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mercredi 10 août 2011

Fraude sociale : les gaietés de l'entreprise fantôme



La fraude sociale : les "entreprises" (lecture cursive du rapport Tian ; suite)

On a beaucoup insisté sur la croissance du nombre des sociétés en France (même s'il y en a autant qui disparaissent, on va voir pourquoi) et sur le caractère prétendument positif de la facilitation des procédures de création d'entreprises ; les escrocs et les faussaires de la fraude sociale, quant à eux, comme toujours, n'ont pas loupé l'ouverture et se sont engouffrés en foule dans ce dispositif.

1. La multiplication des sociétés (vraies ou fausses)
Dans le domaine de la fraude sociale, nombre de sociétés sont, tout le monde le sait, des « coquilles vides », c'est-à-dire des sociétés légalement immatriculées mais sans aucune activité réelle autre que celles qui servent à générer des opérations frauduleuses.

Il y a là de multiples cas de figures.

Les acheteurs de « Kits ASSEDIC» présentent, pour s'inscrire à l'assurance chômage, de faux documents établissant qu'ils ont travaillé pour des sociétés qui, souvent, n'ont jamais eu d'activité ou même n'existent pas. Elles ont été immatriculées par des « gérants », au moyen de fausses identités ou par des "hommes de paille" ; l'activité mentionnée est très générale et s'exerce souvent dans le bâtiment ou de la confection. Ces sociétés ne sont pas inscrites en qualité d'employeur auprès de l'URSSAF ou bien, si elles le sont, ne déclarent que quelques salariés sans entrer dans le détail comme la loi le permet. Elles existeront quelques mois, avant, soit de déposer leur bilan, soit d'être radiées d'office à la demande de l'URSSAF pour non-versement de la part patronale de cotisations. Parfois, les sociétés utilisées n'ont pas été créées ex nihilo mais sont issues du rachat, pour « l'euro symbolique », de sociétés déjà immatriculées. On pratique aussi le vol de papiers à en-tête et de cachets de sociétés qui existent et dont le nom sera utilisé à leur insu.

2. Une curiosité très significative : la "multigérance"

L'UNEDIC a conduit une étude sur la "multigérance". Elle a ainsi trouvé quantité de "multigérants" qui EN MOYENNE géraient 60 sociétés!

On a ainsi recensés : 10 multigérants assurant (ou ayant assuré) la gérance de 651 sociétés ; 20 multigérants assurant (ou ayant assuré) la gérance de 1 069 sociétés ; 133 multigérants assurant (ou ayant assuré) la gérance de 2 112 sociétés! Ces « multigérants» ont souvent des points communs :qui les signalent : forte représentation de la communauté turque (à 75 %), des adresses dans des sociétés de domiciliation, une activité déclarée dans le bâtiment et la confection. En outre, des liens complexes ont été observés entre ces multigérants : gérances successives, tournantes et croisées.

Le bon sens est donc loin d'être, en France, la chose la mieux partagée!
"Si en droit, la liberté d'entreprendre permet à un individu de créer autant de sociétés qu'il le souhaite, il est en revanche anormal que de telles pratiques qui recèlent à l'évidence une intention frauduleuse - non limitée d'ailleurs à la fraude à l'assurance chômage mais pouvant s'étendre à l'ensemble de la sphère économique - ne puissent être aisément identifiées afin de déclencher les contrôles nécessaires.
Il serait donc indispensable que les greffes des tribunaux de commerce tiennent un fichier des gérants et dirigeants d'entreprise, consultable par les administrateurs et les agents assermentés des URSSAF et des ASSEDIC."
On retrouve là deux constantes de nos systèmes.

D'abord, toute mesure, quel que soit son aspect positif, est aussitôt détournée par des aigrefins à l'affut de ces détournements. On le sait et on le constate très vite, sans pourtant rien faire... sauf après des années...et encore.

Ensuite, notre administration, qui exige du citoyen de base, un acte de naissance de moins de trois mois (...des fois qu'il aurait changé de date et de lieu de naissance entre temps) voire, mieux encore, un acte de décès récent (en cas, aussi improbable, de résurrection), se laisse berner sans arrêt par des faux grossiers comme on le voit à de multiples exemples.

3. Le plus joli de tout : l'allocation aux condamnés sortant de prison

Les condamnés à des peines supérieures à deux mois (à l'exclusion des condamnations pour certains délits comme le proxénétisme ou le trafic de stupéfiants) peuvent, à leur sortie de prison, être bénéficiaires de cette allocation. Ainsi des fraudeurs, condamnés pour fraude en vue de perception indue de prestations sociales, à leur sortie de prison (dans l'hypothèse peu vraisemblable d'une telle condamnation), sont-ils en droit de demander cette allocation, grâce à laquelle ils pourront même, le cas échéant, rembourser leur dette envers les organismes sociaux qu'ils ont trompés! Si l'Etat se payait directement à lui-même la somme due cela économiserait de la paperasse... mais est-ce le but?

Et enfin, toujours la cerise finale sur mon gâteau du jour.
La justice est vigilante voire implacable. La preuve!

La Cour de cassation a rejeté, le 14 décembre 2000, un pourvoi formé par un "cabinet de gestion" (sans doute spécialisé en conseil fiscal) qui avait établi « de 1989 à 1991 de faux bulletins de paie et des lettres de licenciement remis contre argent à des opposants au régime turc, qui les revendaient à des compatriotes afin qu'ils bénéficient des indemnités ASSEDIC ».

J'espère que ce cabinet de gestion qui ne manque pas d'air est allé devant la Cour de justice européenne devant un tel déni de justice!

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