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samedi 3 novembre 2012

Sandy : Haïti et les États-Unis.


Laissons pour un moment les affaires universitaires françaises ; nous y reviendrons et il est, hélas, peu probable que l'évolution prochaine des choses conduise à une intervention urgente dans ce domaine.

Il se trouve que, par la conjonction d'intérêts personnels et professionnels, je suis d'assez près les affaires de la zone américano-caraïbe. J'ai donc suivi la trajectoire du cyclone Sandy, sans avoir, au départ, rédigé le post que je méditais sur le changement d'appellation des dépressions tropicales qui génèrent les cyclones. Depuis toujours en effet, j'avais vu les cyclones désignés par des prénoms féminins, allant, pour chaque année nouvelle, de A à Z, en parcourant toutes les lettres de l'alphabet pour donner à chacun un prénom avec l'initiale correspondante, de Abigaïl ou Anna à Zoé ou Zulma. Une réforme majeure est intervenue récemment, sous la pression (me dit-on, mais j'ai tout de même peine à le croire) des associations féministes qui, au nom de la parité, voulaient que la moitié des cyclones reçoive un prénom masculin au lieu de se voir désigner tous, comme auparavant, de façon exclusive, par des prénoms féminins. Le détail est sans importance ici et je m'y attarde pas davantage.

Dans sa course, le dernier cyclone apparu dans la zone, Sandy, est passé, comme ils le font la plupart du temps, au-dessus de la zone caraïbe avant d'atteindre les États-Unis, beaucoup plus au Nord que d'habitude toutefois, puisque c'est souvent la Floride qui est la première terre atteinte aux Etats-Unis.

Sandy a relativement épargné Haïti, où il y a tout de même eu près de 70 morts  (c'est-à-dire bien plus qu'à New York même) et de nombreuses dégradations d'habitats, compte tenu du fait que, depuis le séisme du 12 janvier 2010, un très grand nombre de gens vivent toujours dans des conditions extrêmement précaires, la reconstruction n'ayant touché qu'un nombre très réduit d'habitations.

La situation en Haïti est, en outre, extrêmement critique au point qu'on vient d'ailleurs d'y décréter l'état d'urgence. Non seulement, Haïti avait déjà été frappée, dans l'état de précarité où elle se trouve, par un précédent cyclone, mais elle subit, depuis des mois, une longue période de sécheresse très forte qui a réduit de 70 % la production agricole et expose le pays au risque imminent d'une très grave famine.

Il y a donc eu quelque chose de pittoresque à voir le principal journal haïtien, Le Nouvelliste, (qu'on peut lire chaque jour sur internet) s'apitoyer sur le sort des malheureux habitants de la côte Est des États-Unis, alors que celui des Haïtiens me paraît infiniment plus lamentable. La rédaction du journal et peut-être ses lecteurs ont d'ailleurs, semble-t-il, compris ce que de telles considérations, si généreuses qu'elles soient, avaient de pittoresque, pour ne pas dire de paradoxal, en Haïti où la situation est bien pire. On note, en tout cas, un abandon rapide dans le journal des considérations de cette nature.

J'ai d'ailleurs le sentiment que, dans toute cette affaire, la presse française (qui n'a guère parlé d'Haïti!), en mal d'information ou pour nous parler d'autre chose que des hausses d'impôts et de la crise économique, a donné aux événements climatiques survenus aux États-Unis une importance peut-être excessive.

Le fait principal a été que, selon les termes exacts d'un reporter de France-Info :
« Wall Street n'a pas ouverte [sic] le jour du passage de Sandy ». On se demande vraiment, une fois de plus, où la presse française va chercher ses employés, car une telle faute de français paraît presque invraisemblable de la part d'un francophone natif et, semble-t-il, ce journaliste en était un.

Le passage de Sandy aux Etats-Unis et la campagne électorale américaine m'ont conduit à faire deux petites réflexions, tout à fait anodines, dans des genres et des domaines tout à fait différents, mais qui peuvent peut-être expliquer des faits que nos journalistes se gardent bien de souligner, soit qu'ils leur paraissent sans intérêt, soit, plus probablement, parce qu'ils les ignorent.

La première observation est en relation directe avec le cyclone Sandy. L'extrême fragilité de l'habitat américain moyen m'a toujours étonné, depuis la première fois où j'ai mis les pieds aux États-Unis. On a pu voir, lors du passage de Sandy à New York, que tout un quartier de la ville a flambé sans qu'il en reste rien, ce qui peut étonner qui ne connaît pas la réalité de l'habitat américain, mais apparaît normal quand on sait que la majorité des maisons américaines sont, non seulement en bois mais d'une évidente fragilité, ce qui les rend extrêmement vulnérables aussi bien aux incendies qu'aux événements climatiques du genre des tornades qui sont là-bas infiniment plus fréquentes que les cyclones. Beaucoup de maisons américaines même si elles sont fort coquettes voire luxueuses, donnent une grande impression de fragilité et cela d'autant que, surtout dans le Sud, les vérandas et les avancées les rendent encore plus sensibles et vulnérables au vent. Il est clair aussi que ce type de construction légère, souvent sans murs non végétaux (pierre, béton ou autres matériaux et sans volets en outre), les rend forts peu économes en matière d'énergie, ce qui pendant longtemps n'a guère eu d'importance vu le prix dérisoire du pétrole qui servait à en assurer le chauffage.

On a annoncé pour Sandy des vents de 100 à 120 km à l'heure, ce qui pour, de vrais cyclones tropicaux, frôle quasiment le ridicule puisque, dans ces contextes réels, les vents peuvent atteindre voire parfois dépasser les 200 km à l'heure. Dans de telles conditions de vent, des maisons à l'américaine se retrouveraient dans la ville voisine !

La seconde remarque (on passe du coq à l'âne sans allusion aux Républicains!) touche à la politique américaine. On a souvent tendance à imaginer les États-Unis à partir de quelques grandes villes que connaissent les touristes (New York, Los Angeles et Chicago). Ce n'est évidemment pas là que se situe l'immense majorité de la vie quotidienne américaine. Non seulement les États-Unis sont un vrai État fédéral (ce que nous sommes totalement incapables d'imaginer, nous-autres Français, car nos départements et nos régions n'ont aucune vie autre qu'administrative), mais la vie locale y est extrêmement importante, en particulier sur le plan des médias audiovisuels.

J'ai le sentiment (mais j'aimerais l'avis de spécialistes de la question) que la vie politique américaine est beaucoup plus régionale, voire locale, que ne l'est la vie française qui est quasi totalement centralisée (comme tout le reste d'ailleurs) sur Paris. Je n'en donnerai qu'un seul exemple qui tient aux médias et à la publicité. Toutes les petites villes américaines me semblent avoir leur station de radio et/ou de télévision que les populations locales écoutent et regardent beaucoup ; je pense en particulier ici, pour la radio, aux postes des voitures qui sont sans cesse branchés sur la station de l'endroit.

Un trait hautement significatif me paraît tenir à la publicité. En France que vous ouvriez la radio ou la télévision, sur quelque chaîne que ce soit, vous êtes immédiatement inondé de messages "nationaux" sont les mêmes partout, ce qui les rend d'ailleurs insupportables car on nous en bassine toute la journée dans tous les médias, y compris locaux. Aux États-Unis, au contraire, il me semble que la publicité est beaucoup plus, pour ne pas dire quasi uniquement, régionale et que les messages nationaux y sont plutôt peu nombreux. En revanche, vous voyez, même à la télévision, la binette du marchand de voitures du coin qui vient, en personne à l'écran, vous vanter ses véhicules ; vous avez la publicité faite en personne aussi par le marchand de meubles du pays où le patron de la grande surface locale, avec leur brioche et dans leurs tenues de tous les jours.

Je pense qu'on devrait prendre en compte de tels facteurs, importants aussi bien dans l'analyse de l'information sur les cyclones que dans les prévisions ou les pronostics quant au résultat de l'élection présidentielle américaine.

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