Là encore, j’étais fermement décidé à ne rien écrire sur ce sujet, tant les choses me paraissaient évidentes. Il a donc fallu, pour me décider à le faire, la totale hypocrisie des discours que l'on entend et en particulier de ceux qui émanent de la mouvance des deux favoris à cette élection, Nicolas Sarkozy et François Hollande, leur argumentaire étant évidemment repris par leurs soutiens et leurs sympathisants. Ce qui me choque, dans tout cela, n’est pas le fait que les candidats qui jugent avoir leurs chances ou tous ceux et celles qui espèrent tirer un profit quelconque de scores honorables se prononcent contre l’anonymat des soutiens aux candidats, mais plutôt l’absence de débats ou même de simples réflexions sur le sujet, en particulier dans les médias qui comme toujours se font complices des politiques.
Un modèle du genre a été donné, dans le style modéré et quasiment doucereux, par notre Premier Ministre dans l’émission de Pujadas sur France2. Naturellement sa position lui a été demandée mais à la question « Etes-vous pour ou contre l’anonymat des soutiens ? », il a donné une réponse, naturellement, générale , intemporelle, et fumeuse non sur son choix (évidemment clair avant même qu’il ouvre la bouche) mais sur des topoi généraux du style « démocratie, etc. », le tout sans même prononcer le nom de Marine Le Pen et du Front national.
Naturellement, le passeur de plat de service chez Pujadas, Fabien Namias (le bougre, fils de Robert Namias a de qui tenir !) s’est bien gardé de poser en termes un peu plus précis le problème actuel, et de demander, gentiment et poliment, à Monsieur Fillon de ne pas se payer ainsi notre tête. Nous sommes en France que diable et comme je l’ai déjà dit, nos « journalistes « sont tellement aux ordres que point n’est besoin de leur en donner !
Le cas de Marine Le Pen, le seul qui se pose vraiment, est évidemment particulier puisque le système du scrutin majoritaire, qui pourrait lui assurer de forts contingents d’élus vu le nombnre de ses électeurs (Mitterrand, le vrai créateur du FN, dans sa stratégie avouée de division de la droite, lui avait ainsi fait élire 35 députés en 1986, mais on a mémoire courte rue de Solférino !) interdit au Front National d'avoir, dans la plupart des élections, des représentants. C'est toute la différence avec, par exemple, Jean-Luc Mélenchon, qui a lui aussi des positions très radicales et même parfois voisines, mais qui à travers le Parti Communiste dispose d'une masse d'élus locaux suffisante pour lui rendre aisée la collecte des 500 signatures.
Le problème est toutefois ailleurs et je suis surpris de n’avoir entendu personne exposer un point de vue qui me paraît pourtant complètement évident. On a beau dire à qui mieux mieux que le soutien à un candidat à la présidentielle ne signifie en rien qu'on adopte ses positions, on peut néanmoins penser que ce facteur peut intervenir dans la décision d'accorder ou non son soutien à tel ou tel et que l'on exprime par un tel geste une position en matière politique et sociale, quel qu'en soient les motivations et que la sauce. Le vrai débat de fond est autre comme le problème est ailleurs et nullement là où, non sans calcul, le situait François Fillon. Deux remarques sont essentielles, même si, comme souvent, nul ne les fait.
La première est que notre Constitution, et ce point est particulièrement clair dans la version qui en a été adoptée en 2008, garantit à tout citoyen français la liberté d'expression. Or, en dépit des dénégations des deux grands candidats, à droite comme à gauche, les deux partis dominants exercent des pressions, fussent-elles non formulées et simplement morales (si l’on ose user d’un tel terme en pareille circonstance et pour un tel objet) sur les élus amenés à se voir demander leur soutien par M. Le Pen. Il y a donc clairement là un attentat majeur contre notre Constitution dont la révision a été votée, en outre, à l’initiative de ce même gouvernement qui ose légitimer la publication des soutiens au nom de la démocratie, ce qui est tout de même un peu fort de café.
La seconde remarque est plus importante encore. Si l’on admet qu’un tel soutien relève, peu ou prou, d’un choix politique, comment concilier un telle publication, en outre OFFICIELLE, des choix des élus avec la loi française qui exige, partout et toujours, le secret du vote. Allez donc voter sans passer par l'isoloir et, pire encore, prenez un seul bulletin que vous montrerez à tout le monde, comme cela se faisait très souvent, autrefois, dans les départements d'outre-mer, où cette pratique, courante et monnayée, s'appelait d'ailleurs ici ou là, « voter franc ». Dans tous ces cas, votre vote serait aussitôt annulé ! Comment peut-on exiger de voir publier le choix du soutien d'un candidat, même s'il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une approbation des positions de ce candidat ni vraiment d’un vote au sens propre. Je serai ce curieux de connaître, sur ce point précis, le sentiment réel d'un spécialiste du droit constitutionnel qui serait en position, lui aussi, de s'exprimer librement et ne serait pas dans l’attente, d’un bord ou de l’autre, d’une nomination au Conseil constitutionnel.
La mauvaise foi de ceux qui exigent la publication des soutiens est donc éclatante. Ils visent, en fait, non au respect de quelques principes démocratiques totalement indéfendables (si le FN menace vraiment la démocratie, on doit alors l’interdire purement et simplement) et ne veulent rien d’autre que barrer la route à une candidate ( en la circonstance Marine Le Pen) qui évidemment les menace très directement et risque d'empêcher le candidat de l'UMP ou celui du PS d'arriver au second tour. Leur acharnement à s'opposer à ce que 20, 25 voire 30 % des électeurs puissent s’exprimer en sa faveur dans ce scrutin ne tient donc, de toute évidence, qu'à la seule défense acharnée de leurs intérêts personnels immédiats, fût-ce au prix d’un attentat contre cette démoicatie qu’ils invoquent si volontiers.
La menace du FN contre la démocratie est bien entendu un tigre de papier. En effet, tout le monde s'accorde à penser que, même si Marine Le Pen arrive largement en tête au premier tour, le mode de scrutin présidentiel français ne lui donne pas plus de chances qu’à son père, en 2002, de se voir finalement élue. En revanche, il est clair que s’il en est ainsi, quels que soient les scores des autres, candidats, l’un des deux grands favoris de cette élection restera inévitablement sur le carreau, ce qui ne peut que lui déplaire et le rendre prêt à tout pour éviter une telle issue, au demeurant incertaine ;
Messieurs des médias comme de la politique, essayez, pour une fois, de ne pas nous prendre pour des imbéciles en présentant des arguments indéfendables pour tenter de tenter en vain de cacher la réalité de vos intérêts personnels dans cette affaire.
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