Messages les plus consultés

samedi 22 décembre 2012

D'Evian (1962) à Alger (2012) : amnistie et amnésie


Petits mystères du paysage audiovisuel français.

 Comment se fait-il que la première interview de François Hollande, à peine arrivé d'Alger, ait eu lieu chez Jean-Pierre Elkabbach, le vendredi 21 décembre au matin, à 8 heures 18, en vidéo et à la radio sur Europe1?

 L'affaire peut avoir de multiples détentes.

Europe1 passait plutôt pour favorable à Nicolas Sarkozy ; d'aucuns l'avaient même baptisée "Radio Sarko" et JPE en était la figure emblématique. Serait-ce l'alliance forte de RMC, le rival majeur, via BFM avec les médias du "grand capital" qui est en cause ?

Par ailleurs, l'interview a été accordée à Jean-Pierre Elkabbach et elle a eu une durée double du quart d'heure habituel des interviews matinales de ce journaliste ; ce format inattendu a conduit d'ailleurs à faire passer à la trappe la pauvre Natacha Polony qui, normalement, occupe l'espace entre l'interview d'Elkabbach et la "revue de presque" de Nicolas Canteloup. La chose est d'autant plus surprenante que, même si je ne suis pas un auditeur très fidèle de cette station, je crois que la chose n'avait pas été annoncée. Notre Président a sans doute jugé la durée "normale" insuffisante, pour le bonheur de Natacha qui a pu faire la grasse matinée !

Dernière petite curiosité (prélude discret au retard prévu de l'âge de la retraite), la reconduite d'Elkabbach au-delà de sa 75e année (son anniversaire était en septembre, sauf erreur de ma part) ; d'aucuns prétendent que son maintien s'expliquerait par le fait que, sans avoir jamais été proche de la nouvelle majorité, on pouvait compter sur lui pour ne pas trop mettre de poil à gratter dans les interviews qu'il serait amené à faire. Il a d'ailleurs donné, dans cet interview du président, un bon exemple de sa méthode comme de son ralliement.

Si j'ai pu entendre puis voir l'intégralité des déclarations du Président de la République lors de cette interview sur Europe 1, je n'ai pas réussi à trouver dans la presse l'intégralité de son discours. J'ai le sentiment que, comme toujours, il y a fait preuve de beaucoup de nuances et de prudences, soulignant l'utilité conjointe de cette intervention pour la France comme pour l'Algérie, puisqu'elle permettait enfin de sortir de cinquante années de relations compliquées et d'ouvrir une nouvelle page.

Chacun y a eu son "paquet", mais pas forcément celui qu'il attendait ni sous la forme espérée. Les uns ont été déçus de pas y trouver la « repentance » souhaitée tandis que d'autres considéraient que la reconnaissance des « souffrances » causée par la colonisation au peuple algérien était un point « positif » pour les uns mais regrettable pour les autres. François Hollande juge avoir, par là même, rétabli un « socle de vérité » car « rien ne se construit sur des dissimulations, dans l’oubli ou le déni ».

Trente ans de PS vous préparent mieux que tout à des tels exercices rhétoriques, François Hollande reste, dans la diplomatie comme ailleurs, l'homme de la synthèse et du rassemblement ; la prochaine épreuve du genre sera avec le MEDEF et les syndicats et elle sera plus rude à n'en pas douter.

Il a donc dit à peu près tout ce qu'il fallait dire pour apporter quelques satisfactions à la plupart des Algériens, sans amener de trop violentes réactions du côté français, sauf bien entendu au Front National.

Petit excursus de ma part, avant d'en venir à ce qui m'a conduit, en fait, à écrire ce post et à l'intituler " D'Evian (1962) à Alger (2012) : amnistie et amnésie".

Sur le Mali, il me semble que les positions de notre Président (cf mes posts "Honni soit qui Mali pense!") se sont, considérablement et fort heureusement, radoucies ; j'ai cru comprendre que la France, qui n'interviendrait d'ailleurs jamais seule ni directement, ne contribuerait qu'au rapprochement "politique" et, au pire, à la simple "formation" des troupes ouest-africaines, sans jamais agir de façon plus direct. Cela me paraît plus prudent qu'un certain nombre de ses propos antérieurs, même si cela n'empêchera pas les invectives anticolonialistes!

Ce qui me paraît le plus étonnant, c'est que, dans toute cette affaire de "mémoire" (puisque le mot revient de temps en temps), nul ne prend pas en compte, même de façon allusive, ce qui avait été pourtant, avec beaucoup de sagesse et de prudence, prévu dans le texte même des Accords d'Évian, comme on avait, avec tout autant de raison, prévu, une dizaine d'années plus tôt, à Addis-Abeba, le principe de l'intangibilité des frontières de l'Afrique des Indépendances. Il me semble que le texte d'Evian mérite d'être cité intégralement pour la partie, brève mais essentielle, qui est intitulée « des droits et libertés des personnes et leurs garanties ».

Le voici :
"Des droits et libertés des personnes et de leurs garanties. Dispositions communes

Nul ne pourra faire l'objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d'une discrimination quelconque en raison:

- d'opinions émises à l'occasion des événements survenus en Algérie avant le jour du scrutin d'autodétermination;
- d'actes commis à l'occasion des mêmes événements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu.
- Aucun Algérien ne pourra être contraint de quitter le territoire algérien ni empêché d'en sortir."


 

1 commentaire:

LOUANCHI a dit…

HARKIS LES CAMPS DE LA HONTE :

lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news
En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.

35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.


Sur radio-alpes.net - Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) - Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone...émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)

Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net