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jeudi 15 novembre 2012

Honni soit qui Mali pense (suite)


Vers la fin du mois de septembre 2012 ( à partir du 27 septembre pour être précis) j'ai publié,  une série de quatre "posts" sous le titre que  je reprends ci-dessus. Comme ces quatre textes sont beaucoup trop longs pour être reproduits intégralement ici, j'en ai réuni quelques fragments qui seront suffisants pour éclairer mon point de vue. L'essentiel en était que la France devait se tenir, dans toute la mesure du possible, éloignée de cette situation malienne, compte tenu des réalités géographiques et humaines du terrain et surtout de sa situation très périlleuse d'ancienne puissance coloniale, sur le dos de laquelle il est si facile et si tentant de se réconcilier.

Je ne pensais pas revenir si vite sur le sujet mais les événements du jour m'y poussent puisque Ansar Eddine (vous verrez de quoi il retourne dans la suite) vient de rompre avec Al Qaida et la charia!

J'ajoute que rares en France sont ceux qui ont eu le mauvais goût de faire remarquer que les événements du Nord du Mali sont en liaison des plus directe avec notre intervention en Libye et que nous n'avons sans doute pas fini d'en payer les conséquences. Même si la France s'y borne, non sans quelque raison, à des interventions aériennes que semblent préconiser nos "experts militaires" (après la Ligne Maginot, "le route du fer" et Dien-Bien-Phu). Sans doute ne sont-ils pas au courant (ils ignorent tant de choses) du fait que les troupes de mercenaires sahéliens de tous poils qui ont fui la Libye pour venir au Mali, ont emporté avec eux beaucoup de matériel militaire, dont nombre de missiles sol-air modernes dont ils n'hésiteront pas évidemment à faire usage le cas échéant contre nos aéronefs (pour causer technique) ? Il faut donc sans doute que notre président mette en chantier un discours-type pour les cérémonies aux Invalides lors des obsèques de nos pilotes d'avions ou d'hélicoptères.

Quand à ceux de nos commentateurs qui notent finement (du moins le croient-ils!) que ces combattants n'ont pas connu la colonisation française, ils ne montrent par là que leur totale ignorance des réalités coloniales, car le fait que beaucoup d'Africains n'aient pas connu cette colonisation française, n'empêche, en rien, une dénonciation systématique de ce colonialisme. Personnellement, j'ai toutefois désormais une réponse toute trouvée à ce genre de remarque en disant aux Africains, quand ils se hasardent à de tels propos, que les Chinois leur feront assurément regretter les Français.

 Nul ne mentionne que la revendication de l'indépendance ou au moins de l'autonomie du Nord du Mali par les Tamasheq est ancienne et que leur affrontement, parfois armé, avec Bamako, aussi traditionnel, n'a pratiquement jamais cessé dans les dernières décennies. Actuellement il semble que les relations entre les Tamasheq et l'ACMI ne soient pas des meilleures mais il est sûr qu'une intervention nigério-burkinabe-française contribuerait à rétablir l'unité au sein de ces factions.

Peut-être l'avez-vous noté mais, comme souvent et en de multiples lieux, du Moyen-Orient à Haïti et à la Guyane, flotte autour de toutes ces affaires comme une odeur de pétrole. Le prévoyant Qatar ne serait pas hostile à mettre quelques billes dans les affaires pétrolières de la zone, fût-ce sous des oripeaux humanitaires comme on l'a vu. Les Chinois semblent, pour le moment, à peu près absents dans le Nord-Mali (ils sont bien les seuls, puisqu'on y parle même déjà d'"instructeurs" américains et français) mais j'incline à croire qu'on ne tardera pas à les y voir. Il faut aller dans Jeune Afrique me semble-t-il pour que soit enfin abordée la question : "Le champ gazier d’In Salah est déjà en activité. Les champs de Reggane, Timimoun et Adrar vont bientôt être lancés. De nouvelles découvertes importantes sont à prévoir jusqu’aux frontières maliennes et nigériennes. Un grand pôle industriel gazier et pétrolier va se développer dans cette région." Tiens ! Tiens !

Du Sud algérien au Nord-Mali, il n'y a qu'un pas et les gisements pétroliers, eux, ne se soucient guère des limites des Etats ! La frontière algéro-malienne qu'on pourrait imaginer vide de tout mouvement est, en réalité (et elle l'était déjà avant le conflit), au contraire, et de plus en plus, un lieu de passage dont l'un des centres se situe, côté malien, à Tinzawaten, à quelques kilomètres de l'Algérie.

Cette petite ville, alors encore tenue par les forces maliennes, avait été attaquée début février, par le MNLA. Certes l'attaque avait été repoussée mais, fait symbolique, elle avait aussi marqué la désertion du seul haut gradé tamasheq de l'armée de Bamako, le colonel Hassan Ag Mehdi. Cet officier supérieur prestigieux avait gagné Ouagadougou à la tête d’un convoi de 60 véhicules.

Outre les passages de réfugiés ou d'émigrés (naguère encore ceux et celles que l'Algérie expulsait vers le Mali après les avoir capturés sur son territoire ; désormais les réfugiés du Nord Mali qui fuient les combats et la charia qu'y imposent, avec mains coupées, les groupes islamistes radicaux), les principaux trafics concernent la drogue (le plus important et surtout le plus rémunérateur), les armes et le carburant qui, dans le contexte actuel, vu le grand nombre de véhicules forts gourmands en essence et parcourant de nombreux kilomètres, est sans doute le problème logistique majeur pour les troupes engagées dans cette région. Comme le carburant ne peut guère venir de Mauritanie ni de Libye, je vous laisse le soin d'envisager quel doit être le principal fournisseur en la matière. On peut toutefois imaginer qu'une partie de ces moyens financiers ou alimentaires venant inévitablement de l'extérieur peut avoir des fins autres que strictement charitables. En outre, il est difficile de distinguer l'un de l'autre, car si les vivres sont destinés, en principe, aux populations déshéritées du Nord Mali, il faut bien que les troupes d'occupation mangent, elles aussi.

La situation est donc fort complexe car s'il ne faut pas oublier que le Nord-Mali est frontalier de l'Algérie, il ne vous a pas échappé que le Niger n'est pas loin et que la France ne peut pas se désintéresser d'un pays qui lui fournit le tiers de l'uranium dont elle a besoin pour ses centrales nucléaires comme pour celles qu'elle vend à l'étranger et dont elle garantit l'approvisionnement décennal en combustible!

Dans un contexte si trouble et si secret, on doit prendre en compte même les accidents survenus sur les routes pourtant peu encombrées et où les chauffards ivres doivent être rares ; l'Algérien Nabil Makloufi, dit Nabil Abou Alqama, qui coordonnait toutes les actions d'Al Qaïda dans le Nord-Mali est mort, le pauvre, dans un accident de voiture entre Gao et Tombouctou, comme l'a signalé l'AFP. Ces mécréants n'ont pas indiqué que, selon la formule, « il a été rappelé à Dieu". Toutefois, il n'est pas exclu que certains aient donné, en la circonstance, un petit coup de main à Dieu. Le directeur de Ennahar, Anis Rahmani, spécialiste des questions de terrorisme, a déclaré à l'AFP que cet accident était en fait une élimination volontaire de Makloufi ; il y aurait en effet une crise interne au sein de l'AQMI et l'élimination de dirigeants algériens d'Al Qaïda serait un moyen de renforcer la position du MUJAO où dominent plutôt les Maliens et les Mauritaniens.

Rien n'est simple en ce bas monde et surtout là ; il n'est pas sûr que l'entente la plus cordiale règne, au Nord-Mali entre les divers mouvements islamistes, même si l'intervention de la France est sans aucun doute le meilleur des moyens pour l'y ramener !

La conclusion de ces quatre posts, écrits il y a près de trois mois, était que la France avait tout intérêt, sans se désintéresser de ce qui se passe au Mali (elle ne le peut pas hélas) de s'en tenir le plus éloignée possible et d'attendre plutôt qu'entre les diverses factions qui se manifestaient au Nord du Mali se fissure une alliance toute provisoire ; vu la couleur politique et religieuse, les modes d'action et les alliances extérieures, patentes ou latentes, de groupes comme le MUJAO et Ansar Eddine (branche la plus radicale des Frères Musulmans, hostiles aux Saoudiens, ce qui n'est pas pour déplaire au Qatar), les conflits étaient écrits dans le ciel. Finalement, l'évolution et la rupture ont été rapides, brutales et radicales.

J'ai toujours pensé et écrit que la solution n'était nullement dans une intervention de la CEDEAO et des autres Etats de l'Afrique de l'Ouest (vu comment les choses se sont passées en Côte d'Ivoire et l'état de ces pays), mais dans l'attente paisible de la dissension, puis des conflits qui ne manqueraient pas de s'établir entre les factions du Nord-Mali. Les choses sont devenues soudain claires, plus rapidement que je ne l'avais pensé, mais, je dois l'avouer, avec l'issue que j'avais prévue.

Un élément-clé que je n'ai pas traité dans ce résumé de mes posts est la question de l'Algérie ; elle est essentielle mais des plus délicates, à la fois en raison de la position géographique de cet Etat, de sa puissance militaire (sans rapport avec celles des autres Etats), de son pouvoir économique (car aucune armée ne peut agir au Mali si se ferme le robinet algérien d'alimentation en carburant) et enfin de sa situation extérieure (conflit avec le Maroc) comme de sa situation intérieure (les Algériens ne souhaitent nullement voir les groupes extrémistes, actuellement au Mali, franchir ... ou refranchir la frontière.

Pour sa prochaine visite en Algérie et en dépit de ses précautions liminaires du mois dernier, notre président aura à faire montre de toutes ses qualités diplomatiques, car l'Algérie ne manquera pas de faire monter les enchères, comme on commence à le voir avec la remise sur le tapis des responsabilités coloniales sur lesquelles, il y a un demi-siècle, les accords d'Evian avaient explicitement passé l'éponge.

Cher Monsieur Hollande, comme disait l'un de vos prédécesseurs, lointain désormais, « Je vous souhaite, par avance, bien du plaisir » !

1 commentaire:

Okigoshi a dit…

Quand à ceux de nos commentateurs qui notent finement (du moins le croient-ils!) que ces combattants n'ont pas connu la colonisation française, ils ne montrent par là que leur totale ignorance des réalités coloniales, car le fait que beaucoup d'Africains n'aient pas connu cette colonisation française, n'empêche, en rien, une dénonciation systématique de ce colonialisme. Personnellement, j'ai toutefois désormais une réponse toute trouvée à ce genre de remarque en disant aux Africains, quand ils se hasardent à de tels propos, que les Chinois leur feront assurément regretter les Français.

 "Nul ne mentionne que la revendication de l'indépendance ou au moins de l'autonomie du Nord du Mali par les Tamasheq est ancienne"

Dites-vous cher Usbek

Si tout de même !il yen a eu quelques-uns qui ont soutenu la diffusion de leurs légitimes revendications, même si elles dépassaient les frontières du Mali et s'étendaient , pour le malheur des Touaregs , aux 3pays limitrophes ,
comme c'était le cas pour les Kurdes!

Or aujourd'huiles relations entre les Tamasheq et l'ACMI ne sont vraiment pas des meilleures
Et ce constat vient à la suite d'un assez long "partenariat de lutte armée" pour que puisse être patiemment préparée, avec la CÉDÉAO , une stratégie politique de négociation qui ne s'interdit pas a priori un soutien à une intervention militaire.
Bref la France peut difficilement se tenir à l'écart du problème et de l'aide aux Touaregs...à moins de s'en remettre complètement au nouveau négociateur américain.
Pour ce qui est de la relation à l'Algérie sur cette question: wait And see!