Le jeudi 22 novembre
2012 sera à marquer d'une pierre blanche dans la glorieuse histoire
parlementaire de la Ve République. En effet, dans son assemblée nationale où la
gauche et la droite se disputent férocement et s'injurient souvent au point de
devoir quitter les séances avant d'en venir aux mains, on a procédé, en ce jour
mémorable, à un vote UNANIME.
Cette journée est même
doublement mémorable comme va le voir, d'abord par cette stupéfiante et
rarissime unanimité et ensuite par l'anniversaire qu'il marque pour une
décision dont le seul précédent, dans notre histoire, doit être recherché il y
a plus de 214 ans. Je m'expliquerai le moment venu.
Un amendement visait,
en effet, à faire reconnaître le vote blanc dans tous les scrutins de notre belle
république française qui, à la différence de la plupart des autres démocraties,
jette les blancs et les nuls dans la poubelle des suffrages non exprimés, ce
qui est pour le moins étrange !
Notre assemblée,
unanime en ce jour solennel, a donc pris une décision qui fera date dans
l'histoire de notre démocratie, puisque les bulletins blancs seront désormais
des suffrages exprimés.
Mais non mes pauvres
et chers amis! Vous n'y êtes pas !
Ils seront SEULEMENT décomptés
séparément des nuls au moment du
dépouillement et la présentation des résultats électoraux fera expressément
mention de leur nombre, distinguant, de ce fait, les bulletins blancs des
bulletins nuls au lieu de les réunir dans la précédente formule qui était "bulletins
blancs et nuls".
Foutre ! C'est
ENORME!
J'ajoute qu'une autre
décision, tout aussi importante, a été prise aussi ; sera considéré comme un
bulletin blanc, non seulement le carré ou le rectangle de papier blanc (un
bulletin vierge, mais gris très pâle est-il blanc ou nul ? Voilà qui va occuper
pour dix ans au moins les constitutionnalistes) glissé dans une enveloppe (ce
qui est le cas actuellement) mais (et c'est la réforme capitale) une enveloppe vide simplement glissée dans l'urne,
sans contenir quoi que ce soit. N'allez surtout pas écrire sur votre bulletin
blanc « Merde pour celui qui lira" car, de ce fait, exclu de la noble catégorie
des bulletins blancs, il tombera dans l'ignominieuse poubelle les bulletins
nuls.
Le plus pittoresque dans
cette histoire réside dans les déclarations faites à propos de cette farce par des
hommes politiques majeurs (les femmes plus sages se sont tues) comme le
président de notre Assemblée nationale qui, au nom du PS, a qualifié cette
réforme "de progrès démocratique majeur" (ce qui est pour le moins un
oxymore) et Jean-Louis Borloo, récent fondateur-président de l'UDI, qui y a vu,
lui aussi, « une avancée démocratique majeure » (décidément nos hommes
politiques manquent de vocabulaire), mais surtout une réforme qui répondrait
aux attentes de 69 % des Français. Il a simplement oublié de préciser que ce qu'attendent
les Français qui, en nombre de plus en plus grand, votent blanc, vous l'aurez
sans doute observé, est non pas que l'on se borne à séparer les bulletins
blancs des nuls dans les résultats, mais que les bulletins blancs constituent,
comme c'est logique et normal, des suffrages exprimés. Ils sont même plus
exprimés, si je puis dire, que les votes pour tel ou tel candidat, car si l'on
peut espérer par son vote, dans ce dernier cas, une incidence quelconque sur le
résultat, on n'en attend aucune de la part d'un vote blanc ce qui rend ce choix
d'autant plus méritoire et significatif.
Je vous avais promis
un second élément d'ordre historique ; il tient à ce qu'à l'époque révolutionnaire,
"le 18 ventôse de l'an 6" pour être tout à fait précis et en croire J.J.
Urvoas, le président PS de la commission des Lois, donc le 8 mars 1798 (cette
hypothèse est, en revanche, de moi, donc SGDG), l'assemblée nationale (et non
le parlement !) avait autorisé le vote blanc, sans que cette mesure soit toutefois
maintenue dans la suite ; en revanche, le principe de confondre bulletins
blancs et bulletins nuls est moins glorieux et remonte à Badinguet, février
1852, ce qui est tout un programme en matière de démocratie, comme le diraient
Messieurs Bartolone et Borloo.
Ce qui est le plus
intéressant dans toute cette affaire car rien ne change bien entendu, c'est,
pour une fois, la belle et TOTALE unanimité de notre Assemblée nationale, non
pas sur le plan de sauvetage de notre économie, en perdition dans les
circonstances actuelles, mais sur une mesure totalement bidon qui établit une
distinction, aussi stupide que vaine, entre les bulletins blancs et les
bulletins nuls.
Peu importe la
distinction qu'on fait entre eux puisque, de toute façon, ils finiront dans la
même poubelle, celle des suffrages non exprimés. Ils expriment pourtant, de
plus en plus clairement et de plus en plus fort, un sentiment que nos
politiques ne veulent UNANIMEMENT pas entendre.
1 commentaire:
Cher Usbek,
ce que ne veulent surtout pas nos parlementaires c'est perdre la manne financière accordée aux partis et distribuée en grande partie au prorata des suffrages exprimés.
Ce sujet rencontre évidemment l'unanimité comme à chaque fois qu'il s'agit de pognon à distribuer aux partis ou aux parlementaires. Sur leurs retraites, sur leurs indemnités d'une durée de 5 ans quand ils ne sont pas réélus, ils parviennent toujours à un magnifique consensus qui vu de très loin par quelqu'un ne connaissant pas le sujet pourrait passer pour de la sagesse ou un véritable attachement à l'intérêt général
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