Un blogueur québécois de mes amis, qui fréquente souvent ces lieux et y intervient parfois, m'a fait l'honneur et l'amitié de reprendre en partie mon blog sur les " niches fiscales". Comme nos amis québécois usent, en lieu et place de ce terme de "niches" (un "francisme" comme ils disent parfois, avec un peu d'aigreur), du mot "abri fiscal" (les Belges ne se sont même pas donné la peine de traduire "fiscal/tax shelder"!), cette situation a inspire à mon ami Jacques, linguiste de son état avec un amour particulier pour la lexicologie et la lexicographie, des réflexions dont je vous livre une partie, prise dans son propre blog.
"Je me rends compte, une fois de plus, qu’au Québec nous avons traduit littéralement l’expression anglaise tax shelter et que ce calque est entériné à la fois par le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française et par la base de données terminologiques Termium du Bureau de la traduction à Ottawa.
[...] Jean-Paul Tardivel, au XIXe siècle, dénonçait l’« habitude, que nous avons graduellement contractée, de parler anglais avec des mots français » (« L’anglicisme, voilà l’ennemi », 1879).
L'acculturation par la traduction est une forme de sujétion à une langue dominante qui conduit à l'appauvrissement du français par l'absence d'utilisation des ressources qui ne sont pas suggérées par l'anglais (cf. J. Poisson, Meta 20/1, p. 64)."
J'ai trop souvent soutenu dans leurs entreprises la terminologie et la néologie québécoise face à l'insupportable et sotte arrogance de nombre de terminologues français qui considèrent le français comme leur propriété personnelle tout en ayant toujours à la bouche notre francophonie, prétendument commune pour revenir ici sur cette question. Qu'on préfère, comme lui, "niche fiscale" à "abri fiscal", Why not ? Le problème du sens précis de ce mot "niche" demeure posé car, en ratissant large, le mot a somme tout au moins quatre sens, dans nos usages modernes, même si le Trésor de la langue française n'en relève que deux (principaux, mais avec des sous-entrées pour le premier.
1." Niche 1 Emplacement creux, enfoncement pratiqué dans l'épaisseur d'un mur pour y loger une statue, un objet décoratif ou un objet quelconque".
Comment de pas citer Baudelaire, tant sa "niche d'or" évoque déjà les "niches fiscales" modernes!
"Je veux bâtir pour toi, Madone, ma maîtresse,
Un autel souterrain au fond de ma détresse,
Et creuser dans le coin le plus noir de mon coeur,
Loin du désir mondain et du regard moqueur,
Une niche d'azur et d'or tout émaillée,
Où tu te dresseras, Statue émerveillée".
"2. Petite cabane servant d'abri à un chien de garde; meuble portatif destiné à un chien d'appartement. "
Encore Baudelaire (Poèmes en prose, 1867) : "À la niche, tous ces fatigants parasites! Qu'ils retournent à leur niche soyeuse et capitonnée! . Le poète, visionnaire, décidément avait, avant tout le monde, prévu la "niche fiscale" qui est non seulement "dorée" comme on vient de le voir, mais en outre "soyeuse et capitonnée". On comprend que les occupants ne soient pas pressés de la quitter ou de la voir disparaître.
"3. ÉCOL. Niche écologique. Place qu'occupe une espèce vivante à l'intérieur d'un écosystème".
Ce dernier emploi, encore modeste à l'époque de la rédaction du TLF est devenu aujourd'hui essentiel à l'ère des carottes et des oeufs bio! Rien d'étonnant en tout cas que le riche se voit réservée une place de choix dans une écologie capitalistique.
Auquel de ces trois sens ont pensé les crânes d'oeufs (bio?) de Bercy quand, peut-être au fond sans songer alors à les nommer (car ils n'ont pas inventé le système des "tax shelters"!), ils ont aménagé les premières de ces "niches" "dorées, soyeuses et capitonnées"?
Peut-être au fond est en cause un quatrième sens de "niche" que recèle notre si riche et si belle langue française !
" Niche : Fam. Plaisanterie malicieuse, farce que l'on fait à quelqu'un, généralement sans méchanceté".
J'inclinerais assez pour cette hypothèse ; le mieux est alors de répondre à une niche par une autre niche. Souvenons-nous du nom que Jacques Séguéla, alors au faîte de sa gloire et qui ne mettait pas le comble de la réussite dans une Rolex, avait donné à son voilier, acquis aux Antilles (en profitant de la loi de défiscalisation des DOM promulguée par Bérégovoy pour ce type d'achat) et mouillé là-bas : "Merci Béré"!
samedi 27 août 2011
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