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samedi 25 février 2012

Finance et CDS : deux exemples cités par Gaël Giraud


Je vous avais promis hier des extraits de textes de Gaël Giraud ; il m'a autorisé à le faire comme vous allez le voir.

En vous invitant à visiter son site avant de lire ses textes, permettez-moi toutefois de vous le présenter en deux mots car c'est un homme hors du commun. Pour tenir la bride à mon enthousiasme, je reprendrai, pour l'essentiel, les données de Wikipedia en les ordonnant et en les complétant sur un ou deux points :  Gaël Giraud, diplômé de l'École nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE), ancien élève de l'Ecole normale supérieure (Ulm) est docteur en mathématiques appliquées (Thèse de doctorat au laboratoire d’économétrie de l’Ecole Polytechnique/Université Paris-1 " Jeux stratégiques de marchés". Chercheur au CNRS, il est aussi chercheur associé à l’École d'économie de Paris et consultant scientifique. Ses travaux portent notamment sur le rôle de la monnaie, des marchés financiers et de leur réglementation dans la prévention des krachs économiques, ainsi que sur les dynamiques économiques hors équilibre. Plus inattendu, Gaël Giraud est Jésuite et il porte, de ce fait, un regard original sur l’économie dont il explore les aspects spirituels.
Le moyen le plus commode d'accéder à ses points de vue est l'ouvrage qu'il a co-dirigé avec Cécile Renouard et qui est paru en 2009 et a fait l'objet d'une nouvelle édition en 2012, Vingt Propositions pour réformer le capitalisme, (Garnier-Flammarion, Paris). Par ailleurs, une page facebook a été ouverte dédiée aux 20 Propositions, ainsi qu'un site avec deux heures d'explications (sous forme de vidéos brèves de cinq à dix minutes) sur tous les chapitres de l'ouvrage. http://www.facebook.com/20propositions ; http://www.20propositions.com/
Un des exemples par lesquels G. Giraud illustre et éclaire ses propos est celui de la faillite de Lehman Brothers qui met parfaitement en évidence le rôle des CDS.
"Pourquoi la faillite de Lehman Brothers a-t-elle eu l'effet cataclysmique que nous avons connu?
Pour répondre, il faut comprendre un petit peu un phénomène : ce qu'on appelle les CDS - dont on a beaucoup parlé à cause de la crise - et que je vais essayer d'expliquer très simplement. Les CDS(Credit Default Swap) sont des actifs financiers qui servent de contrats d'assurance sur des institutions ou des personnes.

On peut les échanger sur des marchés appelés de gré à gré, c'est-à-dire des marchés assez opaques sur lesquels aucune autorité, ou presque, n'a la moindre visibilité.
Concrètement, imaginons que vous faites partie de l'élite des traders. Vous prenez un avion en business class et vous descendez au meilleur hôtel de Zürich, le Baur au Lac, qui a vue sur le lac de Zurich, une vue magnifique ... Là, vous recevez un autre banquier - du Crédit Suisse par exemple - et vous lui vendez des CDS. Par exemple : vous pensez que Lehman Brothers va faire faillite. Vous dites donc à votre collègue du Crédit Suisse : « Moi, je vous achèterais bien [...] des contrats d'assurance sur Lehman Brothers.». Lui qui ne pense pas du tout que Lehman va faire faillite vous les vend. Si jamais Lehman fait faillite, vous activez l'assurance et vous gagnez beaucoup d'argent. Lehman, l'institution sur laquelle vous avez parié, n'en sait évidemment rien. Lehman n'a aucun moyen de contrôler que vous avez pris l'avion, que vous êtes descendu au « Baur au Lac » et que vous avez fait un échange sur la terrasse du Baur au Lac.

Cette opération n'est pas centralisée par une administration, par une organisation centrale, qu'on appelle une chambre de compensation, qui centralise les offres et les demandes et qui vérifie que tout se passe honnêtement. Non, il n'y a aucune visibilité sur le marché de gré à gré."

Et Gaël Giraud de poursuivre :

"Lorsque Lehman Brothers, cette fameuse banque, a fait faillite en septembre 2008, on s'est rendu compte avec grand étonnement que la dette de Lehman avait été assurée par ces produits-là [les CDS] cinquante fois. C'est la raison pour laquelle la faillite de Lehman a eu des effets cataclysmiques. En effet, c'était comme s'il y avait eu cinquante Lehman à faire faillite! La planète a dû rembourser cinquante fois ceux qui avaient souscrit des assurances sur Lehman.

Disons aussi qu'il y a un petit débat sur cette affaire : on se demande si les personnes qui étaient à ce moment-là au gouvernement de Bush, et qui étaient des anciens de Goldman Sachs, n'avaient pas intérêt à ce que Lehman fasse faillite parce que Goldman avait acheté des CDS sur Lehman. C'est une hypothèse, je ne rentre pas dans ce débat parce que je n'ai pas l'information et qu'à la limite, c'est anecdotique".

Un autre exemple cité par G. Giraud est celui de la banque CIT- qui était une grande banque américaine de prêt auprès des PME. Pour la vie du tissu économique américain, c'était donc une banque cruciale.

"CIT s'est retrouvée prise dans la tourmente des subprimes en 2008. Elle a été
obligée d'emprunter beaucoup. Pour emprunter, CIT s'est retournée vers la banque Goldman Sachs, alors la plus prospère - qui est devenue la plus grosse banque du monde, à New York. Donc, ClT emprunte beaucoup d'argent à Goldman Sachs. A tel point qu'à l'été 2009, ClT se retrouve à devoir un milliard de dollars à Goldman Sachs, ce qui est évidemment une somme colossale, même pour une banque comme CIT. Or CIT ne les a pas. ClT envoie finalement ses meilleurs avocats pour négocier avec les juristes de Goldman Sachs, en se disant: « Ce n'est certainement pas dans l'intérêt de Goldman que nous fassions faillite, ils feraient une perte sèche d'un milliard » Mais - ô surprise !- les juristes de Goldman Sachs sont intraitables et CIT fait faillite. Alors, les limiers de CIT essayent de comprendre pourquoi Goldman a-t-elle été si dure à la négociation? Ils se rendent compte, à ce moment-Ià, qu'une année plutôt, en 2008, au moment où GoIdman avait prêté de l'argent à ClT, Goldman avait parié contre CIT en achetant ces fameux contrats CDS, sur le marché de gré à gré. Conclusion: Goldman gagnait plus d'argent si CIT faisait faillite que si ClT remboursait sa dette. En effet, vous pouvez acheter de ces contrats d'assurance autant que vous voulez. Vous pouvez vous sur-assurer, vous pouvez par exemple vous assurer quinze fois sur la même institution de sorte que si elle fait faillite, vous touchez quinze fois la prime d'assurance".


Suite et fin demain.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour l'info. Très instructif.
succus a.

J M a dit…

Quant au fait que Gaël Giraud soit jésuite, rien de surprenant. Il faut bien que le Vatican se retrouve dans les embrouilles du Banco Ambrosiano et de l'Institut des Oeuvres de religion...
succus a.

usbek a dit…

Cher JM
Au moment d'Ambrosiano Gael Giraud était à la mamelle sinon même dans les limbes !