Je voulais faire mon blog du jour sur Haïti, en forme de remerciement et d'hommage à celles et ceux qui, non sans peine et mérite, me lisent de là-bas ; leur participation, étonnamment nombreuse, est aussi fort irrégulière dans la mesure où, je suppose, l'accès à l'Internet, en outre toujours coûteux, n'y est pas des plus faciles.
Je voulais parler en particulier du débat qui agite ce malheureux pays (ou en tout cas un certain nombre de ses hommes politiques majeurs, car la population des mornes ne s'y intéresse sans doute guère) à propos de la réalité de la nationalité haïtienne de la plupart des hommes politiques du gouvernement et surtout du président de la République lui-même, qu'on soupçonne de détenir un passeport américain. Vu la situation générale d'Haïti, il me paraît pittoresque de voir que le problème constitutionnel majeur y est celui de savoir si le président et son Premier Ministre (comme tous les autres ministres d'ailleurs aussi) sont véritablement haïtiens !
Sur le terrain de la constitutionnalité, il faut reconnaître que la France ne laisse pas non plus sa part au chat !
Dans la Constitution de 1958 qui faisait élire le président de la République au suffrage universel direct, le général De Gaulle, dans sa viscérale méfiance à l'égard des partis, avait permis à chaque citoyen de se présenter à cette élection, à condition de réunir non pas cent "parrainages"(ce mot n'a JAMAIS été employé) mais cent PRESENTATIONS (ce qui est tout autre chose) par des élus dont les identités, bien entendu vérifiées, ne seraient pas communiquées. On voulait, certes, par là, éviter la multiplication des candidatures fantaisistes mais aussi et surtout, les pressions des partis qu'on imaginait facilement, puisque les candidats devaient être présentés par des élus dont bon nombre relevaient eux-mêmes de ces mêmes partis.
Tout cela est évidemment complètement ignoré et oublié ; comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, on nous raconte n'importe quoi sur ces questions (politiques et journalistes réunis, dans l'ignorance pour les seconds et la mauvaise foi pour les premiers, comme toujours) en nous disant qu'on est passé de cent à cinq cents pour éviter les candidatures trop nombreuses et qu'on a supprimé l'anonymat, Dieu seul sait pourquoi.
En réalité, l'anonymat n'a été supprimé que pour pouvoir donner aux partis, via leurs structures locales, en particulier départementales ou régionales, la possibilité de faire directement pression sur les maires qui peuvent donner leur "présentation". Quant au nombre des candidats, y faire référence montre, une fois de plus, la totale ignorance des journalistes, puisque, dans les trois élections qui ont suivi la réforme de 1976, il y a eu PLUS DE CANDIDATS à la présidence de la République que lors des trois élections antérieures!
C'est aujourd'hui même ( à 17 heures), que le conseil constitutionnel doit, en principe, rendre sa décision sur l'action qui a été engagée par Mmes Boutin, Lepage et Le Pen (les hommes, apparemment, s'accommodent mieux de cette mesure de publicité des noms de ceux qui "présentent" des candidats). Leur argumentation, irréfutable en principe, est que la Constitution française garantit l'expression du pluralisme ce qui rendrait la publicité des identités anticonstitutionnelle.
On peut assurément dire n'importe quoi sur une pareille question, mais, en bonne logique, elle devrait embarrasser tout particulièrement Jean-Louis Debré et Chirac qui, lui, se fera sans doute porter pâle ! Pourtant il n'y a pas plus gaulliste que lui!
Quand au premier qui préside de notre conseil constitutionnel et qui y a une voix prépondérante (comme naguère Roland Dumas pour les comptes de campagne de Balladur!), il en même temps le fils de Michel Debré, fidèle parmi les fidèles du général De Gaulle et qui a, en outre, a été le père de la Constitution de 1958. De ce fait même, cette Constitution est un peu la grande soeur de Jean-Louis Debré qui devrait, en la circonstance, montrer son sens de la famille en rétablissant l'anonymat originel voulu par son papa et le Grand Charles!
1 commentaire:
Cher Usbek,
il n'y a que du bon sens dans vos propos qui ont l'avantage d'être étayés par des faits irréfutables.
Ce sont désormais les partis d'élus qui décident qui pourra se présenter à l'élection présidentielle quelles que soient la représentativité des candidats en termes d'électeurs potentiels et leurs idées.
De fait c'est l'expression d'idées sinon nouvelles, au moins différentes qui est définitivement bridée puisque c'est finalement à l'occasion des élections nationales qu'elles peuvent s'exprimer, donc une fois tous les 5 ans désormais. Je parlerai peu du cas Le Pen qui apparait à chaque élection et qui pose un problème simple : soit le FN est un parti démocratique et étant donné son audience potentielle il serait scandaleux qu'il ne puisse pas présenter de candidat, soit il n'est pas démocratique auquel cas il faut l'interdire.
Un cas qui m'intéresse au niveau des marginaux, c'est Nihous, ce candidat de chasse pèche nature et traditions que j'écoutais récemment et qui parlait du monde de la ruralité de façon très intéressante et surtout sensée. Lui n'aura pas ses signatures et ne pourra bénéficier de la tribune offerte aux candidats. Pourtant c'est une certaine vision intéressante des problèmes et besoins du monde rural et aussi de l'écologie qu'il présente, en tout cas plus séduisante que celle des écolos estampillés comme tels et qu'il qualifie fort justement d'écolos de carré de pelouse ou de jardin public et qui ont une candidate qui n'a pas eu besoin de sortir de Paris pour se trouver ses 500 signatures alors qu'elle ne représente pas grand chose.
Ces différences de traitement ne sont pas seulement illogiques, elles sont scandaleuses et en tout cas pas du tout dans l'esprit de la 5ème république. Le pouvoir est désormais verrouillé par deux partis qui n'ont sur le fond pas de différence fondamentales tant leur soumission à l'Europe est identique et qui ne se distingueront donc comme vous le disiez hier que par le mariage gay et l'ouverture dominicale des magasins. Ce qu'on appelle alternance n'est plus guère qu'un partage du temps de pouvoir rendu encore inégal par les performances des pros de la com.
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