"Voulez-vous jouer avec moa?" Ce titre est celui d'une pièce de Marcel Achard (des années 20, me semble-t-il?) qui n'a rien à voir avec mon propos, quoique je mette en jeu, dans cette affaire, comme toujours, la tringle à rideaux du regretté Coluche que nul n'a encore gagnée. Venons-en au fait et au jeu !
Savez-vous ce que veut dire CDS ?
"It rings the bell" ? Dans notre dialecte ordinaire, on dit plutôt "ça vous dit quelque chose!" non ? Je vous vois déjà vous précipiter, d'un geste plein d'espoir, sur Google et Wikipedia pour y lire l'instant d'après que le CDS (Centre des Démocrates Sociaux) est "un parti politique français du centre droit, de conviction démocrate-chrétienne, fondé au congrès de Rennes, par la fusion du Centre démocrate de Jean Lecanuet et du Centre Démocratie et Progrès de Jacques Duhamel" In cauda venenum ! Vous vous voyez déjà en possession de la tringle à rideaux quand vous lisez la suite : " Le CDS fusionne, dans la suite, avec le PSD et devient Force démocrate en novembre 1995, sous l'impulsion de François Bayrou". L'évocation de ce dernier nom vous donne à croire que vous brûlez, mais pas du tout vous êtes au pôle. Paix à toutes ces belles âmes, (sauf celle de Bayrou) mais vous n'êtes pas dans le coup et même fort loin du but !
Car "CDS" n'est pas du français mais forme l'acronyme de "Credit Default Swaps", car la perfide Albion est le temple majeur et incontesté de la finance ; à ce titre, elle attire désormais le tiers de nos polytechniciens ; en revanche, la France, elle, demeure la pépinière des Médailles Fields (le Nobel des mathématiques) dont le plus pittoresque titulaire est sans aucun doute le dernier, que caractérisent, non sans pittoresque, son génie mathématique, son amour des lavallières et sa passion des araignées!
Venons en donc aux CDS en laissant de côté la tringle à rideaux!
Les CDS, qu'on nomme poétiquement en français "couvertures de défaillance" ou joliment "dérivés sur événement de crédit" ou même plus mystérieusement "permutations de l'impayé" constituent des "contrats de protection financière entre acheteurs et vendeurs", qui, dit-on, furent imaginés au sein de la banque John Pierpont Morgan. Attachez vos ceintures car nous entrons à la fois dans une zone (ô combien) turbulente et dans une "terra incognita" où sont, non pas les innocents "ursi vel leones" des régions blanches et inexplorées des cartes d'antan, mais des ogres de phynances infiniment plus avides et plus redoutables. J'ai mis ici un peu de latin pour vous préparer à celui de la suite qui n'a rien d'ecclésiastique comme vous allez le constater :
"L'acheteur de protection verse une prime ex ante annuelle calculée sur le montant notionnel de l'actif à couvrir, souvent dit de référence ou sous-jacent (ce montant étant également appelé encours notionnel du CDS), au vendeur de protection qui promet de compenser ex post les pertes de l'actif de référence en cas d'événement de crédit précisé dans le contrat. Il s'agit donc, sur le plan des flux financiers, de l'équivalent d'un contrat d'assurance".
Poursuivons dans Wikipedia : "Il s'agit d'une transaction non-financée : sans obligation de mettre de côté des fonds pour garantir la transaction, le vendeur de protection reçoit des primes périodiques et augmente ses avoirs sans nul investissement en capital si aucun événement de crédit n'a lieu jusqu'à maturité (la fin) du contrat. Dans le cas contraire, événement plus ou moins probable mais très coûteux, il est contraint de faire un paiement contingent, donc de fournir des fonds ex post. Il s'agit donc d'une exposition hors-bilan.
Les CDS ont été largement incriminés dans la responsabilité de la crise financière de 2007-2010 puis la crise de la dette dans la zone euro de 2011".
Tu m'étonnes! On dit que le marché des CDS représente plus de 90% de tous les dérivés de crédit, les trois-quarts de ce marché étant entre les mains d'une dizaines de "dealers". Mieux encore, en 2008, le marché des CDS dépassait de dix fois le montant total des créances sous-jacentes et même le PIB mondial !
En somme, X achète à Y, par exemple, un CDS sur une créance-bidon (des obligations d'Etat grecques pour prendre un cas d'actualité), sans être lui-même en rien un créancier de la Grèce ; il le fait sur une base de prix qu'on nomme, dans le langage fleuri des traders, "le montant notionnel de l'actif à couvrir" (j'adore le "notionnel" qui veut simplement dire que ce montant est théorique et équivaut souvent à plusieurs fois le montant de la créance elle-même !) ; l'acheteur (celui qui par là s'assure en quelque sorte), ne paye pas le vendeur, en réalité, sauf en lui versant "des primes périodiques", le seul intérêt du "vendeur" (l'assureur) étant "d'augmenter ses avoirs [purement théoriques puisque c'est de la monnaie de singe en général] sans nul investissement en capital".
Comme demeure néanmoins le principe de l'assurance, il ne reste plus au "vendeur de protection" (l'assureur) qu'à prier pour que ne se produise pas un "événement de crédit" [toujours ce bel art de litote, puisqu'il s'agit là de la faillite de la Grèce par défaut de paiement] et à "l'acheteur de protection" qu'à prier, à l'inverse, pour que se produise le même fâcheux "événement de crédit" qui lui permettra de toucher l'assurance.
Si vous comprenez quelque chose à ce système, dites-le moi et surtout expliquez-moi comment on peut être assez stupide pour marcher dans pareille combine, sauf si le vendeur et l'acheteur de CDS sont une seule et même personne ou institution!
Demain, j'essayerai d'éclairer notre lanterne grâce à quelques extraits de textes de Gaël Giraud ; non seulement il est l'un des meilleurs de nos économistes (je pense qu'il est le meilleur, mais je ménage sa modestie), mais sûrement celui dont les propos sont les plus clairs et les plus précis à la fois !
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