Messages les plus consultés

vendredi 9 novembre 2012

La formation audio-visuelle à la fraude sociale


Ce titre doit vous paraître un peu étrange et, de ce fait même, il nécessite quelques explications liminaires qui tiennent, de façon un peu lointaine, à la nature et à  l'évolution de la production audiovisuelle française.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous sommes totalement nuls en matière de production audiovisuelle. Par pitié, ne venez pas me parler de "Fort Boyard" et de "Poubelle la vie" que nous avons vendus à la TV des Iles Cook et à Bélouchistan-TV.

La principale source d'inspiration de nos producteurs télé, devant le total envahissement de nos écrans par les séries, les jeux, les télé-réalités et tous les produits américains, réside, de temps en temps, dans un bref séjour à New York. Ils s'y enferment dans une chambre d'hôtel pour y regarder la télévision à laquelle ils ne comprennent rien, faute de savoir l'anglais et tenter d'y découvrir ce qu'ils pourraient acheter ou, mieux encore, plagier.

En vue de la rédaction de ce post et pour être au fait du dernier cri en la matière, sans me risquer toutefois à la regarder de façon un peu prolongée, j'ai zappé  sur D8, la nouvelle chaîne de Canal+ ; dans une immédiate consternation, je me suis borné à aller sur son site. Après l'ingestion obligée de spots publicitaires intempestifs qui me furent imposés, s'est offert à ma vue le spectacle qui paraît constituer l'attraction majeure de D8. Une exposition de huit paires de cuisses de couleurs (à Canal, on aime la diversité) et de galbes différents, savamment organisée autour de celles de Madame Laurence Ferrari, la vedette des lieux. On comprend que pour 20.000 euros mensuels, une ex-ministre se soit mise au régime!

Sur un plan plus général, sur D8 comme à France2, M6, W9 ou ailleurs, l'innovation française télévisuelle  majeure consiste en de pseudos reportages, fort longs (2 heures avec de multiples passages de pub!), pompeusement baptisés "Enquêtes" pour attirer le client.

Le principal avantager du produit est qu'il est fort peu coûteux.  Pas besoin d'acteurs ; les héros sont censés être filmés dans leur boulot quotidien et beaucoup seraient sans doute même prêts à payer pour passer à la télé (y a-t-on songé au moins?). Pour la technique, il suffit d'un cameraman (il faut faire vrai donc de préférence un maladroit), d'un preneur de son (idem) et de ce qu'on nomme pompeusement en France, Dieu seul sait pourquoi, un "journaliste". Avec ça, à peu de frais, on occupe deux heures d'antenne.

Il s'agit, dans tous les cas, de donner à croire qu'on suit "in vivo" une équipe professionnelle en action sur le terrain, qu'il s'agisse de policiers (c'est le modèle le plus courant), d'agents du fisc, de la douane ou de la répression des fraudes (on commence à en voir souvent ; des sous-flics en somme) et sans doute dans l'avenir de pompiers (dans la mesure où la presse s'est fait l'écho, des journées durant, de la mort de ce jeune pompier volontaire, dont on a souligné l'héroïsme (involontaire lui!) sans songer à préciser qu'il agissait sans doute ainsi pour se payer une mobylette grâce aux émoluments afférents à cette noble tâche).

Compte tenu de l'immensité du gouffre du déficit de la sécurité sociale, dont on commence à percevoir qu'il est, pour une bonne part, dû à la totale et multiple généralisation de la fraude sociale que j'ai eu déjà l'occasion d'évoquer dans ce blog, les équipes d'agents chargées, en principe, de la découverte des fraudeurs commencent à avoir la place et la vogue qu'elles méritent dans ce genre de série documentaire et j'ai déjà vu au moins trois produits sur le sujet.

Ces documentaires sont fort instructifs même si, naturellement, ils sont tous les mêmes et si leurs caractères bidonnés sont suffisamment évidents pour que je m'y arrête pas. On y a toutefois introduit deux éléments qui font le piment des séries policières du même acabit : le frisson du danger (la brave inspectrice de la répression des fraudes qui va contrôler un marchand d'huile d'olive espagnole baptisée pour la circonstance "provençale" revêt, au petit jour, un gilet pare-balles) et le caractère désormais incontournable de la scientificité, car la répression des fraudes alimentaires comme la découverte des magouilles de certains professionnels du corps médical sont devenues scientifiques sur le modèle des méthodes de la police des télés, style NCIS ou Cold Cases!

Tout cela est fait naturellement pour distraire le bon peuple de France ; il faut toutefois reconnaître qu'à la troisième ou quatrième ingestion de pareils documentaires, si certains ne s'en lassent pas, pour beaucoup de téléspectateurs ces émissions deviennent rapidement insupportables à force de redites et de répétitions.
 
Si l'on ne peut contraindre les téléspectateurs à les regarder, on pourrait, en revanche, songer à en faire une utilisation systématique et didactique dans la double formation des agents de la répression de la fraude sociale mais surtout des futurs fraudeurs eux-mêmes, car, lorsqu'ils entrent dans le métier (souvent encore honnêtes et naïfs), ils ne connaissent pas nécessairement toutes les ficelles et toutes les combines de l'exercice frauduleux de leur nouvelle profession. Or la gamme des entourloupes des professionnels concernés est extrêmement vaste et je ne puis guère entamer ici l'évocation que je devrais en faire et que je me vois contraint, par la force des choses et la limitation de mon espace éditorial, à remettre à demain.

 

Aucun commentaire: