vendredi 26 août 2011
De Philippe le Bel à François Fillon
Vous l'aurez sûrement remarqué : la technique de communication gouvernementale implique que les ministres ou, plus généralement, tous ceux qui sont chargés de porter la parole du gouvernement, reçoivent chaque jour, un pense-bête sur lequel sont notés tous les arguments auxquels ils doivent avoir recours pour répondre aux questions qui leur seront posées.
Je me demande si ce n'est pas le chroniqueur du "petit journal" de Canal+, Yann Barthès, désormais vedette de la chaîne, qui a inspiré cette mesure pour se rendre la tâche plus facile. À la rentrée, son rôle dans l'émission de Denisot a beaucoup augmenté, car c'est souvent effectivement la partie la plus amusante de ce "grand journal". On ne peut guère compter pour attirer le chaland sur la logorrhée politicienne de Jean-Michel Aphatie, le vide souriant mais sidéral d'Ariane Massenet et pis encore les consternantes et jeunistes âneries du maghébin obèse de service. Le chroniqueur satirique a donc toute facilité, chaque jour, à reprendre des extraits de chacune des interventions de ceux qui ont hanté les studios de nos médias pour démontrer, images à l'appui, que leurs discours sont, au mot près, les mêmes.
C'était encore le cas, en ce vendredi 26 août 2011, où Frédéric Lefebvre, ministricule de je sais quoi, nous expliquait, sur une radio du matin, que la hausse du chômage était un élément dont nous ne pouvions que nous réjouir. Il signifie en effet, non pas, comme le pense un vain peuple, qu'il y a de moins en moins de boulot en France, mais que notre natalité est en hausse (surtout dans le 93 aurait-il pu ajouter) à la différence de celle de ces pauvres et infertiles Allemands, qui ne jugulent le chômage qu'en raison de leur faible natalité et qui auraient donc tout lieu de s'en plaindre au lieu de s'en réjouir. Il reprenait par là mot à mot le discours de Fillon et de tous les autres.
On peut toutefois toujours craindre des écarts par rapport à la ligne de conduite communicationnelle commune de la part d'un Frédéric Lefebvre. Dans dans son souci de complaire au Maître et de mettre sa touche personnelle au propos dicté, il a repris une des formules de Sarkozy en septembre 2007, quand ce denier avait assuré vouloir une croissance de 3% et s'était déclaré prêt à aller la "chercher avec les dents".
Nous dire, dans le contexte actuel, comme l'a fait Fredo, qu'on va aller "chercher la croissance avec les dents" est une flagornerie doublement inopportune à la fois parce que tout indique, dans le discours commun officiel, qu'il n'en est rien et surtout parce qu'il y a là un rappel, fâcheux, d'une des formules qu'on a le plus reprochées à Nicolas Sarkozy. Je crains fort que, bien loin de plaire au président, le rappel de cette formule ne lui ait fortement déplu et que Fredo ne se fasse tirer les oreilles.
Ce que l'on considère en revanche sans doute comme une trouvaille dans la cellule de communication est le rétablissement, discret mais réel, d'une vieille institution ("régalienne" - ce mot est tellement à la mode et pour une fois qu'il convient, pourquoi s'en priver!) la "ferme générale" et les fermiers généraux.
Petit rappel historique à l'attention spéciale de Fredo (grand lecteur de Zadig et Voltaire): la "ferme générale", créée par Philippe le Bel, réunissait les "fermiers généraux" qui tenaient à ferme ou à bail les revenus publics, composés surtout alors de la gabelle, de la taille, de l'impôt sur le tabac, etc... . La ferme générale qui avait toujours donné lieu à de multiples abus en tous genres fut supprimée par la Révolution.
La dernière trouvaille du gouvernement qui, rappelons-le s'est engagé à ne pas augmenter les impôts, comme le répètent à l'envi tous les ministres, est, pour tenir cette parole, de créer non pas des impôts mais des prélèvements supplémentaires (ce qui ressemble fort dans les faits à des augmentations d'impôts). L'astuce est que, prélevés par d'autres que nos services fiscaux eux-mêmes, ils ne seront pas, au moins à la lettre, des "impôts". C'est, au fond, tout simplement le rétablissement de la "ferme générale". Les nouveaux "fermiers généraux" seront les responsables de mutuelles (on prévoit un minimum d'augmentation de 5 % du tarif de ces mutuelles), les gérants de parcs d'attractions, les buralistes (pour le tabac), les bistroquets et les épiciers (pour les boissons - alcoolisées ou sucrées - ce qui ne vous laisse pas grand choix si vous voulez échapper à ce prélèvement supplémentaire -zut j'ai failli dire "impôt"!).
Tout cela est pensé, quoique fort naïf. Une astuce supplémentaire est d'avoir laissé quelques possibilités d'amendement de détail à nos braves députés et sénateurs. En septembre, ils pourront ainsi augmenter un petit peu la facture pour les "riches", par le biais, soit du tarif, soit de la durée du prélèvement exceptionnel qu'on a prévu pour eux. Cela permettra à tous nos braves représentants du peuple de se présenter la tête haute devant leurs électeurs dont, au moins en apparence, ils auront clairement défendu les intérêts.
Toutes ces petites ruses porteront-elles les fruits électoraux qu'on a espérés en les méditant ? Seul l'avenir nous permettra d'en juger.
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