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samedi 8 janvier 2011

Du langage présidentiel.

Curieusement, un emploi, inattendu chez notre président, mais parfaitement légitime à défaut d’être indispensable dans le français ordinaire, (Nicolas Sarkozy a dit, à propos du départ de Jean-Louis Borloo, qu il « aurait préféré qu’il restât ») a titillé la plume de quelques modernes Zoïles.

J’ai suivi tout cela d’un peu loin, dans une presse qui n’est, hélas, pas irréprochable pour ce qui concerne la langue dont elle use et chez des auteurs dont les productions sont fort loin d’être exemptes de tout reproche à cet égard. Je ne songeais donc nullement à intervenir dans un tel débat, sachant trop, un peu par expérience et nécessité professionnelles, que tout puriste peut, en la matière, être critiqué par plus puriste que lui !

La lecture d’un blog publié dans Marianne2 par une blogueuse dûment patentée de cette publication électronique m’a fait sortir de mes gonds et de ma réserve (les plus fidèles de mes lecteur(e)s savent mon affection de toujours pour le zeugma !).

Comme souvent dans Marianne2, le texte introductif est, du moins l’espère-t-on, d’un auteur autre que celui du texte, car, « en chapeau » du post de « Lai d’Beu » « Blogueuse associée », on lit, en date du 7 janvier 2011, « que le député PS François Loncle demande au Ministre de l'Education Nationale Luc Chatel d'infléchir sur [sic, le gras est de moi] la pauvreté du langage présidentiel jugé « vulgaire » ».

Les choses ne commencent donc pas très bien, même si le genre de faute en cause n’est pas du ressort du Bescherelle cité dans le titre du blog : « Sarkozy devrait-il (r)ouvrir un Bescherelle ? ». Puisque, selon la formule prêtée au regretté Gaston Deferre, nous allons devoir, bien malgré nous, « sodomiser les diptères », notons que la « vanne » du titre de « Lai d’Beu » doit être elle-même critiquée, puisque, en bonne logique grammaticale, la réitération potentielle de l’action qu’implique « (r)ouvrir » conduit à faire précéder Bescherelle d'un possessif ou de l’article défini plutôt que de l’indéfini. Toutefois, la faute n’est pas pendable et la suite est infiniment pire !

Comme je ne veux pas vous infliger la lecture de ce texte de "Lai d'beu", assez insipide par ailleurs, en dépit de sa virulance et qui ne vaut guère que par les fautes de langue et les sottises qui l’émaillent, je vous relève les principales en les numérotant avant de les commenter en italiques :

N°1. Par « langue classique », n’entendre point un retour à l’admirable XVIIe siècle illustré par tant d’auteurs que je ne me risquerais pas à quelque fastidieux catalogue.

« Lai d’Beu » commence très fort. Le sens n’est pas évident car l’auteur, ignorant l’usage et les règles de la ponctuation, on peut prendre « que » pour un relatif mal employé, ce que la suite peut donner à croire, alors que c’est une conjonction qui dépend en fait de « tant ». L’orthographe de « je ne me risquerais pas » montre que « Lai d’Beu » ignore, de toute évidence, les différences orthographiques entre les premières personnes du futur et du conditionnel.

N°2. A propos de la littérature française.
« Lai d’Beu » est sans pitié pour les ignorances de notre président, elle que son père a nourri à la mamelle intellectuelle de Nicolas Boileau. Rien à dire sur le prénom ni sur la date de l’ Art poétique (1674). Elle a vérifié tout ça dans le Petit Larousse illustré. Il n’en est pas de même, hélas, pour ce pauvre Du Bellay. Elle écrit en effet : « « Défense et illustration de la langue française » [...] par Jérôme du Bellay ». Le Petit Larousse ne devait donner que l’initiale, car cet auteur se prénommait Joachim et non pas Jérôme ! "Manque de pot", comme dirait Sarko, surtout quand , dans la foulée de son indignation, elle traite Luc Chatel d’« ignare » !

N° 3. « L’aversion affichée par Nicolas Sarkozy contre La princesse de Clèves de Madame de La Fayette »

Pour le moins douteux !

N° 4. L’affaire de la Princesse de Clèves.
Je ne veux pas revenir sur cette affaire dont j’ai parlé dans un post de l’époque. La question n’est pas tant dans le roman lui-même que dans le fait qu’il figurait au programme d’un concours de la fonction publique d’un niveau très modeste (j’ai oublié le détail mais je peux rechercher ce blog). Je ne suis pas sûr, en outre, que les spécialistes s’accordent sur l’image donnée ici de ce livre qui n’a jamais été ma tasse de thé !

N° 5 « Entendez qu’il cherche à « faire peuple » ou pour le moins l’image qu’il a du parler populaire ».
La phrase est, une fois de plus, incohérente !

N° 6. « Il n’y faudrait pas un grammairien – Maurice Grévisse, « Le bon usage », y perdrait son latin - ».
Il devrait surtout y perdre son accent aigu fautif, car ce fameux grammairien belge se nomme GrEvisse et non Grévisse !

N° 7. « Il ne fait nullement appel à l’intelligence du peuple ce qui supposerait d’élever le débat mais aux pires instincts qu’il ne craint nullement de déchaîner à grands renforts de « gros rouge qui tache ».
Encore une phrase incohérente, à moins que, non content de maltraiter la langue française, notre président se noircisse lui-même « au gros rouge qui tache », le « renfort » invoqué étant, selon l’usage commun, plus singuler que pluriel.

Je crains fort que Madame « Lai d’Beu » ne soit une « pédago » ! Sa copie, en tout cas, qu’elle aurait dû faire corriger par son papa, ne vaut pas plus que 4 sur 20. Plaignons donc ses élèves !

Le pire de tout est que ce texte avait été lu près de 8000 fois quand je l’ai moi-même lu et que, bien que commenté près de 50 fois, il n’avait jamais suscité des remarques du type des miennes. Edifiant.

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