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dimanche 30 décembre 2012

Le Conseil constitutionnel "a retoqué" les 75 %.


En cette période de fêtes de fin d'année et d'étiage médiatique, la nouvelle fait les "unes" de la presse écrite et l'ouverture de tous les JT depuis hier. Et partout hélas, sous la même forme : le Conseil constitutionnel a "retoqué" les 75 % chers à François Hollande et qui avaient été la pierre angulaire de sa campagne électorale.

Naturellement tous les journalistes reprennent, sottement et sans examen, cette formule ; aucun n'a, comme toujours, le courage et surtout le professionnalisme de vérifier l'usage de ce verbe quelque peu insolite. S'ils avaient pris cette peine, ils auraient sans doute trouvé autre chose à dire, car le verbe "retoquer" qui, clairement, n'est pas ici dans son second usage, le plus courant et qui est de "frapper à nouveau à la porte" est caractérisé par le Trésor de la langue française comme "argotique, populaire et vieilli" ce qui est assurément peu convenable en la circonstance. Ce dictionnaire, en outre, lui consacre exactement une ligne et quart, avec un exemple de Jules Renard et en précisant que le sens est celui de "refuser à un examen". L'emploi n'est donc pas réellement fautif mais il ne s'impose pas et,en tout cas, est bizarre, surtout quand on le trouve si généralisé. Le suivisme est toutefois chose courante chez les moutons de Panurge de notre presse qui ne jure désormais plus que par "impacter", "régalien" et "pérenne", termes dont nos journalistes ont découvert l'existence et le sens avec une joie enfantine qui réjouit le coeur.

Ce point est annexe par rapport à l'essentiel qui est que le Conseil constitutionnel a jugé anticonstitutionnelle, car attentant, dans sa lettre et non dans son esprit, à l'égalité entre les citoyens, la disposition qui visait à taxer à 75 % les revenus au-delà d'un million d'euros. Là encore, les confusions sont permanentes car, à supposer (ce que je vous souhaite) que vous ayez gagné dans l'année 1 000 100 €, vous ne paierez pas 750,075 € d'impôt à ce titre, mais seulement 75 € puisque le prélèvement supplémentaire ne concerne que ce qui dépasse le million, ce que beaucoup de journalistes ne semblent pas avoir compris non plus, car ils ne comptent pas mieux qu'ils écrivent ou parlent.

Petits détails. Vous savez ce qu'est en France ce Conseil constitutionnel créé par le général De Gaulle en 1959. Il comprend, en dehors des anciens Présidents de la République qui n'y viennent guère (De Gaulle n'y vint jamais et les trois actuels étaient absents lors du vote en cause) des gens pour lesquels on cherche une sinécure sans trop savoir qu'en faire. Pour un Président ou un Premier ministre, il y a là une place pour des proches ou des amis ; c'est le cas d'au moins deux des membres actuels (dont le président), nommés l'un et l'autre par Jacques Chirac en 2007, mais c'est le cas d'à peu près tous les autres aussi.

Leurs compétences en matière de droit constitutionnel sont donc des plus limitées et fort heureusement ils ne font pas le travail. Si j'essaye de me souvenir de quelques éminents juristes qui ont pu y être nommés (cette mode est désormais passée), je ne vois guère que René Cassin, François Luchaire, Georges Vedel et Marcel Waline, ce qui n'est pas beaucoup pour un demi-siècle. Un de mes amis, éminent constitutionnaliste, a rêvé, toute sa vie durant, d'y être nommé et ne la jamais été, comme tant d'autres. Comme on est nommé pour neuf ans, la sinécure est sûre et confortable, même si le traitement n'est que de 6338,88 euros par mois (toujours toujours ces chiffres de l'administration française si admirables de précision jusqu'au moindre cent) avec, en outre, des avantages en nature qui demeurent inconnus pour le commun des mortels, ce qui ne laisse pas d'étonner pour une telle institution !

Il n'y a pas lieu de mettre en cause la décision du Conseil constitutionnel, même si, avec des membres qui ont été tous nommés par la droite (y compris M. Charasse qui a dû oublier qu'il fut socialiste!), il faut bien s'attendre à voir glisser de temps en temps quelques peaux de banane sous les souliers d'une majorité de gauche.

En revanche, serais-je à la place de François Hollande, de Jean-Marc Ayrault et de Moscovici (ce qu'à Dieu ne plaise!) que je virerais immédiatement de Bercy les imbéciles de juristes rédacteurs de la loi qui n'ont même pas été capables de voir dans leur texte une faille si évidente !

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