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lundi 31 janvier 2011

Orange passe au rouge (première partie)

Comme je prévois que ce post dépassera sans doute largement les limites que je me donne habituellement pour ce genre d’écrit, je préfère, d'emblée, le couper en deux, la première partie est, en quelque sorte, un historique qui, d’une certaine façon, éclaire la suivante et, par là, forme un préalable au second post sur le même sujet, mais de nature très différente, que je ne mettrai en ligne que demain.

Je suis, en effet, et probablement avec beaucoup d'autres, une victime d'Orange ; il est nécessaire, je pense, pour comprendre les présents comportements de cette société, d’en retracer brièvement l’historique.

Le "père" d'Orange est Michel Bon (si mal nommé !), dont il faut bien dire quelques mots, car il illustre parfaitement à la fois l'incompétence de nos grands capitaines d'industrie, dont les mirobolants salaires et le firmament des carrières font rêver tout un chacun, alors qu’éclate au grand jour la nullité de leur action et de leur gestion, puisque, dans la plupart des cas, ils conduisent au désastre des sociétés dont ils ont la charge.

Ne vous inquiétez pas trop toutefois pour eux, car, vous le verrez, ils ne sont nullement mis à la rue par leurs insuccès voire leurs condamnations ; ces désastres et parfois leurs malhonnêtetés devraient les conduire, au mieux, au chômage et, au pire, à la misère sociale, comme cela se produit souvent aux Etats Unis ou au Japon. En France, bien au contraire, on leur fait aussitôt assumer de nouvelles hautes fonctions, tout aussi gratifiantes et rémunératrices que les précédentes. Mieux encore, on les voit même parfois promus au rang de conseillers ou d’experts dans ces mêmes domaines où ils se sont montrés si lamentables.

Ce cas est admirablement illustré par J-M. Messier, mais mieux encore par Alain Minc, dont j'ai déjà parlé à quelques reprises et qui est même désormais le conseiller de notre président dans la gestion de la France, cette circonstance nous conduit à craindre le pire, dans l’hypothèse où nous ne l’aurions pas déjà atteint.

Michel Bon (on ne sait pas trop à quoi !), 69 ans aux cerises, est ESSEC et naturellement ENA. Comme beaucoup de ses semblables, n’étant propre à rien, il est, et c’est le cas de le dire pour lui, sinon bon, du moins prêt à tout.

Sa carrière le montre d’ailleurs ; il a fait ses premières armes dans la banque pendant une dizaine d'années ; avant de passer, sans coup férir, chez Carrefour. Voilà qui le destinait de façon évidente, en 1995, à être mis, par Alain Juppé, à la présidence de France-Telecom, fonction à laquelle ses emplois précédents le conduisaient manifestement, comme la suite l’a bien montré. Ce n'est pas là seulement, comme parfois, une affaire politique, puisque, deux ans plus tard, DSK, devenu ministre,le confirmait dans ses hautes fonctions.

Le grand coup de Michel Bon a été, en 2000, l'acquisition de la société Orange qui avait été créée en 1994 par le conglomérat Hong-Kong-Hutchinson puis revendue, dès 1999, à Mannesmann. Peu importe les détails, de toute façon incompréhensibles car tout cela ne relève que de manoeuvres purement spéculatives. Seul compte le fait qu’Orange a été acheté pour une cinquantaine de milliards d’euros par Michel Bon !Cet achat fou s'accompagnera, en outre, d'investissements colossaux, tout aussi absurdes, dans le secteur des télécommunications européen (Mobilcom, Equant, etc.). Là encore, le détail est sans importance.

Tous ces choix « stratégiques », dans lesquels Michel Bon (une sorte de Super Jérôme Kerviel qui, avec ses pauvres 5 milliards d’euros perdus, fait figure de nain pitoyable) ne fait rien d'autre que jouer, assez mal, au monopoly industriel avec l'argent de l'État français, c'est-à-dire le vôtre et le mien, se révèleront naturellement désastreux. Pour le seul exercice 2001, France-Télécom compte près de 9 milliards d'euros de pertes, bilan épouvantable qui n’arrête en rien les rodomontades de Michel Bon qui assure, une fois de plus, car cela ne mange pas de pain (du moins pas le sien) : « La stratégie c'est moi qui l’assume ». Tu parles ! Ce n'est pas grave, puisque c'est nous qui payons et que la tutelle de l’Etat est plus que lointaine.

Il faut attendre octobre 2002 pour que Michel Bon soit enfin remplacé à la tête de France-Telecom par Thierry Breton dont les exploits sont bien connus aussi, mais seront, on le sait, d'une autre nature.

Ne croyez pas toutefois que Michel Bon s’en est tiré comme ça. Six ans plus tard (il faut le temps de la réflexion), « pour sa gestion trop opaque du groupe » (Jolie périphrase , non ?), il a été en effet lourdement condamné par la Cour de discipline budgétaire et financière, en juillet 2008 ; l'amende est colossale : 10.000 € ....pour les 20 milliards de pertes qu'il avait fait subir à l'entreprise qu'il dirigeait. Au terme de son exercice du pouvoir à France-Telecom, cette entreprise, outre ses 20 milliards de pertes, avait 80 milliards de dettes ! Naturellement les médias qui, des années durant, avaient encensé Michel Bon et célébré, avec leur intuition habituelle, son extraordinaire génie des affaires, ont été alors très discrets. Tout cela a été à peine mentionné, d'autant que plus de cinq ans avaient passé et que, comme disait le Général, « les Français ont la mémoire courte ».

Le plus comique reste toutefois à venir.

A peine Michel Bon était-il sorti, par la petit porte, des décombres financiers de France-Telecom qu’on le nommait, dès 2002, Président...(je vous le donne en mille !) de l’INSTITUT DE L’ENTREPRISE ! Il est encore aujourd’hui « advisor » ou "conseiller" de divers organismes, président du conseil de surveillance d’un groupe de conseil et de surveillance en informatique (sans que je sois persuadé qu’il sache faire la différence entre un ordinateur et une machine à café) et membre de nombreux conseil d’admistration.

Cela dit, tout le monde reconnaît que ses conseils sont très précieux et surtout infaillibles. Quand il y a un choix stratégique à faire, il suffit en effet de faire l’inverse de ce qu’il propose.

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