En cette période de
fêtes de fin d'année et d'étiage médiatique, la nouvelle fait les "unes"
de la presse écrite et l'ouverture de tous les JT depuis hier. Et partout hélas,
sous la même forme : le Conseil constitutionnel a "retoqué" les 75
% chers à François Hollande et qui avaient été la pierre angulaire de sa
campagne électorale.
Naturellement tous
les journalistes reprennent, sottement et sans examen, cette formule ; aucun n'a,
comme toujours, le courage et surtout le professionnalisme de vérifier l'usage
de ce verbe quelque peu insolite. S'ils avaient pris cette peine, ils auraient
sans doute trouvé autre chose à dire, car le verbe "retoquer" qui, clairement,
n'est pas ici dans son second usage, le plus courant et qui est de "frapper
à nouveau à la porte" est caractérisé par le Trésor de la langue française comme "argotique, populaire et
vieilli" ce qui est assurément peu convenable en la circonstance. Ce
dictionnaire, en outre, lui consacre exactement une ligne et quart, avec un
exemple de Jules Renard et en précisant que le sens est celui de "refuser à
un examen". L'emploi n'est donc pas réellement fautif mais il ne s'impose
pas et,en tout cas, est bizarre, surtout quand on le trouve si généralisé. Le
suivisme est toutefois chose courante chez les moutons de Panurge de notre
presse qui ne jure désormais plus que par "impacter", "régalien"
et "pérenne", termes dont nos journalistes ont découvert l'existence
et le sens avec une joie enfantine qui réjouit le coeur.
Ce point est annexe
par rapport à l'essentiel qui est que le Conseil constitutionnel a jugé
anticonstitutionnelle, car attentant, dans sa lettre et non dans son esprit, à
l'égalité entre les citoyens, la disposition qui visait à taxer à 75 % les
revenus au-delà d'un million d'euros. Là encore, les confusions sont
permanentes car, à supposer (ce que je vous souhaite) que vous ayez gagné dans
l'année 1 000 100 €, vous ne paierez pas 750,075 € d'impôt à ce
titre, mais seulement 75 € puisque le prélèvement supplémentaire ne concerne
que ce qui dépasse le million, ce que beaucoup de journalistes ne semblent pas
avoir compris non plus, car ils ne comptent pas mieux qu'ils écrivent ou parlent.
Petits détails. Vous
savez ce qu'est en France ce Conseil constitutionnel créé par le général De
Gaulle en 1959. Il comprend, en dehors des anciens Présidents de la République
qui n'y viennent guère (De Gaulle n'y vint jamais et les trois actuels étaient
absents lors du vote en cause) des gens pour lesquels on cherche une sinécure
sans trop savoir qu'en faire. Pour un Président ou un Premier ministre, il y a
là une place pour des proches ou des amis ; c'est le cas d'au moins deux des
membres actuels (dont le président), nommés l'un et l'autre par Jacques Chirac en
2007, mais c'est le cas d'à peu près tous les autres aussi.
Leurs compétences en
matière de droit constitutionnel sont donc des plus limitées et fort
heureusement ils ne font pas le travail. Si j'essaye de me souvenir de quelques
éminents juristes qui ont pu y être nommés (cette mode est désormais passée),
je ne vois guère que René Cassin, François Luchaire, Georges Vedel et Marcel Waline,
ce qui n'est pas beaucoup pour un demi-siècle. Un de mes amis, éminent constitutionnaliste,
a rêvé, toute sa vie durant, d'y être nommé et ne la jamais été, comme tant d'autres.
Comme on est nommé pour neuf ans, la sinécure est sûre et confortable, même si
le traitement n'est que de 6338,88 euros par mois (toujours toujours ces
chiffres de l'administration française si admirables de précision jusqu'au
moindre cent) avec, en outre, des avantages en nature qui demeurent inconnus
pour le commun des mortels, ce qui ne laisse pas d'étonner pour une telle
institution !
Il n'y a pas lieu de
mettre en cause la décision du Conseil constitutionnel, même si, avec des
membres qui ont été tous nommés par la droite (y compris M. Charasse qui a dû oublier qu'il fut socialiste!), il faut
bien s'attendre à voir glisser de temps en temps quelques peaux de banane sous
les souliers d'une majorité de gauche.
En revanche, serais-je
à la place de François Hollande, de Jean-Marc Ayrault et de Moscovici (ce qu'à
Dieu ne plaise!) que je virerais immédiatement de Bercy les imbéciles de juristes
rédacteurs de la loi qui n'ont même pas été capables de voir dans leur texte
une faille si évidente !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire