mardi 9 août 2011
Le produit du jour : la fraude sociale
Petit mystère qu’on peut supposer relever d’une stratégie électorale.
Depuis quelques semaines, tir groupé sur la question de la fraude sociale, de préférence dans ses aspects populo-anecdotiques.
Septembre 2010 : rapport de la Cour des comptes sur le sujet ; comme toujours baroud d’honneur sans suite ni conséquences.
Juin 2011 : déclarations sur le sujet faites à l’AFP par un député de Marseille, auteur d’un rapport sur le question, Dominique Tian.
Août 2011. D. Tian présent dans tous les médias sur le même sujet.
Bizarre ! Bizarre ! Vous avez dit « bizarre » ?
La bizarrerie tient à ce que D. Tian, en application de l’article 145 du règlement de l’Assemblée nationale, au nom de la Commission des affaires, culturelles et sociales, a déposé un rapport de 273 pages sur « les moyens de contrôle de l’UNEDIC et des ASSEDIC » (rapport 3529)… le 12 décembre 2006 !
On peut légitimement se demander pourquoi ce rapport sur un sujet essentiel et qui concerne des fraudes considérables, puisqu'elles se chiffrent en milliards, voire en dizaines de milliards (en fait par définition même on n’en sait rien d’où la nécessité d’un tel rapport) et qui est un travail tout à fait admirable sur un sujet majeur dans le contexte social et financier actuel, est resté sous le coude ou dans un tiroir, pendant quatre ans et demi !
Il y a naturellement une explication, pas très brillante et même inavouable ; nous y viendrons dans la suite. Le sujet est grave mais il faut bien rire un peu, au moins en commençant, car, par la suite, nous aurons de moins en moins d'occasions de nous amuser.
Je sais pas pour quelle raison et par quel raisonnement l'assemblée nationale a confié à un député de Marseille la rude tâche de rédiger un rapport sur la fraude sociale, mission dont il faut bien dire, d'emblée et de façon forte, il s'est acquitté avec une grande conscience et un rare talent. Toutefois, si les hautes autorités parisiennes étaient plus familières avec les réalités de notre Midi, on aurait pu y voir une plaisanterie.
Il faut donner ici quelques explications lexicales et politiques aux lecteurs français septentrionaux ou aux nobles étrangers qui pourraient ne pas comprendre grand-chose à ces propos liminaires.
Dominique Tian est en effet député des Bouches-du-Rhône et plus précisément de Marseille qui passe aux yeux de la France du Nord pour le haut-lieu national de la magouille et de l'embrouille, avec une prédilection particulière pour la fraude économique et sociale. Ce n'est pas totalement faux, même si ce n'est pas complètement juste. Toutefois, ce qui est le plus amusant dans cette affaire c'est, au fond, que Monsieur Tian soit député des Bouches-du-Rhône donc du coeur même de la Provence.
C'est, en effet, comme si Monsieur Choucroute était député de Strasbourg, M. Cassoulet de Toulouse et M. Beaujolais de Lyon. Il faut en effet savoir (et beaucoup d'entre vous l'ignorent sans doute) que le "tian" est l'une des spécialités majeures et l'un des fleurons de la cuisine provençale! Pour vous remercier de cette lecture et prouver la véracité de mon propos, je vous en confie illico la recette du tian provençal :
1. Préchauffer le four (th.7-220°C).
2. Couper les tomates, les courgettes et les aubergines en rondelles épaisses. Eplucher ail et oignons. Hâcher l'ail et émincer les oignons.
3. Chauffer de l'huile d'olive. Y faire légèrement fondre les oignons.
4. Frotter, avec une gousse d'ail, un plat en terre cuite et en remplir le fond d'oignons cuits.
5. Disposer les rondelles de légumes en intercalant courgettes, tomates et aubergines.
6. Arroser le tout d'huile d'olive mêlée d'ail haché, de thym et de romarin.
7. Cuire 45 min à 220°.
Pour laisser la cuisine et revenir à la politique, on peut se demander si le fait de s'appeler M. Tian quand on est candidat à une élection dans les Bouches-du-Rhône ne fausse pas le scrutin et ne constitue pas un avantage subliminal; pareille circonstance pourrait donc conduire certains des candidats battus à contester la légitimité d'une telle élection.
Passons là-dessus et venons-en à la fraude sociale.
Garder dans un tiroir ou dans un placard pendant près de cinq ans un tel rapport, en attendant un moment favorable pour le sortir de l'armoire, est une ficelle un peu trop grosse pour qu'on s'y arrête. M. Tian fait partie de la droite dite "populaire" et il est clair que l'on envisage pour ce rapport une exploitation politique dans cette année préélectorale.
La stratégie n'est pas sotte et elle sera probablement efficace, si l'on en juge par les premières réactions suscitées par la révélation soudaine de quelques éléments (choisis à dessein) de ce rapport dont nul, ou à peu près, n'avait jamais entendu parler depuis 2006.
Il est toutefois à craindre que l'exploitation de ce texte soit essentiellement communautariste et politicienne puisqu'il apparaît, même si ce point est mineur, qu'une bonne partie des organisateurs et des bénéficiaires de la fraude sociale massive (en fait plutôt économique!) provient de communautés issues de l'immigration (Pakistanais et Turcs en particulier) dans les secteurs du bâtiment et du textile.
La visée politique fera que des éléments, amusants mais subalternes, seront retenus dans un rapport qui mérite beaucoup mieux que ça. On ne manquera pas en effet de glaner dans ce texte des anecdotes du type de celles qui font qu'une femme a pu bénéficier des allocations familiales pour 140 enfants, qu'un bénéficiaire peut être inscrit dans dix départements différents tandis qu'un autre perçoit des allocations pour sa mère morte depuis 20 ans !
Même si de tels détails se trouvent dans ce rapport, le texte mérite assurément mieux que ça. Durant les quatre années qui viennent de s'écouler, il aurait pu susciter des mesures salutaires visant à remédier à ces dysfonctionnements et à identifier puis à punir les fraudeurs organisés. Ces fraudes familiales, qu'on pourrait dire à la petite semaine, ne sont rien, en effet, à côté de l'immense fraude organisée sur grande échelle qui concerne essentiellement les entreprises (parfois les plus grandes!) et dont nous parlerons demain car je me sens déjà un peu long.
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