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jeudi 25 août 2011

Fiscalité : niches à chiens ou niches à saints?

Selon Wikipedia "Une niche fiscale peut être, soit une dérogation fiscale qui permet de payer moins d'impôts lorsque certaines conditions sont réunies, soit une lacune ou un vide législatif permettant d'échapper à l'impôt sans être en infraction".
Une nouvelle fois, il n'est plus question que de niches fiscales sans que, dans les commentaires qu'on en fait, nous soyons mieux éclairés sur le registre métaphorique de cette expression.

La niche est, de façon commune, la maison du chien. Toutefois, on voit pas comment le fisc peut s'introduire dans une telle métaphore, le contribuable étant moins, en général, un chien qu'un cochon (de payant)! Certes, on est porté à penser que nombre de ces niches sont occupées par des molosses, à voir la crainte qu'elles inspirent à tous ceux qui semblent avoir l'idée, sincère ou feinte, de leur porter atteinte ou de les supprimer. Pourtant, sans être un grand connaisseur en matière de chiens, j'observe que ces animaux préfèrent souvent se tenir n'importe où plutôt que dans la niche qui leur est en principe dévolue.

Si les chiens sont censés être les occupants de niches qu'ils délaissent souvent et volontiers, il est d'autres niches, celles des saints dont leurs occupants ne sortent guère. Elles ne constituent pas pour eux des abris ou des refuges, mais visent plutôt à les mettre en évidence, souvent dans des poses avantageuses ou traditionnelles, pour permettre à leurs admirateurs de venir les solliciter ou les prier.

J'incline à croire que, contre toute attente, celui qui a inventé cette expression et qui est assez modeste ou prudent pour ne pas se faire connaître, avait plutôt en tête les saints que les clébards, même si à voir la difficulté qu'il y a à y toucher ou même à s'en approcher, on pourrait penser qu'il s'agit plutôt des seconds que des premiers.

C'est à cette réflexion sur le sens réel de cette expression que j'en suis venu en écoutant ce matin Jean-François Copé qui devait être interviewé par Jean-Jacques Bourdin sur RMC-BFM TV. Ce dernier, comme à son habitude, s'était livré à quelques rodomontades liminaires en annonçant qu'il allait recevoir cet homme politique et qu'il allait lui parler, en particulier, de la "niche" Copé, qui fait beaucoup jaser, en ce temps de restrictions, en raison des milliards qu'elle a coûtés à l'État depuis sa création.

Il est probable que Jean-François Copé avait écouté ces propos préalables et qu'il s'était préparé à un éventuel assaut du journaliste sur ce point, même si il est suffisamment habitué à ce genre d'exercice, pour savoir que les choses n'allaient sans doute pas aller très loin. Copé, sentant la faiblesse de sa propre position, a toutefois eu la prudence de museler d'emblée Bourdin qui commençait à parler des riches et du grand capital. Le sujet est à la mode en ce moment puisque ses représentants, qui poussent habituellement des cris d'orfraie à la moindre menace sur leurs capitaux, ont poussé le culot communicationnel, jusqu'à proposer d'augmenter (rassurez-vous légèrement et provisoirement) leur contribution fiscale personnelle au budget de la France, sans doute pour couper court à des augmentations plus fortes et définitives! Copé a donc été assez rusé à ce moment pour évoquer immédiatement, quand Bourdin a abordé le sujet, la situation de son propre employeur, RMC-BFM TV qui est le média avéré du grand capital. Cette allusion menaçante, si légère qu'elle ait été, a sur le champ calmé son intervieweur qui est aussitôt passé à autre chose.

Un mot sur la fameuse "niche Copé". Si l'on en parle beaucoup, on ne nous dit guère ce qu'elle est et moins encore ce qu'elle nous a coûté. Il s'agit, en fait, d'une mesure qui a été prise par Jean-François Copé quand il était ministre du budget en 2007 et qui exempte du paiement de plus-values les ventes de filiales par une société ou un holding. La justification de la chose à l'époque était, que pour éviter les plus-values dans leurs ventes de filiales, les sociétés françaises, toujours aussi patriotes, allaient se domicilier en Belgique ou ailleurs, pourvu que ces pays n'imposent pas la plus-value dans ce type d'opération. Copé, avocat d'affaires à ses heures, connaissait bien le truc.

Le résultat est qu'en 2007 l'État français a perdu 3,4 milliards d'euros de plus-values, puis 12,5 milliards d'euros en 2008, selon les chiffres mêmes de Bercy. Pour éviter toute discussion oiseuse, sur ces données, disons qu'en trois ans la "niche Copé" a coûté au moins 12 milliards d'euros, soit ce que Fillon cherche désespérément. Autant dire que les 200 millions d'euros que l'on entend faire payer, à titre exceptionnel et provisoire, aux "riches" ne représentent pas grand-chose à côté !

Le coût de la "niche Copé" s'est réduit depuis 2008, pour la simple raison que la crise a fait que les industriels ont craint de vendre des filiales à perte et ont préféré attendre que les choses s'arrangent, si elles doivent s'arranger un jour.

Naturellement Jean-François Copé nous a refait le numéro habituel : si l'on s'en prend aux riches, ils iront à l'étranger et en particulier en Belgique, ce qui au moins aura l'avantage, un jour peut-être, de faciliter la réunion de la Wallonie à la France. Toutefois, il faudra maintenir pour ces riches Français expatriés ce régime fiscal, comme l'Alsace et la Lorraine ont gardé des dispositions antérieures à la loi de séparation de l'église d'État !

De toute façon, chacun sait que la plupart des riches (les vrais bien sûrs !) ont soit choisi un domicile fiscal à l'étranger, soit utilisent, dans toute leur diversité et leur étendue, les dispositions fiscales qui leur permettent d'échapper largement à l'impôt, sans parler des évasions fiscales qui sont bien connues de tous, à commencer par les services du Trésor. Au fait que sont devenus les 3000 évadés fiscaux de Suisse que le ministre Woerth avait débusqués à son époque?

On parle ici ou là de déchéance de la nationalité française pour des naturalisés condamnés, mais c'est par là qu'on devrait commencer ! Il y aurait une mesure simple, efficace et gratuite qui serait, tout simplement, de déchoir de la nationalité française tous ces Français qui sont, plus ou moins, domiciliés à l'étranger (et qui continuent, pour bon nombre d'entre eux, à vivre, eux et/ou leurs familles, en France). On pourrait surtout, de ce fait, leur interdire tout usage des services publics français. Ainsi les écoles et les universités de France seraient fermées à leurs enfants (sauf à payer des droits extrêmement élevés - les coûts réels - pour leur inscription). L'accès aux services de santé français ne leur serait possible, en quelque sorte, qu'à prix coûtant, plein pot, c'est-à-dire à 5 000 ou 10 000 € la journée d'hospitalisation. De telles dispositions ne permettraient sans doute pas de combler le déficit abyssal qui est le nôtre, mais elles auraient au moins le mérite de moraliser quelque peu cette situation; de telles dispositions, évidemment, seraient étendues à tous ceux qui seraient surpris dans le cadre d'un grave délit de fraude et d'évasion fiscales.

Le seul moyen de vider les niches fiscales de leurs saints et/ou de leurs chiens est de les rendre tout simplement assez inhospitalières pour les en chasser définitivement.

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