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mercredi 8 février 2012

Elections présidentielles : "parrainages" et anonymat.

J'entendais ce matin Madame Eva Joly s'exprimer sur cette question des parrainages, anonymes ou publics. Comme d'autres politiques français mais, elle, sans doute plus par ignorance plus que par mauvaise foi et calcul, elle justifiait l'anonymat des parrainages des candidats en vue de l'élection présidentielle au nom ... de la démocratie.
C’est un peu fort de café mais cet argument inepte traîne déjà dans les argumentaires des intervenants de l’UMPS (comme dit Madame Le Pen, avec pertinence dans ce cas précis du moins) ; je l’ai entendu, à diverses reprises, dans la bouche, me semble-t-il, de certains proches du gouvernement. Ce trait, passablement émoussé, doit donc figurer dans le carquois du mystérieux « Comité Ripostes ». Si l'anonymat du choix qui est, comme on va le voir, de nature politique, certes à divers degrés, est un principe démocratique, pourquoi, dans toute élection, le vote est-il toujours secret sous peine d'annulation. Il faudrait un peu de cohérence dans tout cela et la mauvaise foi est tout à fait évidente dans cette affaire.

Comme on ne peut guère compter sur les médias et les politiques pour informer les citoyens, très bref rappel de l’historique de l’affaire.

On doit d’abord observer que le terme de « parrainage » est totalement impropre puisqu’il s’agit en fait, dans la loi de 1962, de « présentation » ce qui marque une relation tout à fait différente, puisque l’élu habilité à présenter un candidat n’a pas à être sollicité par lui et n'a pas avec lui la relation qu'implique l'usage du mot "parrain". Dans la loi promulguée par le Général de Gaulle et qui instituait pour l’élection présidentielle le suffrage universel DIRECT (rappelons ces détails, essentiels ici, à l’UMP, toujours si prompte à solliciter la mémoire de De Gaulle) chaque candidat devait avoir été présenté par 100 « élus habilités à présenter un candidat", ces    «PRESENTATIONS » demeurant toujours ANONYMES.

C’est en 1976 seulement qu’on est passé à 500 et surtout que la décision de publier leur identité  a été prise. Cette réforme visait clairement à rétablir un contrôle des partis sur cette élection ce qui était absolument contraire tant à l’intention réformatrice de De Gaulle qu’à la démocratie elle-même. L’argument de recherche de la limitation du nombre des candidats était stupide et surtout totalement faux. En effet, dans les trois élections antérieures à la réforme de 1976, il y a eu un total de 25 candidats alors qu’il y en a eu 27 dans les  trois suivantes ! Messieurs les politologues retournez à l’école et apprenez à faire les additions !

Quelques mots encore sur les élus en mesure de faire des PRESENTATIONS. Environ 47 000 élus peuvent, en théorie, présenter un(e) candidat(e) et, parmi eux,  plus de 36 000 maires. Toutefois, vu le grand nombre des cumuls de mandats, seuls 42 000 peuvent le faire car, quel que soit le nombre de mandats, on ne peut faire qu’une seule présentation.

A propos du cas Le Pen, une simple remarque statistique et arithmétique qui éclaire la situation. Sans qu'on sache le nombre exact, ce qui importe peu d'ailleurs, Marine Le Pen aurait 350 signatures environ. Or, si l'on se reporte aux résultats des élections sénatoriales, le Front National y a recueilli en France environ quatre pour cent des suffrages. Si l’on prend pour base de calcul, 42 000 électeurs, cela représente 1700 personnes au moins. On devrait donc pouvoir admettre que la candidate du Front National, même si elle ne recueille pas l'ensemble de ces suffrages, ne devrait pas avoir trop de peine à en recueillir 500 soit un peu plus du quart. S'il n'en est pas ainsi, c'est sans doute qu'il y a des facteurs extérieurs qui interviennent dans cette affaire et il n'est pas trop difficile de les identifier.

Deux éléments permettent de le faire aisément.

D’une part, les témoignages de ces "présentateurs" potentiels. Tous les maires qui osent s’exprimer déclarent tous craindre, sous la pression de la droite au plan gouvernemental et sur celle de la gauche au plan régional ou départemental, de voir leur commune subir les conséquences d'un choix avéré de présentation dans les attributions de crédits ou de subventions, aussi bien au plan national, régional, départemental qu’intercommunal, puisque notre cher et si spécifique millefeuille administratif français permet la multiplication de ces modes d'intervention et de pression.

Une autre preuve de ces magouilles peu démocratiques se trouve dans l'examen des soutiens dont ont pu bénéficier, en particulier lors de l'élection de 2002, certains candidats, en particulier du côté de la GAUCHE, où ils s'étaient multipliés, de la part de la DROITE qui manifestement avait consigne de soutenir des candidatures de division de la gauche ((style Chevènement ou Taubira). La manoeuvre a parfaitement réussi puisque Lionel Jospin a été, de ce fait, écarté du second du second tour. Le cas n’est pas oublié ; le problème de Marine Le Pen est qu’elle a contre elle, à la fois, le PS et l’UMP ce qui n’est pas le cas des autres candidats ! Tout cela est parfaitement connu et totalement évident mais comme toujours nos politiques nous prennent pour des imbéciles, avec la complicité de la plupart des journalistes et des intervenants.

Un très bel exemple a été donné dans l'émission d'Yves Calvi « C dans l'air » qui portait sur cette question ; elle réunissait des « politologues » (ou réputés tels car à les entendre on doute soit de leurs compétences soit de leur objectivité, voire des deux) et des responsables d’instituts de sondages (ces derniers étant bien entendu, on devine aisément, à la solde de gouvernements qui sont leurs principaux donneurs d'ordre et ne mettent donc pas tous leurs oeufs dans le même panier).

Le plus pittoresque a été l'intervention d'un éminent politologue français interrogé sur la question de l'histoire des « parrainages » que j’ai évoquée ci-dessus. Il a réussi à retracer cette histoire en évitant quasiment de dire l'essentiel (la chose a été évoquée de façon si discrète et si rapide, que nul n'a pu la saisir au vol) c'est-à-dire que l'anonymat des « parrains » n’a été introduit qu’en 1976 et que le projet Balladur en 2007 en préconisait le rétablissement ! Il a allégué pour jusfifier la réforme de 1976 la réduction du nombre de candidats ce qui prouve, comme on la vu, que l'éminent politologue ignore jusqu’au simple nombre des candidats avant et après 1976.

Une confirmation de la stratégie malhonnête de publication des 500 « parrainages » est parfaitement illustrée d'ailleurs aussi par cette idée grossièrement malhonnête qui consiste à ne publier que 500 noms, ce qui amène (mais c’est le but) à contrôler, dans leur intégralité, les « parrainages » des petits candidats. Cette publication des noms des « parrains » est évidemment un moyen de pression et de coercition.
Que les politiques et les médias continuent à nous prendre pour des imbéciles (ils en ont l'habitude et nous l'acceptons plus ou moins) mais, de grâce, qu’ils ne poussent tout de même pas trop loin le bouchon !

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