Vous l'aurez peut être déjà deviné, je ne suis pas un client habituel de McDo. Toutefois mes petits-enfants m'y entraînent quelquefois ; je sacrifie donc à leur satisfaction du moment le peu de goût que j'ai pour la nourriture qu'on y sert, tout en admettant aussi qu'on peut y faire des observations anthropologiques, sociales et même linguistiques qui ne manquent pas d'intérêt.
Je dois toutefois admettre que ces gens-là sont fort habiles et qu'ils ont su créer chez nos enfants le goût de la fréquentation de leurs établissements par des procédés qui certes non pas grand-chose à voir avec l'alimentation et le goût, mais qui se révèlent fort efficaces et qui, à terme, ont fait leur fortune.
En fait les enfants, mes petits-enfants comme les autres, vont surtout chez McDo moins pour ce qu'on y mange que pour les menus cadeaux qu'on leur fait dans l'emballage spécial qu'on leur réserve et pour les jeux divers qui, en général, sont situés dans un local contigu du restaurant. Tout cela il faut le reconnaître est fort habile et tout à fait efficace.
Ma dernière et très récente visite chez McDo m'a convaincu qu'à la maîtrise parfaite des techniques commerciales, les dirigeants de McDo ajoutent, avec ou sans humour (je n'en sais rien), une certaine connaissance des petites manies de la francophonie et un secret désir de les tourner en dérision. Leur dernière innovation alimentaire (je n'ose dire gastronomique) est le "Big Mac 280", présenté par la publicité de son emballage, comme « le must de l'exception culturelle ». Je ne résiste pas au plaisir de vous citer le court texte qui figure sur la boîte qui le contient « On peut être french et burger à la fois [mon logiciel "Dragon" avait écrit, avec cet humour involontaire qui est parfois le sien, "être fraîche et bergère à la fois"]. Le 280 c'est le meilleur de la générosité américaine... mais habillé à la française : pain fariné cuit sur pierre et emmental et cheddar fondu et sauce légèrement citronnée. Vive le mélange des genres. I'm lovin'it"! ». Les Bernois et les Bataves apprécieront l'annexion par Mc Do et la France de leurs chers fromages ; quant à la "cuisson du pain sur pierre", je ne sais pas sur quels trésors archéologiques que j'ignore, elle repose, mais le passé de notre belle France est si riche!
Je ne sais pas si Monsieur Toubon (père de la loi du même nom promulguée en 1994 et portant précisément sur l'usage du français) fréquente les McDo mais je pense, s'il est amené à lire ces publicités, qu'il va en apprécier tout le sel et l'ironie dont on ne sait pas trop si elle est volontaire. Dans ce cas, elle serait assurément provocatrice et devrait donc tomber sous le coup de la loi qui porte son nom mais qui est désormais bien oubliée.
Si je ne sais pas trop quoi penser du 280 (un bon vieux sandwich traditionnel, même si le pain n'est pas cuit "sur pierre", est à mon goût bien meilleur), mais je connais bien, en revanche, la genèse et l'histoire de l'expression "exception culturelle". Il y a là pour le coup une belle invention bien française que la France a imaginée et mise en circulation, si mes souvenirs sont bons, lors du Sommet de la francophonie tenue à l'Ile Maurice en 1993. En dehors de la France elle-même, le Canada (qui suivait le mouvement sans trop d'enthousiasme), du Québec et de la Communauté française de Belgique et de quelques "paladins de la francophonie", l'affaire n'intéressait guère. Les Etats du Sud, qui avaient et ont toujours d'autres chats à fouetter, ont emboîté le pas pour faire plaisir aux principaux bailleurs de fonds de l'entreprise francophone. On observera que c'est aussi le moment où l'on est passé, sans qu'on sache trop pourquoi ni comment, de la formule antérieure qui définissait la "francophonie" comme l'organisation des "pays ayant en commun l'usage du français" à celle des "pays ayant le français en partage", ce qui marque, me semble-t-il, un recul significatif, mais que l'on n'a guère souligné. Ce changement a été attribué à une demande du pays-hôte, l'Ile Maurice, ce qui est totalement faux !
Il est bien évident que les pays du Sud, dont la production culturelle en français est des plus modestes, n'ont pas à protéger ce type d'industries. La France elle-même ne le fait que d'une façon assez discrète, lointaine et lacunaire si l'on en juge par la sévérité et la rigueur avec laquelle la loi Toubon est appliquée en France dans des domaines infiniment plus importants que la consommation des 280 dans les restaurants McDo.
Il y a d'ailleurs beaucoup à dire sur la politique de diffusion de la langue et de la culture françaises dans le monde, mais j'en ai trop souvent parlé, au grand dam des services compétents, pour y revenir ici. Il suffit, à l'étranger, (et je m'inflige régulièrement, par ascèse et pour mon information, cette punition) de regarder, pendant quelques heures, France 24 ou TV5 Monde, pour comprendre dans quelle situation pitoyable se trouve ce secteur qui pourtant continue à nous coûter fort cher sans grand résultat.
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2 commentaires:
Puis-je apporter une petite rectification, cher Usbek? L'idée d'exception culturelle est apparue lors des négociations de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALENA) et, ce qui vous étonnera peut-être, chez les Canadiens anglais, désireux de protéger leurs industries culturelles (en particulier les magazines), et non chez les francophones, la barrière de la langue devant alors leur sembler une protection suffisante.
Succus a.
Cher Succus,
Why not ? Je ne parlais que du côté français et par ailleurs je crois que les deux sont contemporaines puisque l'ALENA commence en 1994 et est concoctée en 1992-4. ?On ne va pas pinailler pour ça! Usbek
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