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jeudi 11 août 2011

La fraude sociale ; enfin une affaire qui marche!



« En matière de fraude, ce qui se passe aux ASSEDIC est terrifiant. » Le chef de la cellule de lutte contre le travail illégal de l'URSSAF lors de son audition par la Commission Tian

1. Le marché des "kits de fraude"

"La fraude est devenue un enjeu mercantile important pour des formes de délinquance de plus en plus organisées. C'est le cas, par exemple, pour les ASSEDIC confrontés à des fraudes organisées par des personnes originaires de Turquie. Il se vend aujourd'hui sur le marché noir, entre 600 et 6 000 euros, des « kits » de fraude contenant toutes sortes de faux documents administratifs comme de fausses attestations d'emploi, de fausses fiches de salaire etc. La fraude à l'identité constitue le socle de telles opérations. Elle permet, en effet, d'opérer des montages qui dans la forme sont légaux - comme la création d'une fausse société - mais poursuivent, en réalité, des objectifs illégaux".*

2. Comment l'administration française rend possible la fraude et, à la limite, par ses modes de fonctionnement, l'organise :

"M. Jean-Pierre REVOIL : Nous fonctionnons à partir des cotisations versées pour payer les chômeurs dans le cadre d'un système déclaratif : les individus déclarent être chômeurs et les employeurs déclarent une masse salariale totale sans que nous sachions à quels salariés elle correspond. En général, dans ce type de fraudes organisées, une entreprise factice est créée ; l'entreprise s'acquitte de cotisations et figure dans la banque nationale des établissements ce qui rend nos contrôles de base - vérification de la déclaration de l'employeur et que l'entreprise est bien à jour de ses cotisations sociales - inopérants. Mais cette entreprise factice ne déclare que quelques salariés sur la base desquels elle cotise et envoie des centaines de chômeurs, auxquels a préalablement été remis un kit contenant l'ensemble des documents permettant l'inscription au chômage et l'ouverture des indemnisations, notamment de fausses attestations d'employeurs."

3. La méthode de fraude classique : la société fantôme

"Il est très facile de monter une fausse société à partir de faux documents d'identité, ou en plaçant dans le fauteuil du responsable un « lampiste » ou même un cadre en difficulté à qui l'on fait miroiter de fausses espérances. Tout ceci étant facilité par le délai possible entre la création de la société et le versement effectif du capital. Le jour où le pot aux roses est découvert, et où les enquêteurs de police recoupent les informations à un niveau national, on s'aperçoit qu'une même personne physique, sous différents noms d'emprunt, se trouve à l'origine de différentes sociétés. Il est ainsi possible pour une même personne de monter des fausses sociétés à Marseille, Bordeaux, ou Caen et, en l'absence de croisement de fichiers au sein même des organismes sociaux, il se passera bien quelques mois avant que les informations ne soient recoupées."

Autre témoin :
"Lucien CONTOU : Non seulement ces entreprises ne publient pas leurs comptes, mais elles ne fournissent pas davantage de déclaration annuelle des données sociales. Et si un contrôle classique est lancé sur avis de passage, elles disparaissent. Et que dire du problème récurrent de la domiciliation ! Le Parquet de Paris avait beaucoup travaillé sur cette question, et ses études étaient remontées jusqu'à la Chancellerie, mais pour des retombées finalement assez faibles. Les domiciliataires ne respectent par leurs obligations comme, par exemple, de signaler au tribunal de commerce la disparition d'une société pour que sa radiation d'office soit prononcée. Les peines ont beau avoir été doublées en la matière, elles restent faibles - de l'ordre de 100 euros - et sans effet dissuasif.
Nous avons réussi à faire condamner le gérant d'une domiciliation pour complicité d'obstacle à contrôle.
M. le Président : Vous voulez dire que la personne avait une domiciliation fictive ?
M. Lucien CONTOU : Quelque 500 à 1000 entreprises peuvent être domiciliées dans un même local de 20 mètres carrés ! [...]
Lucien CONTOU : Je citerai l'exemple d'un atelier où les employés n'étaient déclarés que pour deux heures de travail quotidien, alors qu'en réalité ils travaillaient toute la journée. Entre les allocations Assédic, le salaire déclaré, les diverses prestations familiales, la prime à l'emploi, ces personnes gagnaient davantage que le magistrat chargé du dossier ! ".

4. Petit et très, très partiel état des lieux fin 2005 :
"Au 1er janvier 2006, 62 affaires de fraude aux Assédic étaient en cours de traitement par la police judiciaire. Pour 29 d'entre elles seulement le préjudice a été évalué : il s'élèverait à 18 millions d'euros. Les escroqueries ont duré entre trois mois et quinze ans, mais la durée moyenne d'une escroquerie est d'environ deux ans. Le préjudice moyen par affaire dépasse 600 000 euros. Il faut toutefois préciser qu'il s'agit d'affaires pour lesquelles la police judiciaire a été saisie donc, par définition, des affaires d'une certaine complexité.

5. Où sont fabriqués ces faux papiers ? Il sont, pour le moment encore, bien de chez nous et on ne constate pas de "délocalisation" de la fabrication des faux documents. Toutefois, gare aux Chinois experts en la matière :

"M. le Président Tian : Les faux papiers ont-ils été fabriqués en France ?
M. Charles-Emmanuel HAQUET : Oui, dans un sous-sol, avec un ordinateur classique. Le résultat est du reste assez impressionnant. J'ai vu deux cents fausses attestations d'employeur au nom d'une petite SARL de la rue du Faubourg-Saint-Denis ! Comment l'Unédic, qui envoie les documents via son serveur ATEMI, a-t-elle pu ne pas s'interroger sur ce patron qui employait deux cents salariés ? J'ai encore l'exemple d'un bazar de la rue Monge, censé employer 70 salariés ! "

Des faux plus vrais que les vrais!
"Ces escroqueries ne peuvent se commettre sans l'intervention de faussaires qui établissent les faux dossiers de demande d'indemnisation : fausses fiches de paie, faux contrats de travail, attestations Assedic vierges au nom de diverses sociétés... Ces dossiers sont si complets qu'ils vont même au-delà de ce qui est requis par les Assedic : ainsi, les fiches de paie sont systématiquement fournies alors qu'elles ne sont demandées qu'en l'absence de justificatif de paiement de salaire et jamais lors d'un premier rendez-vous.

Les faussaires, qu'ils agissent individuellement ou qu'ils soient regroupés au sein de pseudo cabinets comptables établissent ensuite les pièces du dossier très simplement, à partir de logiciels en vente dans le commerce. Puis ils diffusent les « kits » au moyen de revendeurs ou de rabatteurs auprès de diverses communautés dont ils sont le plus souvent originaires : Turcs, Pakistanais, ex-Yougoslaves..".

La suite demain!

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