Après la gastro-entérite et la
grippe, voici que la France tout entière est gagnée par l'épidémie du "retoquage".
Elle a été, il faut bien le dire, foudroyante et on ne dispose pas d'antidote.
A peine la décision du Conseil constitutionnel connue, « retoquer » inconnu la
veille, à juste titre, est devenue le maître-mot de toute la presse
audiovisuelle et de tous les commentateurs politiques de France.
Peut-être l'avez-vous remarqué,
mais le vocabulaire politique française se restreint de jour en jour ; on marche
tout droit vers une sorte d'économie minimale du lexique, le tout à coup de
métaphores bancales et de notoires impropriétés. Si vous connaissez la douzaine
de termes à la mode (d'impacter à retoquer en
passant par décliner, paradigme, logiciel, régalien, errements et
pérenne), vous pouvez figurer honorablement dans tous les débats du PAF et des
dîners en ville.
Mais le plus drôle est le numéro
des ténors de l'UMP qui, avec un total manque de mémoire, se gausse de
l'amateurisme du gouvernement actuel, comme si les propositions de loi étaient
rédigées par les ministres et non par les scribes professionnels des ministères
qui, pour la plupart, n'ont sans doute pas changé car nous n'en sommes pas
encore tout à fait au "spoil system" des États-Unis. Nos braves gugusses
de l'UMP qui dénoncent cet "amateurisme" ont sans doute
oublié à la fois leur propre bilan (toutes les solutions miracles à nos problèmes
leur apparaissent soudain!) et l'identité de la mesure, que le même Conseil constitutionnel
(à Sarkozy près) avait pris à l'égard de la taxe carbone, ne les frappe pas.
On se demande pourquoi d'ailleurs
notre paysage audiovisuel, qui, du 20 décembre au 3 janvier, met en vacances,
comme les écoliers, toutes ses fines lames (étonnez-vous que France-Télévision
emploie 11.000 personnes !) et ne nous régale que de seconds ou même troisièmes
rôles, de best off et de bêtisiers, ne ferme pas carrément boutique pendant 15
jours, avec la mire voire un écran noir, ce qui serait tellement reposant.
Depuis deux jours le "retoquage"
ne suffisant pas, on nous régale de la pseudo-aventure des deux donzelles du
Puy-en-Velay qui, ayant renoncé à leurs lentilles et à leurs dentelles, sont
allées faire de l'altermondialiste du côté de Nantes. En fait, on nous a pris pour
des imbéciles ; alors qu'on feignait de s'interroger sur le sort de ces
deux créatures prétendument disparues, on savait parfaitement et depuis
longtemps où elles étaient. L'une d'entre elles, bonne fille, avait téléphoné à
sa maman pour la mettre au courant de sa situation. On a alors jeté un voile, non pas pudique mais mercantile,
sur ce détail pour avoir un sujet propre à émouvoir les masses téléphages et
à faire pleurer Margot. En fait cela a surtout permis aux deux familles qui, au
fond, n'étaient pas plus inquiètes que ça d'être interviewées à la radio et de
passer à la télé, privilèges qui valent bien de petits mensonges et une feinte émotion.
Les deux donzelles sont saines et
sauves et on a meublé les JT ; dès lors qu'importent le chômage, la crise, la
Syrie, le Mali et désormais la République Centrafricaine ! Ce ne sont que des
pauvres, des Arabes et des nègres après tout !
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