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mercredi 26 janvier 2011

Education nationale : la stratégie des « petits chefs ».

La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, a fait une importante découverte stratégique lors de l’élaboration de sa loi LRU sur la prétendue autonomisation des universités. Petit rappel du texte. Il s’agit de la loi 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux « libertés et responsabilités des universités », initialement intitulée « loi portant organisation de la nouvelle université » et plus communément appelée « loi d'autonomie des universités » ou même « LRU ».

Je dois ici une courte explication de l’usage que j’ai fait du terme « prétendue », car les universités françaises ne pourront être réellement autonomes que le jour où elles ne dépendront plus, quasi totalement, des financements de l'État. Un tel cas est, par exemple, celui des grandes universités américaines (le « top-ten » des « ivy universities »), qui constitue également le peloton de tête mondial dans le classement de Shanghai, que les autorités universitaires françaises ont sottement pris pour référence, sans connaître grand chose aux réalités ou sans vouloir les prendre en compte.

En France, on paraît ne pas savoir, en effet, que ces universités américaines prestigieuses ont un financement largement privé (à 80%)et des modes de fonctionnement radicalement autres que les nôtres. Aux Etats-Unis, même les universités dites « d'État », ne dépendent des moyens publics que pour 30 ou 40 % de leur budget.

Réforme bidon ou pas, c'est un tout autre problème dont je veux parler aujourd’hui et je laisse donc de côté cet aspect sur lequel je pourrais, le cas échéant, revenir, car mon sentiment n'a pas changé depuis l’époque où j’ai écrit à ce même propos.

Le point important ici est la stratégie habile (une fois n'est pas coutume !), mise en oeuvre en 2007 par le MESR. Je doute, vu la subtilité de la manoeuvre, que Valérie Pécresse ait imaginé elle-même ou, en tout cas, seule, une manoeuvre si adroite. Il est vrai que, comme le sont souvent les bonnes idées, la formule est très simple.

L'astuce a en effet consisté à se gagner, pour la mise en oeuvre de la réforme, le concours et même la complicité des présidents d'universités, les « petits chefs » locaux en la circonstance. La rumeur d'une importante réforme courant ici et là, la conférence des présidents d'universités, la CPU, avait jugé bon d'exprimer officiellement sur ce point les principales revendications de ses membres dans le cas d’une réforme. Il y en avait deux, essentielles à leurs yeux : d’une part, avoir un mandat renouvelable car depuis la loi Edgar Faure, l’une des plus sages mesures prises alors était le mandat unique pour les présidents d’université (ce qui tordait le cou à la fois au clientélisme et à l’électoralisme) ; d’autre part, avoir la haute main sur les recrutements d'enseignants grâce à la mise en place, par les présidents eux-mêmes, de commissions ad hoc qui remplaceraient les commissions de spécialité élues.

Il était évident qu'en inscrivant dans la loi LRU ces deux exigences majeures de la CPU, on faisait des présidents des instruments dociles, voire empressés, de l'acceptation et de la mise en oeuvre de la loi Pécresse. Les choses se sont passées exactement comme on l'avait prévu ; la CPU qui était, auparavant, en fréquent désaccord avec le ministre, s'est aussitôt chargée de la mise en place de la volonté ministérielle et de la propagande en faveur de la loi LRU.

On a ainsi vu des présidents d'université s'employer localement, fût-ce par le recours aux forces de l'ordre (eux qui étaient naguère encore tellement attachés aux franchises universitaires) à entraver et même à briser toutes les tentatives syndicales et/ou estudiantines de contester ou d'entraver la loi LRU.

Il apparaît désormais que la rue de Grenelle (ministère de l’éducation nationale) a compris et retenu la leçon de la rue Descartes (ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche). L. Chatel le montre bien en songeant désormais à faire des chefs d'établissement des « petits chefs » et, par là, les rouages complaisants et dociles des volontés du ministre, à la fois en accroissant leur propre pouvoir (vieille idée qui ne saurait leur déplaire et qu’on a déjà dix fois avancée sous le masque de la déconcentration), mais en alléchant en outre les plus serviles et/ou les plus cupides d’entre eux par une prime (jusqu'à 6000 € tous les trois ans). Vous aurez déjà compris que le ministre jugera naturellement, seul ou à travers ses affidés, des mérites qui seront reconnus à ceux de ces « petits chefs » qui seront les bénéficiaires de cette prime.

On a déjà préparé la chose en faisant le même coup pour les recteurs, pourtant jamais portés à contrarier les vues du ministre, mais naturellement, avec un tarif bien supérieur pour la prime. Dans ce cas, la « modulation » peut atteindre 22.000 € . A « petit chef » petite prime et, dans l’arithmétique ministérielle, un recteur comme « moyen chef » vaut quatre « petits chefs » ou plutôt douze car la prime des recteurs est annuelle!

Les premiers services attendus des recteurs sont, bien entendu, la facilitation maximale de l’ingestion par les enseignants et les syndicats de la pilule, grosse et quelque peu amère, des suppressions de postes.

Qu'il y ait lieu de récompenser le mérite dans la fonction publique, qui pourrait dire le contraire, à part peut-être quelques farouches syndicalistes ? Ces derniers ne veulent entendre parler que de l'ancienneté (qui met strictement sur le même pied tous les enseignants consciencieux ou fumistes, assidus ou absentéistes, etc.) et du principe intangible du « choix » (« grand » ou « petit » dans la terminologie officielle) que les syndicats eux-mêmes contrôlent plus ou moins au bénéfice de leurs membres ou de leurs amis.

Il est à craindre que, dans les universités comme dans les lycées, collèges ou écoles, l'érection (je pèse mes mots) des responsables locaux en « petits chefs », loin de favoriser un meilleur fonctionnement des systèmes éducatifs, ne fasse que les pervertir encore davantage par des dysfonctionnements nouveaux et supplémentaires, allant selon les lieux et les cas, mais sans aucune exclusive, du clientélisme et du simple copinage au droit de cuissage !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cela se passera comme dans toutes les autres administrations , comme la mienne dont je dois taire le nom par précaution.Les primes et lavancement ne vont pas aux plus sérieux, aux plus intègres, aux plus professionnels mais aux plus serviles, lèches-bottes en tout genre, aux plus investis "syndicalement" .Bref , à la tête du client!