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lundi 7 février 2011

Moyen-Orient : Tiercé ou quarté explosifs ?

De Rica à Usbek

Votre blog d’hier (6 février 2011) m’inspire quelques réflexions au sujet du « tiercé explosif » du Moyen-Orient ainsi que sur la présentation que vous faites, incidemment, de Stéphane Hessel..

S’agissant du « tiercé explosif », je suis, en gros, d’accord avec vous, à quelques réserves près concernant la place que vous y attribuez à l’Egypte. Si la situation de ce pays paraît être en voie de règlement avec le maintien au pouvoir de Moubarak jusqu’au terme de son mandat (souhaité désormais par les Etats-Unis ainsi que par Israël pour des raisons évidentes de tranquillité à sa frontière sud), peut-on dire, pour autant, que l’issue de cette affaire ne sera pas que provisoire et que s’esquisse un processus démocratique ? Même si la crainte que les Frères musulmans s’emparent immédiatement du pouvoir peut paraître exagérée, la haine que beaucoup d’opposants à Moubarak (je ne soutiens aucunement un tel autocrate) ont exprimée à l’égard de ce dernier, lors des manifestations (« valet d’Israël et des Occidentaux »), ajoutée au dernier discours du « guide suprême » iranien Kamenei appelant le peuple égyptien à imiter la révolution de 1979 en Iran peuvent susciter quelque inquiétude… Et puis, mais c’est une autre histoire, l’Egypte risque de revenir sur le devant de la scène avec, cette fois, sa frontière sud et les répercussions de la partition prochaine du Soudan.

Je pense aussi comme vous que la Jordanie risque bientôt de prendre place, en tête des facteurs d’instabilité au Moyen-Orient et que le Liban reste sans doute la poudrière actuellement la plus dangereuse avec l’influence quasi totale du Hezbollah et comme depuis longtemps, de la Syrie…

Quant à Gaza il est vrai que des groupes salafistes extrémistes tentent d’y installer un « émirat islamique » et qu’ils se heurtent au Hamas dont la bourgeoisie bénéficie d’un changement économique considérable avec la bénédiction d’Israël. La mise en exergue de ce dernier point peut faire oublier à ceux qui ne suivent pas de trop près les événements dans cette région ou qui ont la mémoire courte, que l’opération « Plomb durci » a fait des dégâts humains et matériels considérables dont les traces, malgré les centres commerciaux modernes construits avec des matériaux israéliens, sont encore bien visibles et que la grande majorité de la population de Gaza ne peut pas profiter de ce renouveau économique.

C’est sur ce point que je rejoins Stéphane Hessel quand il condamne la politique de l’Etat d’Israël concernant Gaza et les Palestiniens. Hessel, qui s’est rendu quatre fois à Gaza entre 2008 et 2009, a été frappé par la misère que le blocus continue d’imposer au petit peuple de cette enclave plutôt que par la construction récente de super centres
commerciaux, où la bourgeoisie du Hamas vient s’approvisionner. Ayant un père juif, il proteste, par ailleurs, contre l’accusation qu’on lui fait parfois d’être hostile au peuple israélien. C’est pourquoi, même si certains blogs montrent le vieil homme affublé d’un bonnet phrygien, se prêtant ainsi à plusieurs reprises, à Paris, mardi 18 janvier, à une pitrerie regrettable, devant des militants pro-palestiniens, je préfère mettre en exergue mon admiration pour un homme de 93 ans dont la vie a été jalonnée d’épisodes beaucoup moins ridicules. Il ne faut quand même pas oublier qu’il fut en des temps plus sombres déporté, résistant évadé deux fois des camps et engagé, depuis Londres, dans la Seconde Guerre mondiale, épisodes au sujet desquels il se montre très discret, préférant, comme je viens de l’entendre dans l’interview que lui consacre Daniel Schneidermann dans son émission « Arrêt sur images » sur Internet, parler avec enthousiasme du programme du Conseil national de la Résistance et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, auxquels il a profondément adhéré à la Libération ou encore dire son admiration pour un homme politique comme Pierre Mendès France qu’il compare, à son grand avantage, à nos dirigeants actuels.

Bref, je suis, mon cher Usbek, comme aurait dit le « regretté Georges Marchais »
« globalement d’accord » avec vous sur le tiercé explosif du Moyen-Orient que je transformerais volontiers en un quarté en y adjoignant la Jordanie. Je ne crois pas, en revanche, que la pitrerie du bonnet phrygien suffise à discréditer Stéphane Hessel dont je souhaiterais, si Dieu me prête vie jusqu’à 93 ans, avoir alors sa lucidité d’esprit et sa clarté d’expression.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher Rica,
Je crois que, comme vous le dites vous-même, nous sommes en gros d'accord. J'ajouterai qu'avec la Syrie nous pourrions même avoir un quinté et monter ici une petite affaire de jeux puisque la chose devient une affaire de tout premier plan en France, comme on le voit dans la multiplication des spots de publicité pour les jeux dans nos médias. Un Calcio politique? Why not? On peut y adjoindre la course à la candidature du Ps et , au-delà, la présidentielle.
Pour Stéphane Hessel, c'est moins lui que je mets en cause (même s'il pouvait refuser ce ridicule!)que ceux qui l'ont affublé de ce bonnet ridicule dont j'ai peine à croire qu'il ait pu l'apporter lui même. Usbek

Expat a dit…

Je souhaiterais apporter quelques nuances aux propos de Rica.
Concernant Gaza, il est vrai qu'une partie de la population vit dans le dénuement. ce qui n'empêche pas effectivement de voir une autre partie de la population vivre dans l'opulence. Peut-on ou doit-on imputer cet état de fait au fameux blocus israélien qui n'empêche pas en tout cas, et au moins, l'aide alimentaire d'entrer à Gaza ? Ou peut-on se permettre une comparaison avec ce qui se passe dans d'autres pays arabes, mais pas seulement ? En fait est-ce que le blocus ne constituerait pas un alibi destiné à masquer des pratiques assez largement répandues dans la région et au-delà, et parfois de type mafieux ? Car c'est tout de même bien le Hamas qui contrôle l'aide internationale et en assure la répartition, comme pour toutes les autres ressources d'ailleurs. Donc imputer des inégalités de conditions au seul blocus me semble un peu facile.
Il faudrait d'ailleurs se rappeler les raisons de ce bouclage de Gaza et bien comprendre qu'il ne s'agit pas pour Israël de tracasser les habitants de Gaza, mais d'assurer sa sécurité. Et les résultats dans ce domaine, depuis le bouclage et depuis la construction du mur en Cisjordanie, ont été probants.

La judéité du père de Hessel (d'ailleurs le père de Hessel n'était pas juif, mais protestant, bien qu'issu d'une famille juive)ne suffit pas à le dédouaner de toute hostilité vis-à-vis d'Israël.
En tout cas, on le sent bien plus proche du Hamas dont il prétend qu'il veut la paix que d'Israël qui semble être pour lui un point de fixation. Car l'indignité de Hessel est pour le moins sélective et laisse de côté des atteintes aux droits de l'homme qui paraissent bien plus graves et dommageables que celles dont on accable les Palestiniens.
On peut avoir eu un passé digne de tous les éloges, il n'en reste pas moins que ce passé ne peut jamais justifier les actes et les paroles présentes. Sinon vivent Pétain et Darnand ! Et c'est pour cela qu'il faut cesser de regarder Hessel à travers un prisme destiné à occulter toute critique de sa personne. Parce que le personnage est aussi critiquable dans ses prises de position. Juste un exemple : Hessel qui voit dans le Hamas un mouvement qui veut la paix, malgré sa charte et ses actions passées et présentes, minimise naturellement les tirs de roquettes, fussent-elles artisanales, sur le sud d'Israël en déclarant qu'ils n’ont eu pour conséquences que d’obliger « quelques enfants à courir très vite dans les abris ».
Certains y verront peut-être de l'humour. Bof ! Imaginons juste que sorti de déportation on ait dit à Hessel que son séjour avait été bénéfique pour sa silhouette, je ne pense pas que ça aurait été pris comme tel. Pourtant c'est à peu près du même acabit.

Marc a dit…

Usbek, bonjour

J'ai le plaisir de constater que nos analyses convergent, tant sur l'Egypte que sur Gaza. Je serai un peu moins affirmatif que vous en disant que Moubarak a parfaitement joué le coup et sera tranquille jusqu'en septembre. Il reste à mesurer l'impact de l'influence de la RII sur les couches populaires et à valider si le Hamas intervient ou non en Egypte.
J'ai parlé sur mon blog d'alliance objective Egypte-Israël basée sur la lutte anti-fondamentaliste et terroriste et je réitère que le point d'achoppement entre le pouvoir égyptien (donc l'armée) et les manifestants réside dans le positionnement futur avec Israël.

Cordialement