Le long et minutieux rapport de la Cour des Comptes sur le fonctionnement de l'Institut d'études politiques de Paris (communément dit "Sciences-po"), dont Le Monde s'est procuré le texte et a publié des extraits (8 octobre 2012) aussitôt repris dans toute la presse, ne sera rendu public que le 22 novembre 2012.
Le plus étonnant est ailleurs! Le bruit court en effet que ce rapport, qui, comme tous les rapports de cette Cour, n'engendre, par lui-même, aucune sanction risque d'avoir une suite, assez exceptionnelle, puisque la chose n'est arrivée, à ma connaissance, que deux fois dans l'histoire universitaire française. La Cour des Comptes en effet n'a pas le pouvoir de contraindre et moins encore d'infliger des sanctions, mais, en revanche, elle peut transmettre un dossier à la Cour de discipline budgétaire qui, elle, possède de tels pouvoirs. C'est surtout pour cette raison que la procédure de désignation du successeur de Monsieur Richard Descoings, qui a pourtant été engagés puisque Monsieur Hervé Crès a été désigné, sera gelée par l'Etat en attendant la publication de ce rapport et les suites éventuelles qu'il pourrait avoir.
La presse française, dans les dernières années, a souvent présentée Richard Descoings comme un brillantissime élément du système universitaire français, ce que l'examen de sa carrière, sur les bases d'éléments connus de tous et publiés, n'a rien d'exceptionnel. Il quitte la classe de préparation à l'École normale supérieure après une simple année d' hypokhâgne (ce qui, en clair, signifie qu'au terme de cette première année préparatoire, on l'a envoyé se faire pendre ailleurs, sans l'admettre en khâgne), il entre alors à Science po pour préparer l'ENA où il n'entrera qu'à sa troisième tentative. Tout cela ne constitue donc pas une carrière exceptionnelle, loin de là, mais passons, car la question du jour est ailleurs.
L'affaire de Sciences-po a commencé, avant la publication par le Monde des extraits du futur rapport, avec la révélation par Médiapart des énormes primes que s'octroyaient les responsables de Sciences-po ; l'examen par la Cour des Comptes des bulletins de paye entre 2005 et 2011 a confirmé ce point et fait apparaître que la rémunération annuelle brute de Monsieur Richard Descoings a augmenté de 60,4 % entre 2005 et 2011 et a culminé à 537 246,75 euros en 2010.
Le Monde ajoute, sur ce point, que "la rémunération annuelle brute du président d'un autre grand établissement universitaire était en 2011 de 160 095,61 €".Ce dernier point est très contestable ; le chiffre avancé pour la rémunération d'UN président d'université est totalement inexact, en dépit de son apparente précision ; il s'agit en rien d'une moyenne mais d'un maximum rarissime, dans le cas où ce président d'université serait, par ailleurs, un professeur de médecine qui serait, en même temps, médecin hospitalier, ce qui conduit, de façon d'ailleurs scandaleuse, à doubler presque son salaire.
En réalité, un professeur d'université de première classe NORMAL, au dernier échelon de la classe exceptionnelle, a une rémunération nette qui atteint à peine les
72 000 € par an (les primes d'encadrement doctoral et de recherche et d'administration n'étant évidemment pas incluses).
Je reviendrai d'ailleurs sur la réforme des primes des présidents d'université qui constitue un pur scandale dans la mesure où elle vise surtout, comme on a pu lire, à la "vassalisation" (le terme paraît d'ailleurs infiniment trop noble!) de ces présidents à un ministère qui est, désormais, totalement maître de la variation des primes qu'ils perçoivent.
Le Monde ajoute, sur ce point, que "la rémunération annuelle brute du président d'un autre grand établissement universitaire était en 2011 de 160 095,61 €".Ce dernier point est très contestable ; le chiffre avancé pour la rémunération d'UN président d'université est totalement inexact, en dépit de son apparente précision ; il s'agit en rien d'une moyenne mais d'un maximum rarissime, dans le cas où ce président d'université serait, par ailleurs, un professeur de médecine qui serait, en même temps, médecin hospitalier, ce qui conduit, de façon d'ailleurs scandaleuse, à doubler presque son salaire.
En réalité, un professeur d'université de première classe NORMAL, au dernier échelon de la classe exceptionnelle, a une rémunération nette qui atteint à peine les
72 000 € par an (les primes d'encadrement doctoral et de recherche et d'administration n'étant évidemment pas incluses).
Je reviendrai d'ailleurs sur la réforme des primes des présidents d'université qui constitue un pur scandale dans la mesure où elle vise surtout, comme on a pu lire, à la "vassalisation" (le terme paraît d'ailleurs infiniment trop noble!) de ces présidents à un ministère qui est, désormais, totalement maître de la variation des primes qu'ils perçoivent.
Bien entendu comme on l'imagine, Richard Descoings n'a pu jongler ainsi avec les primes et les rémunérations qu'en se gagnant la complicité d'un certain nombre de responsables des instances de Sciences po. Une lecture attentive des données fournies par Maryline Baumard et Benoit Floc'h (Le Monde, 8/10/12) est instructive sur la méthode et les stratégies du directeur.
On constate en effet que sa rémunération totale passe d'un total 315.311 euros den 2005 (dont 170.470 de salaires, le reste étant en primes diverses et multiples) à 505.806 euros en 2011 (dont 263.354 euros en salaire et le reste en PRIMES). Observons donc au passage que si la rémunération totale n'augmente QUE de 60%, le salaire, lui croît de près de 80%!
Ces pourcentages sont évidemment énormes, mais, en fait dérisoires, car pour le personnel de Sciences Po Paris l'augmentation est de 181 % et pour les dirigeants de 158% ! On est partagé entre la générosité de Monsieur Richard Descoings envers ses collaborateurs et son désintéressement personnel ! Toutefois n'est-ce pas le prix à payer (pas par lui d'ailleurs, mais par nous !) pour s'assurer un silence aussi complice que définitif !
L'étrange statut de l'Institut d'études politiques de Paris est un élément d'explication majeur. Y coexistent en effet le statut d'un établissement de droit public sans budget propre et celui d'une institution de statut mal défini, mais de droit privé, la Fondation nationale des sciences politiques. Tout cela est à l'origine, tant de ces dysfonctionnements et de tels abus que de cette gabegie, ce que souligne la Cour des Comptes. Sciences-po mène, en effet, grand train comme on vient de le voir, en dépit de résultats d'exploitation négatifs en 2005, 2006 et 2008 !
Le rapport souligne également le coût exorbitant des étudiants de Sciences-po dont le coût moyen est supérieur de plus de 3000 € à celui d'universités où sont dispensés pourtant des enseignements du même ordre, comme Paris Dauphine ; il en résulte des coûts plus élevés à la fois pour l'État, qui contribue à ces dépenses (300 euros de plus qu'ailleurs!) et surtout pour les étudiants eux-mêmes, à qui on demandait en 2010, 400 € de plus à Dauphine mais plus de 3000 euros de supplément à Sciences-po !
Quant à "l'ouverture sociale" qui était le fonds de commerce et le thème majeur de communication de Monsieur Richard Descoings, le pourcentage de "boursiers" avancé ( 30 % du total d'étudiants annoncé pour 2012) est très loin d'être atteint et par ailleurs le niveau social moyen des parents des étudiants admis s'est plutôt élevé puisque les parents cadres ou exerçant une profession intellectuelle supérieure ont vu leur pourcentage augmenter de 5%, passant de 58 à 63 %.
Monsieur Richard Descoings et Sciences-po ont en revanche bénéficié, à grand renfort de communication et de publicité, des faveurs insignes du précédent gouvernement ; la subvention du ministère de l'enseignement supérieur a augmenté du tiers en cinq ans passant de 47,7 millions d'euros en 2005 à 63 millions en 2010 « en l'absence de tout contrôle exercé par l'État ». Quelle université peut en dire autant ?
Il y aurait encore beaucoup à dire en particulier aussi sur le corps enseignant de Sciences po, mais, comme disait Kipling, "Ceci est une autre histoire".
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