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samedi 10 novembre 2012

Formation audiovisuelle à la fraude sociale (2).


Je précise que la fraude sociale, dans la plupart de ces aspects, est pour moi une découverte récente et que son immensité l'est plus encore. Faute de place je me bornerai donc à la noter dans quatre catégories professionnelles du domaine médical qui l'illustrent de façon particulièrement nette, sans aborder la question du travail au noir qui est sans doute très importante mais dont je ne connais pas grand-chose.

1. Les médecins et les congés de maladie.

N'ayant été en congé de maladie (hépatite virale) qu'une seule fois durant toute ma vie professionnelle, je ne parlerai pas ici d'expérience. Je ferai néanmoins appel à un souvenir précis qui se situe dans une salle de gymnastique marseillaise où je venais quotidiennement prendre quelque exercice. Je voisinais un jour, dans cette salle, avec un vigoureux jeune homme qui poussait allègrement une barre moyenne (70 ou 80 kg) au développé couché. Un de ses amis, passant à proximité, s'étonna de le voir là à une heure où il aurait dû être au travail et s'entendit répondre, avec un accent marseillais que je ne peux malheureusement pas reproduire ici  « Té! Je suis en maladie ! » (ce qui, en marseillais, signifie "en congé de maladie"). Signalons au passage, qu'au plan statistique national, la durée des congés de maladie dans le Sud est deux fois supérieure à ce qu'elle est dans le Nord. On peut donc penser que les médecins du coin y sont pour quelque chose.

Dans le film auquel je faisais allusion hier, le premier médecin sollicité, en caméra cachée, pour établir un certificat de complaisance, avait refusé de le faire mais le second s'était exécuté sans la moindre réticence. Certains, paraît-il, en font même, sinon leur fonds de commerce, du moins une spécialité non officielle donc sans incidence sur leurs honoraires.

2. Les opticiens.

J'ai appris, également par la voix audiovisuelle (vous voyez qu'on s'instruit!), qu'il y avait une fraude très active et très organisée dans le domaine de l'optique, ce que j'ignorais totalement. Moyennant un petit jeu d'écritures sur une ordonnance pour des lunettes de vue, on peut se faire payer des lunettes de soleil de très bonne qualité, si l'on dispose d'une mutuelle qui en permet le remboursement. Il y a naturellement une limite qui est, semble-t-il, de l'ordre de 200 à 250 €, ce qui n'est pas si mal, si l'on songe que, le printemps venant, quelques millions de paires de lunettes de soleil  peuvent être ainsi facturées aux mutuelles ou à la sécurité sociale par cette méthode. De toute façon ne l'oublions pas, que l'on gruge la sécurité sociale ou les mutuelles, c'est nous qui payons par nos cotisations et/ou nos impôts. A ce propos avez-vous noté, depuis quelques années, ce tsunami fou de la publicité audio-visuelle pour les Mutuelles qui doit leur coûter la peau des fesses si j'ose dire!

3. Transports médicalisés

J'étais en revanche bien informé de la fraude aux transports médicaux qui, dit-on, coûteraient plus cher que les médicaments eux-mêmes et dépasseraient les 2 milliards d'euros par an.

Il faut dire que dans ces cas, comme dans les autres, l'organisation même de la sécurité sociale est largement en cause. J'avais un ami, hélas mort aujourd'hui, qui, après une greffe du poumon, devait faire le trajet entre Aix-en-Provence, où il habitait, et Lyon, où il avait été opéré et avait des soins. On lui refusait systématiquement de s'y faire conduire en voiture, moyennant un remboursement des frais d'essence et de péage. La sécurité sociale exigeait qu'il s'y rendît en ambulance, pour un coût évidemment au moins dix fois ou vingt supérieur.

Dans ce domaine, la fraude est véritablement protéiforme. Les fraudeurs peuvent jongler sur le personnel (une ou deux personnes dans l'ambulance, le second ambulancier étant souvent, comme dans le film qu'on nous a présenté, un stagiaire, en gros, totalement incompétent  mais gratuit), sur le kilométrage (dans l'exemple cité par le film, on facturait 74 km pour un déplacement de 40) et surtout, dans les véhicules VSN, la fraude la plus courante, le transport de trois personnes au lieu d'une, en facturant naturellement trois fois le transport à la Sécu.

N'allez pas vous étonner que ce secteur soit fort apprécié ; je connais le cas d'un patron qui, pour ne pas trop attirer l'attention sur les activités débordantes de sa société, en a créé trois autres avec lesquelles il opère sur la même région.

4. Les infirmiers libéraux

Toutefois, le cas qui a attiré mon attention en premier est celui des infirmiers libéraux. Je me suis amusé récemment à faire passer à un médecin cardiologue (dont le tarif de consultation est de 50 € je crois) la copie de la rémunération d'un infirmier libéral qui, pour deux visites quotidiennes à domicile (l'une à sept heures du matin l'autre à sept heures du soir) et à raison de cinq à six minutes pour chacune d'entre elles, encaissait de la sécurité sociale ou plus exactement de la MGEN (puisque c'est elle dont il s'agit ici) plus de 80 €! Ne vous fatiguez pas donc à devenir médecin (gare au concours et au numerus clausus) et soyez donc infirmier libéral.

Le pire est que, à la réception des premiers documents de la MGEN, j'ai constaté que cet infirmier, pour une période de trois mois, se voyait consacré 107 pages de documents de "relevés de prestations" à lui tout seul. Curieux d'en voir le détail, j'ai alors découvert que ses deux visites quotidiennes (le tout pour une douzaine de minutes) étaient facturé CINQ fois de suite, aux mêmes dates, ce qui fait que, pour une seule journée, il était censé encaisser non pas 80 €, comme je le croyais naïvement, mais 400 € (cinq fois 80 €)! J'ai naturellement cru à une erreur de la MGEN à qui j'ai téléphoné, sans susciter d'ailleurs là-bas le moindre intérêt. Croyant toujours à une erreur, j'ai demandé la vérification des faits sur l'ordinateur  et ils se sont révélés exacts. Sa petite activité n'a pas semblé s'interrompre, alors que, pourtant, sur chacune de ses interventions, fourmillaient les irrégularités par rapport au règlement de la sécurité sociale, du style "tarif de nuit" pour des visites qui n'ont jamais eu lieu après 20 heures (ce qui est la règle), cumul interdit entre tarif de nuit et dimanche, ou mieux encore, multiplication des frais de déplacement pour chacun des actes accomplis lors d'une visite. Avec ces méthodes, on arrive vite à 400 ou 450 euros par JOUR pour DEUX VISITES à un SEUL malade mais qui font l'objet de cinq facturations différentes.

J'ai compris deux mois plus tard (car quelqu'un m'a expliqué la combine) que la quintuple facturation s'expliquait par le fait que chacun des actes accomplis (pansement, prise de tension, prise de température, glycémie, etc.) était facturé séparément (donc s'il y avait cinq actes - ce que nul ne vérifier - cinq fois de suite), ce mode de présentation n'empêchant pas que, pour chaque visite, la facturation des mêmes actes réapparaisse et qu'UN déplacement UNIQUE arrive ainsi à être facturé DIX fois.

Je me suis expliqué alors le grand train mené par les infirmiers libéraux auxquels j'avais affaire et qui, en outre, ne travaillent qu'à mi-temps, sans doute pour éviter d'étaler des revenus trop importants et, par là, de payer trop d'impôts car ce point est sans doute le seul où ils ne peuvent pas frauder.

Et la Sécu dans tout cela ?

 Il est clair que, dans ce cas comme dans les précédents, le système de la sécurité sociale est complice sinon même générateur de tels abus.

Pour garder le cas des infirmiers libéraux, ils disposent désormais d'un boîtier sur lequel, sans le moindre contrôle de qui que ce soit, ni du malade ni de son entourage, ils inscrivent, en introduisant la carte vitale du malade, les dates, le nombre et la nature de leurs interventions. Ils peuvent donc y mettre n'importe quoi, alors qu'il serait si simple de demander, au moins, que le malade ou quelqu'un de sa famille certifie le nombre, la nature et l'authenticité des actes ainsi facturés.

La fraude sociale est certes gigantesque mais c'est, pour une bonne part, le système qui la génère et l'encourage ; il semble que la politique actuelle sera de mettre en place de nouveaux personnels de contrôle (une Agence nouvelle, en plus des 1424 dont dispose déjà la France) pour contrôler un système incontrôlable par définition et peut-être par choix. Ce n'est pas grave, car il suffira alors de créer une Agence de contrôle de la précédente Agence de contrôle et évidemment, dans la suite, on devra mettre en place une Agence de contrôle de l'Agence de contrôle de l'Agence de contrôle (Je vous épargne la suite ...). Comme disaient nos ancêtres latins "Quis custodiem custodiet ? (Qui gardera le gardien ?).

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