nature des enseignements scientifiques et les modes de contrôle des connaissances, par exemple en première année d'études médicales. Les cours de sciences « dures » y sont assurés par des médecins qui n'ont avec la physique, la chimie et les mathématiques que des relations généralement anciennes et, de toute façon, très lointaines. Il y règne donc un bachotage absurde, avec pour contrôles des connaissances des QCM où seule la forme compte et dont la correction mécanique est plus que rapide.

Axel Kahn faisait observer hier que l'inscription en première année de médecine est peu coûteuse (autour de 180 €), mais il aurait dû ajouter que cet enseignement en amphithéâtre est tout à fait accessoire voire aboli, par rapport à l'activité des « écuries » privées et payantes, seules garantes de succès mais dix ou vingt fois plus coûteuses, où les mêmes enseignants de médecine répètent ou font répéter leur dérisoire enseignement, en doublant ou triplant leur salaire.

Sont-ce là les temples universitaires de la recherche dont parle avec tant d’émotion Axel Kahn ? De qui se moque-t-il, en évoquant, à ce propos, les facultés de médecine où, chacun le sait, la recherche est à peu près absente. Les deux seuls Prix Nobel de médecine français du dernier quart de siècle venaient de l’Institut Pasteur et de l’INSERM et non de ParisV ! Il faut reconnaître que, si comme on peut le supposer, Axel Kahn est venu à Paris V pour des motifs extra-scientifique et surtout pour en faire la promotion en même temps que la sienne propre, il réussit assez bien dans cette activité, du moins auprès d'un public qui ne connaît guère le dessous des cartes.

Tout serait donc à reprendre dans son intervention. On y observe en outre des lapsus multiples et significatifs (la chose réjouirait un psychanalyste !) ; ainsi emploie-t-il, à plusieurs reprises, les mots « euro » ou « dollar » à la place du terme « étudiant » (un exemple entre autres : 37.000 € au lieu de 37.000 étudiants). Cela ne vaut certes pas la fellation de Rachida, mais il y a néanmoins là quelques jolis lapsus dont l'interprétation est naturellement évidente.

Axel Kahn, grand amateur de présidences, envisagerait-il celle de la conférence des présidents d'université pour le prochain tour parisien ? Il a fait là, en tout cas, un numéro propre à étoffer son dossier de candidature. Il a soutenu, contre toute vraisemblance mais en argumentant bien à tort, contre les « grandes écoles », que les universités étaient les temples de la science! J'attendais qu'il nous fasse le coup des prix Nobel ou des médailles Field pour lui asséner, sur la tête, les vérités à ce sujet que j'ai déjà exposées ailleurs.

Les propos d' Axel Kahn sont à l'image de la photo qu'en toute modestie, il a donnée pour illustrer le site de Paris V. Détendu, « cool » et sans cravate, il y présente une image aussi racoleuse que les propos qu'il a tenus dans cette émission et qui avaient tout l’air d'une déclaration de candidature à la présidence de la CP U, en même temps que d'un hommage rendu à Valérie Pécresse, sans doute dans l'espoir de quelque retour d'ascenseur, immédiat ou plus tardif.

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