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samedi 24 novembre 2012

Vote blanc pour les nuls !


Le jeudi 22 novembre 2012 sera à marquer d'une pierre blanche dans la glorieuse histoire parlementaire de la Ve République. En effet, dans son assemblée nationale où la gauche et la droite se disputent férocement et s'injurient souvent au point de devoir quitter les séances avant d'en venir aux mains, on a procédé, en ce jour mémorable, à un vote UNANIME.

Cette journée est même doublement mémorable comme va le voir, d'abord par cette stupéfiante et rarissime unanimité et ensuite par l'anniversaire qu'il marque pour une décision dont le seul précédent, dans notre histoire, doit être recherché il y a plus de 214 ans. Je m'expliquerai le moment venu.

Un amendement visait, en effet, à faire reconnaître le vote blanc dans tous les scrutins de notre belle république française qui, à la différence de la plupart des autres démocraties, jette les blancs et les nuls dans la poubelle des suffrages non exprimés, ce qui est pour le moins étrange !
 
Belle contradiction d'ailleurs ; laissons de côté les bulletins nuls car ils forment une catégorie très hétéroclite (les causes de nullité sont diverses) mais parfois électoralement bien utile. Je me souviens de l'époque où, dans certains départements d'outre-mer comme en particulier la Réunion, certains scrutateurs, lors des dépouillements, avaient, dans la poche, une pomme de terre épluchée. Ils y posaient discrètement le pouce avant d'examiner un bulletin du parti adverse, de façon à y imprimer une marque qui rendait aussitôt le bulletin nul. L'UMP est-elle au courant de cette pratique si commode dans les votes serrés ? Toujours les bons conseils gratuits d'Usbek Consulting &;Co.
 
Considérer les votes blancs comme des suffrages non exprimés est tout de même un paradoxe politique extraordinaire ; on assimile par là celui ou celle qui, sans vouloir choisir, pour diverses raisons qui sont les siennes, a pris la peine de venir au bureau de vote et de mettre dans l'urne un bulletin blanc, à celle ou celui qui est resté chez lui à regarder la télé ou qui est allé à la pêche ou choisit de jouer aux boules. Il est difficile de trouver plus hypocrite en la matière.

Notre assemblée, unanime en ce jour solennel, a donc pris une décision qui fera date dans l'histoire de notre démocratie, puisque les bulletins blancs seront désormais des suffrages exprimés.

Mais non mes pauvres et chers amis! Vous n'y êtes pas !

Ils seront SEULEMENT décomptés séparément des nuls au moment du dépouillement et la présentation des résultats électoraux fera expressément mention de leur nombre, distinguant, de ce fait, les bulletins blancs des bulletins nuls au lieu de les réunir dans la précédente formule qui était "bulletins blancs et nuls".

Foutre ! C'est ENORME!

J'ajoute qu'une autre décision, tout aussi importante, a été prise aussi ; sera considéré comme un bulletin blanc, non seulement le carré ou le rectangle de papier blanc (un bulletin vierge, mais gris très pâle est-il blanc ou nul ? Voilà qui va occuper pour dix ans au moins les constitutionnalistes) glissé dans une enveloppe (ce qui est le cas actuellement) mais (et c'est la réforme capitale) une enveloppe vide simplement glissée dans l'urne, sans contenir quoi que ce soit. N'allez surtout pas écrire sur votre bulletin blanc « Merde pour celui qui lira" car, de ce fait, exclu de la noble catégorie des bulletins blancs, il tombera dans l'ignominieuse poubelle les bulletins nuls.

Le plus pittoresque dans cette histoire réside dans les déclarations faites à propos de cette farce par des hommes politiques majeurs (les femmes plus sages se sont tues) comme le président de notre Assemblée nationale qui, au nom du PS, a qualifié cette réforme "de progrès démocratique majeur" (ce qui est pour le moins un oxymore) et Jean-Louis Borloo, récent fondateur-président de l'UDI, qui y a vu, lui aussi, « une avancée démocratique majeure » (décidément nos hommes politiques manquent de vocabulaire), mais surtout une réforme qui répondrait aux attentes de 69 % des Français. Il a simplement oublié de préciser que ce qu'attendent les Français qui, en nombre de plus en plus grand, votent blanc, vous l'aurez sans doute observé, est non pas que l'on se borne à séparer les bulletins blancs des nuls dans les résultats, mais que les bulletins blancs constituent, comme c'est logique et normal, des suffrages exprimés. Ils sont même plus exprimés, si je puis dire, que les votes pour tel ou tel candidat, car si l'on peut espérer par son vote, dans ce dernier cas, une incidence quelconque sur le résultat, on n'en attend aucune de la part d'un vote blanc ce qui rend ce choix d'autant plus méritoire et significatif.

Je vous avais promis un second élément d'ordre historique ; il tient à ce qu'à l'époque révolutionnaire, "le 18 ventôse de l'an 6" pour être tout à fait précis et en croire J.J. Urvoas, le président PS de la commission des Lois, donc le 8 mars 1798 (cette hypothèse est, en revanche, de moi, donc SGDG), l'assemblée nationale (et non le parlement !) avait autorisé le vote blanc, sans que cette mesure soit toutefois maintenue dans la suite ; en revanche, le principe de confondre bulletins blancs et bulletins nuls est moins glorieux et remonte à Badinguet, février 1852, ce qui est tout un programme en matière de démocratie, comme le diraient Messieurs Bartolone et Borloo.

Ce qui est le plus intéressant dans toute cette affaire car rien ne change bien entendu, c'est, pour une fois, la belle et TOTALE unanimité de notre Assemblée nationale, non pas sur le plan de sauvetage de notre économie, en perdition dans les circonstances actuelles, mais sur une mesure totalement bidon qui établit une distinction, aussi stupide que vaine, entre les bulletins blancs et les bulletins nuls.

Peu importe la distinction qu'on fait entre eux puisque, de toute façon, ils finiront dans la même poubelle, celle des suffrages non exprimés. Ils expriment pourtant, de plus en plus clairement et de plus en plus fort, un sentiment que nos politiques ne veulent UNANIMEMENT pas entendre.

1 commentaire:

Expat a dit…

Cher Usbek,
ce que ne veulent surtout pas nos parlementaires c'est perdre la manne financière accordée aux partis et distribuée en grande partie au prorata des suffrages exprimés.
Ce sujet rencontre évidemment l'unanimité comme à chaque fois qu'il s'agit de pognon à distribuer aux partis ou aux parlementaires. Sur leurs retraites, sur leurs indemnités d'une durée de 5 ans quand ils ne sont pas réélus, ils parviennent toujours à un magnifique consensus qui vu de très loin par quelqu'un ne connaissant pas le sujet pourrait passer pour de la sagesse ou un véritable attachement à l'intérêt général