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mardi 30 août 2011

" Bleu, bleu, bleu, le ciel de Provence..."

On connaît la rengaine, déjà ancienne, de Marcel Amont : " Bleu, bleu, bleu, le ciel de Provence..."

Hier, 29 août 2011, en Provence et surtout à Marseille, il n'y avait pas que le ciel qui était bleu. Tout y était bleu. De Marignane à Marseille, tout était bleu (un policier, un "bleu" tous les dix mètres). Dans Marseille, tout était bleu! Et, à la porte d'Aix, on voyait que du bleu !

Je me demande, à la réflexion si ce bleuissement, aussi universel que soudain, n'avait pas quelque chose à voir avec la visite de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, plutôt qu'avec celle de Mme Martine Aubry qui se voue plutôt au rouge. À ce propos, une remarque qui n'a rien à voir avec le reste de mon propos : la désignation nouvelle de cette dernière par « la maire de Lille »(sans doute pour la distinguer par cette éminente fonction municipale de son Flamby de rival auquel on reproche sans cesse son inexpérience) me fait irrésistiblement penser, vu la fréquente mauvaise articulation de nos commentateurs, à « La mère Denis » illustre figure de la publicité des lessives autrefois caricaturée par Coluche. Ce rapprochement est évidemment du plus mauvais effet !

Bref, notre ministre de l'intérieur a honoré Marseille de sa visite, nous a-t-on dit, suite à une grosse colère présidentielle devant les mauvaises statistiques de la criminalité et les scandales marseillais dont la fameuse affaire du parking de la Porte d'Aix.

L'avantage des statistiques, bien connu, est qu'on peut évidemment leur faire dire n'importe quoi ; tandis que le président se fâche devant la montée de l'insécurité, dont il compte faire son cheval de bataille pour la prochaine présidentielle (comme s'il n'était pour rien dans la situation antérieure) et que Mme Aubry ("la mère Delille") rappelle les chiffres désastreux de la sécurité à Marseille (3000 agressions dans le premier trimestre 2011 soit 25 par jour), le ministre de l'intérieur, au contraire, se félicite que, depuis 2002, la criminalité a baissé en France de 12 ou 14 % (je ne sais plus, mais vous aurez compris que, de toute façon, cela n'a pas la moindre importance!).

Il a déjà dégainé son arme absolue, un troisième préfet de police qui, de toute évidence, a pour principal atout son patronyme. Ce n'est plus la "police de proximité" de Jospin, c'est la police qui vient à vous plus vite que son ombre et en permanence. Si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère ira à toi. On ne saurait être plus clair.

A ce que j'ai entendu et vu, la visite ministérielle s'est centrée sur la Porte d'Aix où se situe en particulier le fameux parking qui a été un peu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase présidentiel. Vous savez le parking, dont s'étaient emparé quelques jeunes loubards, après l'abandon de la gestion officielle du parking. Ils avaient décidé de le gérer eux-mêmes à leur compte, avec un tarif unique de cinq euros par visite.

Il se trouve que je connais très bien cet endroit et que je sais que le processus y a été évolutif. Pendant la période où il était encore sous le contrôle de la société qui en était gestionnaire, il était déjà peuplé de quelques gamins (en marseillais des "minots") qui vous proposaient, à votre arrivée, de surveiller votre voiture, moyennant deux euros (méthode italienne classique!), sans préciser naturellement que, faute de leur verser cet écot, vous risquiez fort de vous faire rayer la peinture de votre voiture ou d'en trouver cassés les essuie-glaces. Le processus a donc été purement et simplement évolutif et le tarif a augmenté après le départ du gestionnaire!

Bleu, bleu, bleu,... Je vous épargne la suite de l'affaire du parking.

Il est vraiment dommage que M. Guéant ne soit pas venu incognito faire cette visite car je ne doute pas un instant qu'elle aurait été beaucoup plus instructive pour lui et par là plus efficace.

À ce que j'ai entendu dans les médias, M. Guéant aurait emprunté la rue du Bon Pasteur (dans le deuxième). C'est une voie marseillaise que je connais parfaitement pour l'avoir empruntée des dizaines, sinon des centaines de fois. Très courte, elle va, du haut de la rue Camille Pelletan (près de la Place Marceau), en 200 mètres, à la Porte d'Aix, et aboutit à cet endroit même où se trouve, sur la droite, le fameux parking qui a défrayé la chronique.

Cette rue est admirable car elle est, en quelque sorte, le microcosme du macrocosme marseillais. Je veux dire par là qu'elle réunit, en quelques dizaines de mètres, tous les éléments constitutifs de Marseille. Au départ, en la descendant, on trouve, à droite, le Marché du Soleil qui est un vrai souk qui vous dispense de la visite de ceux de Tunis ou de Marrakech. Encombrée de tous les détritus de tous les commerces et les activités qui s'y tiennent, la rue descend vers la porte d'Aix et il n'est pas facile d'y circuler, entre les rares voitures qui s'y hasardent et les étalages des marchands ambulants, réguliers ou clandestins. On peut trouver là aussi bien des marchands de légumes que d'autres étalages, de toute nature, qui présentent, selon la coutume marseillaise, tout ce qui est tombé du camion ou sorti des containers.

On circule difficilement dans cette rue toute la semaine durant mais pas du tout le vendredi, car toute sa partie centrale est alors réservée à la prière, en dépit du fait qu'on soit, à vol d'oiseau, à moins d'une centaine de mètres de la rue Malaval se trouve une magnifique et immense mosquée de construction récente.

Le bas de la rue est en revanche réservé à un commerce spécifique qui est celui des cigarettes de contrebande ; des dizaines de vendeurs à la sauvette vous y proposent, ostensiblement et publiquement, leurs cartouches, sans que nul n'y trouve naturellement à redire. Leur petit commerce empiète souvent sur le parking qui se trouve immédiatement à droite du bas de la rue.

Naturellement, hier, toute la Porte d'Aix (d'où l'on avait viré le camping sauvage des Roms) n'était guère peuplée que de gendarmes, de CRS, de chaussettes à clous en civil et sans doute de militants UMP et d'employés municipaux (ce qui est à peu près la même chose car le maire devait accompagner le ministre) ; toutes les petites activités, interdites mais publiques et habituelles, avaient naturellement disparu mais soyez sûrs qu'elles reprendront très vite.

Comme on pouvait s'y attendre et c'est bien naturel notre brave ministre n'y a vu que du bleu !

Pour les nobles lecteurs étrangers ! "N' y voir que du bleu : expression populaire française : Ne pas s'apercevoir d'une chose qu'on vous fait, se faire avoir, être crédule."

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