Proclamés en décembre 2010 à titre provisoire, dans un tollé quasi général, puis annoncés, à diverses reprises et enfin, de façon solennellement définitivement définitives, pour le 2 février 2011, les résultats du premier tour de l'élection du 28 novembre en Haïti ne l’ont pas été au jour dit. Le retard n’a été que de quelques heures puisque finalement la Commission électorale provisoire, la CEP, a donné son classement des deux candidats retenus à l’aube du 3 février sans que je puisse être ici plus précis puisque le communiqué de la CEP a été connu, en France (6 heures de décalage horaire) vers 12 heures 15 le 3 février 2011.
Ces résultats sont, sans surprise, car ils confirment ce que préconisait le comité d'experts de l'Organisation des Etats américains (OEA) mais que contestait le président René Préval.
Comme je l'ai raconté dans un texte précédent, les pressions internationales et en particulier celles des États-Unis et de la France lors de la dernière réunion en République Dominicaine, ont fini par imposer au président haïtien le point de vue des experts de l’OEA. Qu'en est-il et comment en est-on arrivé là ? il est bien difficile de le savoir ; tout donne à penser que René Préval ne croyait plus guère aux chances de son candidat, Jude Célestin, et qu'il s'employait surtout, en fait, en accumulant les délais avant le deuxième tour, à ménager, par là même, son maintien intérimaire jusqu'au 14 mai 2011 (son mandat initial prenant fin, en effet, le 7 février). S'il a perdu sur un point (le maintien en deuxième position de Célestin), il semble avoir gagné sur l'autre, puisque les élections du deuxième tour n’étant prévues que pour le 20 mars 2011, tout donne à penser qu'avec les délais liés au dépouillement, il finira par rester en place jusqu'au 14 mai 2011.
Le plus curieux, dans toute cette affaire, est que, si l'on avait annoncé des résultats pour le 2 février, le 3 février au matin, quand ils ont été « publiés », on s'est aperçu alors qu'en fait, on a donné, non pas des résultats mais un simple palmarès, le classement des deux candidats admis à continuer (première Mirlande Manigat, second Michel Martelly).
Aucun résultat n'a été, à proprement parler, donné. J'entends, bien entendu, par « résultats », comme dans toute élection dans tout pays du monde, le nombre et le pourcentage de voix obtenus par chaque candidat. On s’attendait d’autant plus à de telles informations que les chiffres donnés d’abord avaient été l’objet de très vives contestations et que les recomptages et vérifications de tous ordres avaient pris des semaines et encore occupé la CEP, nous a-t-on dit, durant les dernières heures, dans la nuit du 2 au 3 février.
En dépit de nombreuses recherches dans toutes sortes de médias et en toutes sortes de lieux (en Haïti bien sûr mais aussi en France et au Québec), je n’ai pu trouver nulle part le nombre des voix qu'ont respectivement obtenu les deux candidats classés.
Ce détail peut paraître secondaire, puisque la question était avant tout de savoir qui était au deuxième tour derrière Mirlande Manigat. Néanmoins je ne connais pas d’exemple d’une telle pratique électorale et je ne saurais trop la recommander aux futurs dictateurs, dont on raille trop souvent les scores pharamineux et qui s’épargneraient les quolibets, en s’abstenant tout simplement de donner des chiffres et en se contentant de se proclamer élus.
Encore plus étonnant est le fait que, dans tous les écrits de presse que j'ai pu consulter et, comme je l’ai dit, ils sont fort nombreux, je n’ai lu aucune remarque sur un comportement si étranger. On nous avait, en effet, annoncé des résultats et non un simple classement, sans le moindre détail. Etonnante pour l’observateur, cette absence de vrais résultats est, en outre, fort incommode pour les deux candidats restant en lice, pour lesquels il serait tout de même important de savoir combien de voix ils ont obtenu et dans quelles régions ils ont attirés sur leur nom ces suffrages.
Frantz Duval, dans le Nouvelliste, ne fait pas mention expresse de cette curieuse absence de données chiffrées, mais il constate néanmoins (ce qui revient au même, mais comme disait l'autre "ce qui va sans dire va encore mieux en le disant") que les deux candidats sont dans un « trou noir » et ne savent ni où ni dans quelles proportions, ils doivent faire des efforts, ici ou là, au cours de la campagne électorale en vue du second tour du 20 mars 2011.
On doit donc s'interroger sur les raisons d’un si étrange silence. L'hypothèse la plus vraisemblable me semble qu'on ne souhaite pas mettre en évidence, de façon trop criante, à la fois la faiblesse de la participation retenue après contrôle (il y a eu, semble-t-il, des dizaines de milliers de votes annulés) et les fraudes qui, selon les experts, ont entaché le premier tour de l’élection présidentielle.
Cette hypothèse se trouve renforcee par le fait que les observateurs du premier tour en avait jugé normal le déroulement, alors que les experts de l’OEA ont eu, dans leur mission de contrôle ultérieure, des conclusions très différentes. Mettre l’accent sur ces aspects pourrait donc conduire à penser qu’on risque, à l’occasion de ce second tour, de voir se reproduire des pratiques du même genre.
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