Rassurez-vous je ne vais pas mettre ce post sous le signe de la célébration du dixième anniversaire de la mort de Charles Trenet ! C'est simplement, et que les visiteurs lointains de ce blog (de l’Australie au Brésil en passant par les Emirats et la Lettonie ! Ô puissance de Google !) me pardonnent, que je vais revenir à un problème tristement franco-français.
Adonc ce matin, mercredi 16 février 2011, dans un moment d'oisiveté et de repos, j'ai écouté sur RMC « les grandes gueules ». On devait y recevoir Bruno Gaccio que j'aime bien, mais qui se fait rare sur nos antennes. Je lui signale que mon logiciel Dragon, à qui je dicte désormais mes textes mais qui est peu informé du paysage audiovisuel français, a écrit ici à son propos « Bruno le tuyau », peut-être par une fine allusion à la suite, comme on va le voir ! Curieusement, comme je l’ai récemment appris, après avoir longtemps perdu sa trace –hormis une brève réapparition médiatique, dans le sillage, si j’ose dire, de Ségolène Royal –, Bruno Gaccio se serait récupéré, avec un très joli poste mais loin des écrans, à Canal Plus, d'où il était parti, avec perte et fracas, après avoir été espionné par cette chaîne.
Comme quoi il n'est pas de malheur irréparable et qu’il n’y a rien de tel qu’une bonne grosse brouille et un procès pour fonder une amitié...A moins toutefois qu’il ne soit revenu là grâce à quelque « tuyau » (d’où le surnom que lui donne mon Dragon) qui, dans la suite, lui aurait donné barre sur ses ex-patrons. Puisqu’il est désormais à Canal Plus, ne pourrait-il, dans une feinte maladresse, pousser Denisot dans les escaliers pour le remplacer ensuite au Grand Journal où, à force de jeunisme et de minorités visibles ( des blacks aux beurs, y compris la miss meteo québécoise à bouche en cul de poule et à facéties laborieuses), on s’ennuie à mourir. Allez Bruno, un bon mouvement... pour une fois !
En fait je n’ai pas pu écouter Gaccio car il arrivait trop tard et j'avais déjà perdu patience.
J’ai, en effet, entendu, pendant un gros quart d'heure, le plus singulier ramassis de sottises, suite à la réexpédition au ministère de l'éducation nationale (110 rue de Grenelle, 75007), par les chevaliers pédagos concernés, de 47 arrêtés de nomination dans l'ordre des palmes académiques, en signe de protestation contre la politique de « prime à la casse » de Luc Chatel.
Pour les nobles étrangers qui pourraient me lire sous d’autres cieux, ainsi que pour les visiteurs qui ne seraient pas au fait des pratiques de notre belle éducation nationale, il faut préciser ici que les palmes académiques sont une décoration qu'il est d’usage de donner à peu près à tous les enseignants blanchis sous le harnais, à condition toutefois que, dans la pratique de l'enseignement, ils ne se soient pas livrés à des pratiques par trop condamnables, du style de l'exhibitionnisme ou de la pédophilie. En revanche, si vous vous êtes abstenu d’écarts pédagogiques de ce genre, vous avez des chances raisonnables, au bout de 25 ans ou 30 de carrière, d'être décoré, à votre tour, de ces palmes académiques (ce ne sont pas celles des canards mais celles, plus nobles, des palmiers).
En résumé, le fait d'avoir reçu ce hochet ne signale pas des mérites notables. On devait interviewer, dans l’émission de RMC en cause, un proviseur « honoraire » (ce qui équivaut à « en retraite » dans les autres professions) qui était l'un des initiateurs de cette démarche revendicative qu’on avait sans doute jugée originale. Les jeunes vendeurs de légumes de Tunis ou du Caire s’immolent par le feu en signe de protestation ; les proviseurs « honoraires », eux, se bornent à renvoyer au ministère leurs palmes académiques. C'est tout de même moins désagréable, même si cela devrait les conduire, en bonne logique, à sacrifier ce cher ruban, violet me semble-t-il, qui orne leur veston et même, pour certains, leur pyjama.
On a tout de même fini par entendre ce brave homme qui n'avait pas grand-chose à dire d'ailleurs, mais il nous avait fallu subir auparavant, en l’attendant, des échanges, tous plus ineptes les uns que les autres, à propos de notre école française, dont on connaît les résultats très médiocres dans les classements internationaux, en dépit du fait que les moyens dont elle dispose la placent plutôt dans le peloton de tête pour les investissements éducatifs.
Personnellement, j'ai, pour cette situation dont j’ai déjà parlé, des explications dans le détail desquelles je n'entrerai pas parce que cela nous conduirait trop loin. Parmi les sottises que j’ai pu entendre ce matin, je ne signalerai que les plus grosses.
Ainsi, a-t-on cité, comme le plus apprécié des récents ministres de l'éducation nationale, Jack Lang, ce qui relève de la plaisanterie ; on a évoqué aussi le cas de Claude Allègre qui avait eu la fameuse formule du dégraissage du mammouth. Je préfère ne pas parler ici de Lang, dans un accès de charité dont je suis peu coutumier, mais surtout dans la mesure où il s’est désormais reconverti dans la piraterie, ce qui a, au moins, le mérite de la clarté.
Quant à Claude Allègre, je pense que c'est à peu près effectivement le seul vrai ministre que nous ayons eu, mais ses ambitions étaient sans doute excessives, à vouloir s’attaquer à la fois au SNES et au CNRS ! Son cher ami Jospin l'a renvoyé (encore un ami de trente ans), moins par crainte des syndicats comme on l’a dit ce matin (même si effectivement ce ministre a essayé de les mettre un peu au pas), mais pour satisfaire aux exigences de Lang et de Fabius qui exigeaient la tête d’Allègre pour revenir au gouvernement, retour rendu indispensable au sein du PS en vue des échéances électorales. Cette trahison d'une vieille amitié, au profit de deux hommes qu’il n’estimait guère, n'est sans doute pas l'un des titres de gloire majeurs de Lionel Jospin.
On nous a ressorti aussi la vieille chanson de la solution de tous les problèmes de l'école par la décentralisation. J'en ai déjà parlé il y a peu dans ce blog (à propos des primes aux responsables d'établissements) et je n'y reviens donc pas. Sans être un jacobin farouche et en étant très conscient de la pesanteur de la centralisation du système français de l'éducation nationale, je me demande si je ne préfère pas encore l’autorité lointaine de la rue de Grenelle à celle, plus proche, plus constante et plus pressante des petits chefs (scolaires ou universitaires) qu'une décentralisation plus avancée ne manquerait pas de susciter ou de renforcer. On l'a vu dans d'autres domaines et, au fond, les fonctionnaires de la direction de l'équipement nommés de Paris, à l'époque où ils régnaient sur les permis de construire entre autres choses, avaient moins tendance à monnayer leurs autorisations que ne l’ont fait ensuite, dans le cadre décentralisé, les élus locaux.
Le vrai problème de l'éducation nationale, pour ne pas dire le seul, est l'incapacité au changement et le conservatisme forcené du corps enseignant. Sur ce point, je propose un principe tout simple : toute corporation est corporatiste par définition, mais la corporation des enseignants l’est en quelque sorte doublement, car tout individu a tendance à souhaiter voir reproduit le modèle éducatif dans lequel il a été lui-même formé. Les enseignants, par ce simple petit raisonnement arithmétique, sont donc corporatistes, non pas au double, mais « au carré ».
Les choses sont d'autant plus fâcheuses que, sur un plan plus général, chacun s'accorde à reconnaître les difficultés majeures que les Français ont avec toute réforme. Pour être plus précis, chacun est pour les réformes, à condition toutefois qu'elles ne s'appliquent qu’aux autres et non à lui-même À partir de là vous voyez ce que peut être la situation d’un ministre de l'éducation nationale en France.
Pour vous donner un exemple simple de l'application de cette règle : il suffit de regarder depuis des décennies, pour ne pas dire plus, les réformes qu'on a tenté de mettre en place à propos des horaires et des programmes scolaires. Tous les enseignants reconnaissent qu’ils sont trop chargés, mais, le moment venu de trancher dans le vif, aucune spécialité disciplinaire ne veut voir réduit son programme, alors que chacune est très favorable à la réduction des programmes des autres. C'est pourquoi, dans les faits, la plupart des prétendues tentatives de réductions dans les programmes, soit ne concernent que des disciplines qui ne sont pas en mesure de se défendre face aux autres, soit conduisent parfois plus à modifier voire à alourdir les programmes qu'à les réduire.
Je suis déjà bien long mais il y a tant à dire sur ce sujet !
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