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dimanche 20 février 2011

Zoroastre, Mahomet et Ali

Les émissions de Calvi, sur la Cinq à 17 heures 48 (je ne sais jamais si c’est « C plus clair » ou « C dans l’air » mais la chose est sans importance) sont souvent intéressantes dans une télévision qui ne donne plus guère que dans la Pernauterie style TF1 et s’apparente désormais aux magazines populaires d’antan, Détective ou Qui Police?, qui ne faisaient que dans le fait-divers, de préférence sanglant et éventuelllement salace. Ces émissions sont surtout intéressantes quand Calvi s'abstient d'y inviter Odon Vallet (hélas toujours libre et qui vient, la teinture encore toute fraiche, nous réciter des citations laborieusement apprises le matin même) ou les « journalistes » parisiens habitués des lieux, qui sont là pour promouvoir leur feuille de chou et/ou leur dernier livre ; leurs propos se réduisent, le plus souvent, à des conversations de bistrot germano-pratin, sans avoir le charme des brèves de comptoir. En revanche, certains des invités ont à dire des choses qui ne traînent pas partout, comme l’économiste Jean-Marie Daniel, Adler, Benjamin Stora ou Antoine Sfeir, tous hélas trop rares en ces lieux.

Il y a deux ou trois jours, A. Sfeir a eu deux interventions intéressantes.

La première, la moins riche sur le plan général mais la plus drôle sur le plan personnel pour le Libanais qu’il est, a concerné la Syrie. Il nous a confié, quoiqu’il lui en coûtât (de son propre aveu, a peine murmuré il est vrai) que Bachar El Hassad était populaire en Syrie, la population locale ne portant sa détestation que sur son entourage.

Seconde remarque d’une toute autre portée, à propos des événements qui agitent le Maghreb et le Machrek. A. Sfeir, le seul à le faire, a placé, dans une vue originale mais qui mérite sans doute des éclairages, tous ces événements dans le cadre d'un vieux conflit entre la Perse et le monde arabe, commencé il y a quatorze siècles. On a pu en trouver le symbole dans les récents échanges aigres-doux entre l'Iran et l'Égypte.

Certes poser le problème en ces termes constitue une hypothèse brillante et séduisante mais dont les fondements sont quand même un peu trop lointains pour être réellement pertinents. Je ne pense pas que ni un Ahmadinejad, dont les études sont un mystère et qui se passionne plus pour le football que pour Zoroastre, ni un Moubarak (ou le général qui ne tardera pas à lui succéder) n’aient la moindre idée sur de tels sujets.

Nous avons sans doute en occident, une vue un peu plus exacte et présente de la Perse, à travers les Achéménides, Darius, Xerxès puis Alexandre, que celle qu’on doit avoir dans les campagnes iraniennes d’où est issu notre Mahmood. Ce n’est qu’au VIIè siècle que la conquête musulmane fera de la Perse, devenue sous les Sassanides l’Iran, une terre d’islam. Cette terre reprendra le nom de Perse jusqu’en 1934 ou le Shah lui fera retrouver son nom vernaculaire d’Iran, seuls les étrangers ayant, en fait repris, le vieux nom de Perse hérité de la dénomination grecque.

Arabisé et islamisé, l’Iran gardera sa langue ( du groupe indo-iranien de la famille indo-européenne, sans aucun rapport avec l’arabe, même si une écriture du persan est apparentée à celle de l’arabe) et des élémnts de sa culture (en particulier à travers le zoroastrisme).

C'est là une idée, brillante mais fondée et qui mérite d'être exposée dans le contexte géo-stratégique actuel, même si je ne suis pas totalement convaincu pour ma part. En revanche, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je trouve que, dans toutes ces affaires, on a une tendance fâcheuse à sous-estimer le conflit entre Musulmans chiites et sunnites, qui est probablement la cause de la mort du plus grand nombre de Musulmans dans la dernière décennie, sans même prendre en compte dans cette affaire la guerre Iran-Irak qui avait, pour une part limitée, l'aspect d'un conflit de cette nature, même si 60% des Irakiens sont chiites (contre 90% des Iraniens).

Je suis très loin d'être un spécialiste de l'islam, mais j'ai toujours été frappé par la violence des conflits entre Chiites et Sunnites, surtout quand on songe à ce qui sépare réellement, sur le plan théologique, ces deux courants. Les Chiites considèrent qu’Ali, cousin et gendre du Prophète et le premier homme à accepter l'islam, est le successeur immédiat de Mahomet. Why not ?

Cette affaire me fait toujours penser à Gulliver et à la guerre entre Lilliput et Blefuscu, suite aux conflits entre les « Petit boutiens » et « Gros boutiens » qui se divisaient et s’affrontaient sur la façon d'entamer les oeufs à la coque, par le gros ou le petit bout ! Il est vrai, toutefois, que nos propres guerres de religion ne sont guère plus défendables, vues de l’extérieur, et que leurs conséquences ont été, à l’époque, tout aussi catastrophiques.

Force est de constater que si minoritaires que soient les Chiites dans l’ensemble des Musulmans du monde (ils ne sont pas sans doute plus de 15%), ils jouent un rôle qu’on aurait sans doute tort de négliger, au Moyen-Orient surtout, qu’ils le tiennent soit de l’extérieur (par les prises de position et les probables actions en sous-main de l’Iran, tant au Liban qu’à Gaza), soit de l’intérieur (à Bahrein où ils sont très majoritaires ou au Yemen ).

Un pays exemplaire à cet égard que je connaisse est l’Ile Maurice dont la population compte 20% de Musulmans. Ils vivent en bonne intelligence, même s’ils célèbrent de façon différente, l’achoura. Les Sunnites jeûnent, suivant ainsi l'exemple du Prophète. Pour les Chiites, très minoritaires, c’est un jour de deuil important qui marque la mort de l'imam Hussein, petit-fils de Mahomet, tué lors de la bataille de Kerbala en Irak (sa tombe s’y trouve). Tout au long de la journée qu’on nomme le « goun », les hommes marchent dans les rues en se frappant la poitrine et la tête ou même en se flagellant pour exprimer leur douleur au souvenir de la mort d’Hussein. La sagesse locale créole conseille de ne s’en point mêler. « Si to per tig, to pa get gun” (= si tu as peur du tigre, ne vas pas voir le Goon”).

Pour conclure sur ce point et dans l’attente des commentaires de plus savants que moi en la matière, je dois dire que je crains moins les affrontements de Zoroastre et de Mahomet que ceux qui, à propos d’Ali, peuvent survenir entre Chiites et Sunnites.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Petit détail, bien sûr sans importance (pour le moment du moins) Bahrein (je ne sais jamais où est le h) est le mouillage de la Cinquième Flotte américaine...

Anonyme a dit…

TRES CLAIR BRAVO!
olivier